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samedi 26 novembre 2016

Israël, l'oublié de la Francophonie




ISRAËL, L’OUBLIÉ DE LA FRANCOPHONIE

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps



Le centre des Conférences d'Antananarivo

          Le 16e sommet de la Francophonie s’ouvre le 26 novembre 2016 à Antananarivo. Plus d’une vingtaine de chefs d’État et de gouvernement sont attendus dans la capitale malgache. Les poids lourds de l'OIF seront certes présents, mais on notera des absences remarquées, non justifiées par des raisons d'agenda. François Hollande foulera le sol malgache pour la première fois de sa vie. Le Canadien Justin Trudeau et le marocain Mohammed VI y étaient déjà. Le roi du Maroc anticipe ainsi son retour dans l’Union africaine en janvier.





Michaelle Jean

Des figures incontournables de la francophonie assisteront : le Sénégalais Macky Sall, le Nigérien Mahamadou Issoufou, le Burkinabé Roch Marc Christian Kabore, le Togolais Faure Gnassingbé, le Tchadien Idriss Deby, le Gabonais Ali Bongo et le Centrafricain Faustin-Archange Touadéra. Le Camerounais Paul Biya et le Congolais Denis Sassou-Nguesso ne seront pas présents pour des raisons liées à une querelle avec le président François Hollande. Le Congolais Joseph Kabila a décidé de ne pas être présent.
Il est à nouveau nécessaire de rappeler qu’Israël est l’oublié de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Abdou Diouf, son précédent secrétaire général, s’était plaint dans un article au Monde du «désamour, désintérêt des Français pour la Francophonie» sans pouvoir analyser les causes. La nouvelle secrétaire générale, Michaelle Jean, n'ignore pas que les États et gouvernements répartis sur l’ensemble des continents se sont comportés en fossoyeurs de l’organisation car ils l’ont tout simplement politisée.

Au lieu de promouvoir la langue et la culture françaises et de combattre l’impérialisme réel et envahissant de la culture anglo-américaine, les Sommets de la francophonie ont fixé des ordres du jour strictement politiques : paix et droits de l’homme, démocratie et économie, technologie et environnement, enjeux environnementaux et économiques face à la gouvernance mondiale, et enfin égalité femmes/hommes. Tout a été organisé pour que la politique et l’idéologie priment sur la culture et la linguistique. Pourtant si les politiques avaient été exclus de ces réunions, les combats n’auraient été que littéraires.
L'institut français à Tel-Aviv

Nul n’ignore qu’Israël, avec ses centaines de milliers d’originaires des anciennes colonies françaises et des pays de l’Est amoureux du français, est exclu de l’organisation par suite du veto de certains pays dont l’intransigeance vis à vis du pays hébreu va jusqu’à prendre la culture en otage. Pourtant M. Diouf avait estimé, à juste titre, que la «langue française appartient à ceux qui ont choisi de la féconder aux accents de leurs cultures, de leurs imaginaires, de leurs talents».
Cette volonté de mêler la politique à la culture ne s’explique pas. Rien n’est fait par l’Organisation pour considérer que la défense et la diffusion des textes de Zola, Balzac ou Victor Hugo, et même de Jacques Brel ou Léo Ferré, doivent s’élever au-dessus des intérêts politiques des dirigeants. La culture est un espace de liberté et de paix où les amoureux des textes, des mots et des phrases bien faites devraient se retrouver dans le seul combat pour la défense du talent et de la liberté de penser et d’écrire.
Israël ne mérite pas, selon certains diplomates représentant souvent des régimes verrouillés ou pourris, de figurer parmi cette caste qui se permet de fixer des objectifs dénaturés alors que Malraux et Sartre défendaient d’abord le combat littéraire avant la lutte politique. La France, marraine de cette organisation, a déçu jusqu’à présent en faisant preuve de retenue et en se réfugiant derrière l’alibi des statuts. On organise des révolutions, on réforme des pans entiers de Constitution mais on hésite à modifier quelques articles d’un règlement, devenu obsolète avec le temps, qui permet à un seul pays, le Liban en l’occurrence, d'apposer son veto contre l'admission d'Israël, pour des raisons qui n’ont rien de culturelles.

Israël est exclu de cette organisation malgré ses 150.000 francophones alors que son voisin, l’Égypte y adhère avec 1% sans oublier l’Albanie et les Îles Seychelles avec moins de 1%. Ses membres devraient s’inspirer des idéaux de culture pour faire asseoir à la même table des ennemis dont le seul ordre du jour serait de lutter pour la prééminence de la langue française. Mais pour cela il faut d’abord faire preuve de réalisme avant de faire preuve d’intelligence.  L’intelligence consiste à comprendre que la culture peut souvent favoriser des liens humains purs et désintéressés pouvant conduire des ennemis potentiels à se parler, puis à se connaître et enfin à s’apprécier.
Abdou Diouf

Quelques hommes politiques courageux osent ouvertement se prononcer sur cette anomalie qui met Israël au ban de la culture française malgré les nombreuses publications dans la langue de Molière qui naissent au fil des amours des Israéliens avec le texte et les mots. La langue française doit être considérée comme une espèce protégée et paradoxalement Israël, selon le souhait d’Abdou Diouf, «fait l’effort de se penser dans un ensemble linguistique dynamique et créateur de diversité culturelle». Nous attendons toujours en vain des ministres français qu'ils fassent preuve d'un courage politique qui a manqué jusqu’alors pour corriger une anomalie qui fait tâche. Il est vrai que le député qui nous représente à l'Assemblée nationale ne s'est pas trop distingué sur cette question.

