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mercredi 28 septembre 2016

Buisson, son ancien gourou, exécute Sarkozy




BUISSON, SON ANCIEN GOUROU, EXÉCUTE SARKOZY

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps 

            

          Patrick Buisson, dans une vengeance froide, vient de lancer une attaque au vitriol contre Nicolas Sarkozy qu’il avait conseillé à l’Élysée pendant toute la durée où ce dernier était président.  Son livre «La cause du peuple» est un réquisitoire sans concession. L’homme de l’ombre, qui tirait les ficelles depuis le Château et qui inspirait la stratégie de la droite au pouvoir, est considéré aujourd’hui comme un traitre, parce qu’il sort sa prose à la veille des primaires de la droite. L’ouvrage, dont le titre est inspiré des Maoïstes, a été certainement réfléchi ce que suggère le délai qui s’est écoulé depuis sa rupture en 2012.



            Patrick Buisson, qui avait tout enregistré à l’insu de ses interlocuteurs, considère ses pages comme un témoignage fidèle et non comme un rejet de ses nombreuses années de collaboration.  Il revient ainsi sur «les accointances de Nicolas Sarkozy avec le Front national» qu’il a lui-même suggérées et il assure que la position de son ex-mentor à l'égard du FN n'a jamais évolué. 
          D'ailleurs il cite Sarkozy qui aurait lancé dans une réunion en 2005 : «Les valeurs du Front national sont celles de tous les Français ; c'est la manière dont le FN les exprime qui est choquante. Les Français n'aiment pas les plats trop pimentés qui emportent la gueule». Son livre risque d’être dévastateur. Qui est cet homme qui ressort de l’ombre et qui avait une influence presque mystique ?
        Ce livre représente l'expression d'une rancune tenace à l'égard de l'homme qu'il a mené au sommet et qui l'a ensuite désavoué. En effet, Nicolas Sarkozy avait choisi en 2007 une équipe de campagne resserrée sur les conseils du chef d’orchestre Patrick Buisson. Dès le départ, la stratégie consistait à chasser sur les terres du FN et rien ne devait choquer les électeurs de ce camp. Ainsi, un détail qui ne trompe pas, le comité de campagne de Sarkozy ne comportait aucun Juif, ce qui fut une première dans l’histoire des élections françaises. Pourtant, les Juifs ne manquaient pas autour du président, en particulier Valérie Hoffenberg qui aurait pu ainsi avoir un coup de pouce pour sa propre élection comme députée des Français de l’étranger. Le président, qui disposait d’une officine privée de sondages, savait que l’élection de 2007 se disputerait à l’extrême-droite.

Patrick Buisson, journaliste, avait rejoint en 1981 l'hebdomadaire d'extrême-droite «Minute», pour se spécialiser dans les articles contre les «socialo-communistes». Il en avait profité pour décrire l’ascension politique de Jean-Marie Le Pen avec beaucoup d’indulgence, pour ne pas dire de lyrisme. Il avait produit en 1984 avec Alain Renault, ancien secrétaire national du Front national, François Brigneau et Roland Gaucher «l’Album Le Pen» qui magnifiait la personnalité et les projets du président du FN.
François Brigneau et Le Pen

François Brigneau, de son vrai nom Emmanuel Allot, journaliste, écrivain, éditeur et militant français d'extrême-droite, s’était orienté vers la Collaboration durant la Seconde Guerre mondiale et n’avait pas caché son admiration pour Robert Brasillach, fusillé pour faits de collaboration et rencontré à la prison de Fresnes. Au lendemain du débarquement allié en Normandie, il s’était engagé dans la Milice. Roland Gaucher, de son vrai nom Roland Goguillot, homme politique, journaliste et écrivain nationaliste français, avait commencé sa carrière à l'extrême-gauche comme membre du groupuscule trotskyste, Fédération des étudiants révolutionnaires. Mais il devint l’un des fondateurs, en octobre 1972, du Front national.

Patrick Buisson n’avait pas caché ses sympathies pour l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète) qui s’était opposée à l’indépendance de l’Algérie par des actions terroristes en France et en Algérie. Il ira jusqu’à rédiger avec Pascal Gauchon un ouvrage à la gloire de cette organisation. Ce dernier, membre d'Ordre nouveau, s'associa en juin 1974 à la création du PFN (parti des forces nouvelles) avec François Brigneau, Jean-François Galvaire, Roland Gaucher, Jack Marchal et Alain Robert. Il devint secrétaire général du PFN, mouvement d'extrême droite, de 1974 à 1981.

