YAÏR LAPID SUR LA VOIE SANS ISSUE DE TSIPI LIVNI
Par Jacques BENILLOUCHE
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Bien
qu’on n’ait pas trop à compter sur la rigueur des sondages, ils donnent une image de l'opinion à un instant donné. Ils prédisent une victoire de Yaïr Lapid qui serait en tête des élections si elles avaient lieu aujourd'hui. La
situation ressemblerait à celle de 2009 où les Travaillistes étaient hors-jeu
et où le Likoud ne réussissait pas à convaincre une majorité d’électeurs.
Yitzhak Herzog n’arrive toujours pas à percer tant il est une erreur de casting
alors qu’il s’entête à s’accrocher à son fauteuil de président d’un parti à la
déroute. Mourir pour mourir, autant emporter avec lui l’espoir des militants.
Le sondage du 6 septembre 2016
plaçait Yesh Atid en première ligne à égalité avec 21 sièges contre 11 à la
précédente Knesset, Likoud 21 contre 30, Habayit Hayehudi 14 contre 8, Liste
arabe 13 inchangé, Travaillistes 11 contre 24, Israël Beitenou 10 contre 6,
Yahadout Ha Torah 7 contre 6, Yaalon 7, Shass 6 contre 7, Koulanou 5 contre 10 et
Meretz inchangé à 5. Il en ressort de ce
sondage que Herzog n’est plus qualifié pour diriger un gouvernement. Si Yaalon
ne se présente pas sur une liste indépendante alors Lapid aurait 24 sièges
contre 22 au Likoud.
Certes Lapid
n’est pas encore premier ministre mais il a au moins acquis une stature qui lui donne une certaine légitimité pour remplacer Netanyahou. Sa stratégie payante a
consisté à éviter l'attaque frontale contre la gauche pour puiser dans ses effectifs et à déborder Netanyahou par la droite et
le centre. Il s’est montré le champion anti religieux en critiquant le premier
ministre pour sa capitulation devant les partis orthodoxes qui se sont opposés
au travail durant le shabbat et qui ont détricoté ses lois sur la conscription
religieuse. Netanyahou pourra difficilement accuser Lapid de gauchisme car il sait que Lapid est issu de la droite dont il ne s'écarte pas beaucoup de l'idéologie. En effet, il n’est pas un fanatique des négociations avec les
Palestiniens et il élude toutes les questions concernant Jérusalem. C’est un
libéral pur sucre.
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Moshé Feiglin |
Lapid peut
profiter de la lassitude de la population et même de celle de certains militants du
Likoud à l’égard de Netanyahou, accusé d’atteinte à la démocratie et d’attaques
contre la presse, ou alors de mollesse. D’ailleurs le sondage précise que trois sièges attribués à
Lapid viennent directement du Likoud et que les autres sont enlevés aux
Travaillistes. L’ancien député du Likoud Moshé
Feiglin semble vouloir conjurer le sort avec son
explication : «Lapid sera le prochain Premier ministre ; les gens
sont fatigués de Netanyahu et sont à la recherche d'une alternative».
Lapid a pour lui
d’être un homme nouveau et jeune qui est bien vu à l’étranger parce qu’il est
perçu comme un pragmatique. Il a compris qu’il devait chasser au centre-droit
et sur les terres de la gauche. Et cela lui réussit bien. Pour l’instant, face à
ces sondages, Netanyahou fait le dos rond mais il mesure ce nouveau danger à la
gauche du Likoud. Alors il a contre-attaqué en laissant croire à un sommet
avec le président palestinien Mahmoud Abbas sur la base d’une solution à deux États
à laquelle il n’adhère absolument pas. Il sent aussi que, face à son concurrent, la question de l’âge pèse ; il ne peut pas rivaliser avec un «jeune»
doté de charisme et surtout très déterminé. Il mesure à présent que
depuis 2015, le Likoud a perdu sur le papier sa place de premier parti d’Israël
et que lui-même a perdu son image d’invincibilité. Il sent qu’il peut perdre sa
place.