Comme à chaque sommet, les participants auront à statuer le 26 novembre sur la question de l’adhésion de certains États. Cette année la province canadienne de l’Ontario, l’Argentine et la Corée du Sud demandent le statut d’observateur, la Nouvelle-Calédonie, celui de membre associé. Mais une demande d’adhésion suscite l’embarras dans les couloirs du sommet : celle de l’Arabie saoudite. L’embarras est justifié car, dans les projets de résolution soumis cette année, figure la création d’une entité pour la promotion de l’égalité homme-femme ce qui, pour Ryad, pourrait être considéré comme une insulte ou une ingérence dans les affaires internes du pays. Mais l’Arabie saoudite est au cœur des gesticulations militaires au Proche-Orient et il semblerait que les pays auront du mal à l'écarter de l'OIF. D’ailleurs les crises sécuritaires seront abordées ainsi que le terrorisme islamiste bien que cela ne concerne pas la culture proprement dite.
Steve Suissa et Cécile Bens'

Qu’à cela ne tienne ! Israël continuera à défendre la langue française. Des spectacles et des troupes se produisent pour le bonheur des francophones; des livres y sont publiés dans la langue de Molière. Le pays n’a pas à rougir de son activisme culturel français même s’il est peu aidé financièrement. On doit ainsi, en novembre 2016, au Collège Académique de Netanya, dont le Campus francophone est présidé par Claude Grundman-Brightman, un spectacle musical de Steve Suissa avec Cécile Bens’, durant lequel la langue française et les chansons à textes étaient à l'honneur. Laissons à l'OIF ses querelles politiques !

4 commentaires:

Michèle M. a dit…

Hélas tu n'as que trop raison. J'ajoute que le cours de français pour petits qui devait s'ouvrir à l'institut rue Rothschild vient d'être annulé compte tenu des conditions draconiennes imposés - paiement de toute l'année d'avance et non remboursement en cas d'arrêt après deux leçons.

דוב קרבי dov kravi a dit…

" Nous attendons toujours en vain des ministres français qu'ils fassent preuve d'un courage politique qui a manqué jusqu’alors pour corriger une anomalie qui fait tâche. "
N'attendez pas trop longtemps, vous allez vous lasser très vite.

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

Permettez-moi de faire un petit retour en arrière. C'est vous qui, dans un article du 19 mars 2012, nous avez présenté François Hollande comme "un stratège qui peut rivaliser avec son père spirituel François Mitterrand". C'était une erreur : François Hollande n'a jamais été, ni de près ni de loin, cet homme de culture qu'était le président Mitterrand.
Mais le 30 avril 2012, Johann Habib prédisait dans un article intitulé : "Balle au centre" : "François Hollande sera largement élu président de la République. Son élection détériorera les liens entre les juifs de France et la République et, entre la France et Israël."
Il ne vous aura pas échappé que nous sommes à nouveau en campagne électorale, or voici ce que j'écrivais déjà en commentaire chez vous le 27 avril 2012 :

"Cher monsieur Benillouche,
Je partage votre admiration pour Philippe Séguin qui, en effet a été un très grand serviteur de l'état. Et pour tout vous dire je l'ai soutenu, lorsque avec Charles Pasqua et Philippe de Villiers, il militait contre la signature du traité de Maastricht. S'ils avaient eu une semaine de plus de campagne, sans doute aurions nous pu espérer avoir cette Europe des nations que tant d'Européens appellent de leurs voeux.
Pour la suite de votre article, j'ai une autre vision concernant François Fillon.
Même si vous pouvez écrire "la malédiction des premiers ministres" - d'autres ont parlé de "l'enfer de Matignon" - il n'en reste pas moins, que à part Georges Pompidou, François Fillon tient le record de longévité à Matignon. Et quelles qu'aient pu être les dissensions au sein du couple Sarkozy-Fillon, ce dernier n'en a pas éprouvé le besoin de se suicider comme Bérégovoy naguère.
Enfin, et pour finir, ce n'est un secret pour personne, que Fillon brigue un mandat de député de Paris et au-delà, la mairie de la capitale, dont personne ne doute qu'elle soit à sa portée, ce qui sera un excellent tremplin pour accéder à la présidence de la République en 2017, que Sarkozy soit élu en 2012, ou pas."
Nous sommes à la veille d'une prochaine alternance qui amènera, soyez en sûr, un changement dans les relations avec Israël, la France traditionnelle ayant toujours été pro-israélienne alors que la France dite "progressiste", c'est-à-dire gauchiste, est et restera, anti-israélienne et pro-palestinienne.



Très cordialment.

Arie AVIDOR a dit…

L'OIF est une organisation internationale qui comprend, à tort ou à raison , 80 Etats (57 membres et 23 observateurs). La France ne contrôle pas l'OIF et l'admission à l'organisation se fait par consensus. En d'autres termes, chaque pays membre à un droit de véto. En ces circonstances, il va de soi que nous n'avons aucune chance d'y adhérer tant que la situation n'aura pas évolué radicalement dans notre région. D'ailleurs, quel intérêt aurions-nous à rejoindre une organisation majoritairement hostile qui servirait de tribunal pour nous mettre au pilori tout en exigeant de nous 25 millions de dollars par ans de cotisation au prorata du PIB? Alors, autant garder son calme et rester réaliste, d'autant plus que l'OIF n'est pas vraiment un forum particulièrement attrayant sur le plan international.