LEVÉE
DE BOUCLIERS CONTRE NETANYAHOU
Par Jacques
BENILLOUCHE
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Gaby Askenazi et Benny Gantz |
Tout
a commencé lorsque les anciens chefs d’État-major de Tsahal, Gabi Ashkenazi et
Benny Gantz ont annoncé le 16 juin leur intention de former un nouveau
mouvement social. Ils ont nié qu’il s’agissait d’un parti mais d’un groupe de
réflexion. En tout état de cause, Benny Gantz ne peut prétendre, selon la loi,
à occuper un poste à la Knesset avant janvier 2018. Les deux généraux ont
récemment rencontré l'ancien ministre de l'Éducation, Shai Piron du parti Yesh Atid de Yaïr Lapid, qui a décidé d’adhérer à ce nouveau
mouvement en précisant lui-aussi : «Ce n'est pas un mouvement politique
et il ne cherche pas à renverser qui que ce soit, et certainement pas Netanyahou.
Notre objectif est de créer un programme d'espoir plutôt que de peur». De
nombreux militants sociaux ont rejoint les instigateurs de ce mouvement.
Benny Gantz s’est
exprimé à l'Université Ben Gourion sans révéler s’il avait décidé ou non d’entrer
en politique : «Je pense que le changement dont nous avons besoin dans
la société israélienne viendra du bas vers le haut et non de haut en bas».
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Yaalon à l'IDC |
La 16ème
conférence annuelle d’Herzliya a été l’occasion pour de nombreux
orateurs de lancer une attaque en règle contre le premier ministre
Netanyahou. L’ancien ministre de la défense Moshé Yaalon s’est
immédiatement porté candidat au poste de premier ministre après avoir accusé Netanyahou
«de s’accrocher au pouvoir à tout prix».
Pour l’instant les législatives
sont prévues pour 2019 mais tous les politiques s’accordent pour envisager des
élections anticipées en raison de la fragilité de la coalition actuelle. Yaalon
est considéré comme le seul véritable rival au sein du Likoud puisque personne pour
l’instant n’ose affronter Netanyahou pour le leadership du parti. Yaalon n’avait pas apprécié d’avoir été
écarté du ministère de la défense au profit d’Avigdor Lieberman et il avait préféré
démissionner de son poste en mai 2016. La manœuvre de Netanyahou avait été
interprétée comme une volonté d’écarter un rival potentiel comme il avait naguère déjà agi pour éliminer Naftali Bennett, Moshé Kahlon et Gidéon Sar au
moment où ils se trouvaient en pleine ascension politique.
Yaalon n’a pas
ménagé ses attaques : «La direction actuelle doit cesser d'effrayer les
citoyens comme si on était à la veille d'une nouvelle Shoah. L'État d'Israël
mérite une direction qui cesse de zigzaguer et de renforcer la haine entre les
différents groupes de la société israélienne pour rester au pouvoir à tout prix.
Je sens le désir de changement et je me présente pour offrir une autre voie à
l'État d'Israël».
Yaalon a confirmé sa
méfiance à l’égard premier ministre : «S'il y a quelque chose qui me
tient éveillé la nuit et fait que je sois inquiet pour l'avenir d'Israël, ce ne
sont pas les transports d'armes à travers le Liban. Ce sont les fractures en
cours de création dans la société israélienne et l'érosion systématique de la
qualité de vie». Yaalon s’est donc refusé de se placer sur le terrain
sécuritaire mais a choisi la politique sociale car il a reçu «des milliers
d'appels de citoyens israéliens de toutes tendances et même des membres du
Likoud pour affirmer un désir de changement dans le pays. L'Etat d'Israël et
ses citoyens méritent une direction majestueuse qui arrête cyniquement de zigzaguer
tous les jours et qui ne choisit pas de diviser pour régner. Je ne peux pas
supporter le fait que les dirigeants en 2016 attisent le feu en incitant, en intimidant
et en divisant les Juifs et les Arabes, les ailes droite et gauche, et les
différents secteurs de la société dans le seul but de survivre et de rester au
gouvernement. Nous avons besoin d'une direction majestueuse qui ne permet pas à
quiconque de menacer les juges israéliens et la Cour suprême et devons
combattre toute tentative de nuire à l'Etat de droit. Nous avons besoin d'une
direction qui ne cherche pas à asservir les médias pour ses propres besoins de
survie».