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Tsipi Livni en 2009 |
Mais en cas de
victoire, Lapid pourrait faire face aux mêmes blocages que Tsipi Livni en 2009
lorsque, arrivée en tête, elle n’a pas pu constituer une coalition parce
qu’elle refusait d’inclure les religieux au gouvernement. Selon les derniers sondages, la ligne de rupture a
peu évolué ; il n’y a pas de révolution marquée. La coalition de droite comporte
65 sièges contre 67 actuellement et le centre-gauche 55
si l’on inclue la liste arabe. C’est donc mission presque impossible car on
voit mal des partis nationalistes juifs rejoindre Lapid ; l’apport de
Koulanou de Moshé Kahlon reste improbable. La seule solution serait un revirement
de Naftali Bennett qui rejoindrait le centre pour se venger du premier ministre.
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Gabi Ashkénazi |
Cette analyse a d’ailleurs poussé
Herzog a négocier en sous-main son entrée au gouvernement quand il a compris
que son avenir de ministre était compromis et que Meretz comptait se refaire
une santé sur les débris du parti travailliste. L’inconnue reste cependant la
position des deux anciens chefs d’État-Major, Moshe Yaalon et Gabi Ashkénazi, qui
sont sur les rangs pour entrer en politique mais qui ne se sont pas prononcés sur leur stratégie qui reste cependant évidente sur un point : tout sauf le Likoud avec
qui ils sont en délicatesse.
La victoire de Lapid pourrait se dégonfler face à ces deux monstres sécuritaires qui veulent engager leur expérience de manière solitaire, hors des partis classiques. Pour l’instant la situation politique semble stagner et les cartes n’ont pas été toutes redistribuées malgré la percée de Yaïr Lapid dans les sondages. Il faudrait presque une révolution dans les partis pour envisager une recomposition politique qui n'est pas en vue.
La victoire de Lapid pourrait se dégonfler face à ces deux monstres sécuritaires qui veulent engager leur expérience de manière solitaire, hors des partis classiques. Pour l’instant la situation politique semble stagner et les cartes n’ont pas été toutes redistribuées malgré la percée de Yaïr Lapid dans les sondages. Il faudrait presque une révolution dans les partis pour envisager une recomposition politique qui n'est pas en vue.
2 commentaires:
Bennett pourrait rejoindre Lapid, non seulement pour "punir Bibi" comme le suggère Jacques mais également parce qu'il s'entend très bien avec Lapid.
En 1973, le Likoud naquit de la coalition de deux grands partis et quelques petites listrs. Ces 2 grands partis etaient le Herout et les Sionistes-Generaux. L'histoire aidant, les 2 partis fusionnerent en 1988. En fait, le Herout phagocyta les sionistes-generaux. Ces derniers representaient une fraction importante de la societe israelienne, liberale et anti-clericale. En fait, les sionistes generaux ne disparurent jamais vraiment, mais seulle nom tomba dans les oubliettes de l'Histoire. Le Shinoui de Rubinstein puis de Tommy Lapid, Yesh Atid de Yair Lapid sont les sionistes generaux.
Ce sont eux qui furent longtemps la formation politique qui determinait si le gouvernement serait de gauche ou de droite.
Aussi pour que Yair Lapid puisse un jour reussir il doit trouver un partenaire important, soit a gauche, soit a droite.
Mais en fait, la population actuelle d'Israel a vire a droite, soit parce que cela correspond a ses interets economiques, soit parce que cela represente des aspirations nationalistes ou irredentistes, soit tout simplement parce que la couche pauvre a trouve la solution a ses problemes: passer a la religion, d'ou le doublement de la representativite reglieuse en 40 ans.
Si Yair Lapid choisit la gauche, c'est a dire le Camp Sioniste de Herzog, il sera percu "gauchiste" et perdra automatiquement n'importe quelle election, ou bien il choisit la droite et se retrouvera sous la tutelle de Bibi qui en a encore pour au moins 15 ans de pouvoir politique.
Bref, pauvre Yair...
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