De 1976 à 1978, Patrick Buisson avait collaboré à la revue «Item» qui «se veut un instrument de réflexion pour lutter contre le terrorisme intellectuel de la gauche». La revue donnait la parole aux anciens collabos, aux membres du FN et aux amis politiques de Jean-Marie Le Pen. Il développait les thèmes traditionnels de l’extrême-droite et des pétainistes : l’ordre, la morale, la tradition. Il y écrivait notamment : «Le seul Ordre qui vaille et qui dure implique un retour à la valeur qui met l'inégalité au service de l'unité et à laquelle les hommes s'épurent et se mesurent. Une société saine assoit sa hiérarchie sur des inégalités fonctionnelles résultant de différences naturelles. Purifier l'ordre social par les forces qui lui sont extérieures, c'est-à-dire reconstruire une société où les rapports et les hiérarchies s'enracinent dans la nature et s'élèvent jusqu'à Dieu».
Le message de Nicolas Sarkozy avait été clair en 2007. En plaçant au sommet de son équipe de campagne un expert qui avait flirté avec des militants et des organisations antisémites, il acceptait d’user de tous les moyens pour garantir sa réélection et confirmait l’orientation qu’il comptait donner à sa campagne. Tout était bon pour attirer à lui les voix de Marine le Pen, quitte à s’entourer de tous les gourous qui avaient fait les beaux jours de son père Jean-Marie.
Cette stratégie avait indisposé l’entourage direct de Nicolas Sarkozy dont certains fervents avaient été écartés pour avoir fait preuve de beaucoup de réticence et d’une incroyable discrétion. Le premier ministre, François Fillon, avait alors pratiqué le «service minimum» vis-à-vis de son président. L’élève de Philippe Seguin, gaulliste de gauche pur et dur, pouvait difficilement se compromettre dans une démarche qu’il n’approuvait pas. Mais il n’a pas été jusqu’à s’opposer frontalement au président. Il a accepté son poste et a instillé quelques manifestations de mauvaise humeur que n’aurait désavoué aucun socialiste.

Plusieurs personnalités de l’UMP étaient en désaccord avec cette stratégie. L’homme d’État Alain Juppé, qui avait pourtant besoin des voix FN pour être réélu à Bordeaux, a préféré renoncer à sa candidature pour ne pas cautionner une dérive droitière et pour ne pas devoir son élection à des extrémistes. Il savait que sans le FN, il n’était pas élu. Mais beaucoup d’autres étaient prêts à tous les compromis pour garder leur siège. Le combat contre l'islamisme n'autorisait pas toutes les compromissions.

Après avoir choisi une stratégie perdante en 2012, Sarkozy recherche à nouveau aujourd’hui la voie de l’aventure extrême-droitière. Mais les vrais gaullistes et les vrais républicains n'accepteront pas d'apporter leur caution à un suicide politique, à leur tête Alain Juppé. Sarkozy n’a pas été le seul à s’inspirer des thèses de Buisson. Le courant de l'UMP, «la droite forte», animé par Jean-François Copé, avait aussi puisé ses idées dans celles de l'ancienne équipe de campagne de Nicolas Sarkozy.
Le message d’alors de Jean-François Copé était clair. En mettant en valeur les idées d'un expert qui avait flirté avec des militants et des organisations d'extrême-droite, sinon antisémites, il montrait que tous les moyens étaient bons pour gagner les élections. En précisant ouvertement l’orientation droitière qu’il comptait donner à son programme, il s'était distingué de François Fillon qui n'approuvait pas cette dérive et qui préférait rassembler au centre. Il voulait pomper les voix de l'extrême-droite comme naguère Mitterrand avait siphonné celles du parti communiste. Cela aurait été une excellente stratégie si elle avait réussi car elle éliminait toute nuisance politique.


Toutes les méthodes sont bonnes pour attirer les voix de Marine le Pen, quitte à s’entourer de tous les gourous qui ont fait les beaux jours de son père. Mais s’inspirer aujourd’hui de Buisson c’est jouer avec le feu car, à force prôner les thèses d'extrême-droite, on risque de pousser de nombreux électeurs ou militants à choisir l'original plutôt qu'une pâle copie et à voter pour Marine Le Pen. Patrick Buisson, qui avait montré le chemin, se venge aujourd’hui au risque de faire exploser le camp de la droite.  

2 commentaires:

  1. Cher monsieur Benillouche,

    Ainsi donc, vous vous trouvez à l'avant-poste de cette Nième polémique franco-française qui, si elle passionnera les media et la classe politique, fera à coup sûr un flop auprès du peuple français qui se débat dans le chaos économique, social et culturel qui lui a été imposé par la classe dominante "au nom du bien, de la société ouverte, de l'égalité et de la République" comme l'écrit Christophe Guilluy.
    Certes, Patrick Buisson, qui n'est certainement pas un enfant de choeur, règle ses comptes et "cite Sarkozy qui aurait lancé" ceci, ou qui aurait dit cela... Mais tout le monde s'en fout, car pas un Français sur cent ne connaît ce Monsieur.
    La vérité c'est, qu'à la veille d'une élection difficile, la panique s'est emparée des partis de droite comme de gauche qui depuis des décennies ont prétendu adapter la société française aux normes de la mondialisation et qui s'aperçoivent, élection après élection que les classes populaires, d'où qu'elles viennent, s'abstiennent ou votent pour le Front National.

    Très cordialement.

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  2. Bonjour Monsieur,
    Comment faire confiance a un etre abject sans foi ni Loi? Ce livre me vaut rien et personne ne Le retiendra....
    Bien a vous.

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