Yaalon est revenu
sur la volonté de Netanyahou de diffuser la peur au sein de la population et a
confirmé que «l'Etat d'Israël est le plus fort dans la région et qu’il n'y a
pas de menace existentielle». Il est en effet bien placé pour connaitre les
capacités de renseignement du pays. Il a été jusqu’à affimer que «le projet
nucléaire iranien ne pose pas une menace immédiate pour Israël et les pays de
la région bien que le régime iranien continue d'être le facteur numéro un de
déstabilisation au Moyen-Orient». Enfin pour lui «le maintien de l'occupation est la seule véritable menace existentielle pour Israël».
Ce sont des mots
durs que jamais le travailliste Herzog n'a prononcés de crainte d’être qualifié de «gauchiste». Le Likoud est
déstabilisé de l’intérieur et cela laissera des traces. Il est même certain que
des militants rejoindront Yaalon dans sa quête de changement.
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Barak à l'IDC |
Mais Yaalon n’a
pas été le seul à donner le ton. Il a été immédiatement suivi par un autre
ancien ministre de la défense : Ehud Barak qui, lui-aussi, n’a pas été
tendre avec celui avec qui il avait gouverné. Il appelle sans détour à renverser
le gouvernement : «Si le gouvernement ne revient pas sur la bonne voie,
nous devons tous nous lever de nos sièges et le renverser par un soulèvement
civil avant qu'il ne soit trop tard».
Barak n’a pas hésité à charger la
barque en accusant le gouvernement de «début de fascisme» en raison des «attaques
contre la démocratie» en s’appuyant sur une série de lois votées ou en
cours d’adoption : la loi sur les ONG, la loi sur le transport séparé
entre Juifs et Arabes en Cisjordanie et le projet de loi visant à appliquer de
droit israélien aux habitants des implantations de Cisjordanie : «Seul
un homme aveugle feignant l'innocence ou celui devenu idéologiquement souillé
ne peut pas voir l'érosion de la démocratie dans l'ensemble de ces projets de
loi et les premiers signes du fascisme qui ont pris possession de ce
gouvernement». Il accuse le Likoud d’être envahi par une «idéologie
extrême» parce qu’au lieu de rechercher la paix avec les
Palestiniens, il conduit Israël vers une «réalité d’apartheid» avec un «Etat
binational avec une minorité juive. Nous sommes conduits par un premier
ministre faible et un gouvernement faible».
Le Likoud a estimé
que «la Conférence d'Herzliya avait viré vers des primaires avec des candidats
frustrés qui se battent pour devenir les sauveurs de l'aile gauche». Ces
déclarations montrent que le pays entre dans une campagne pour des
législatives anticipées. Le fait que des politiciens de droite ou du centre
émettent de sévères critiques peut ébranler les certitudes du gouvernement qui
n’avait pas vu arriver la contestation sur son aile droite. Il était rassuré
par l’atonie du parti travailliste et par son effacement sur le terrain
politique. Cependant la donne a changé à présent et le combat vire au centre et à
droite de l’échiquier politique.
C'est la première fois que Netanyahou doit faire à une telle levée de boucliers de la part de son camp. Mais on peut compter sur son génie politique pour réagir face à cette cabale d’anciens chefs d’Etat-major. Face à
la désertion de ses anciens amis, son salut ne pourrait venir que de
l’élargissement du gouvernement vers les Travaillistes. On voit mal leur
intérêt à sauver un gouvernement de droite, si critiqué de l’intérieur, mais l'attrait des postes ministériels peut faire tomber toutes les réticences.
6 commentaires:
Le peuple est souverain, est vie avec son temps, le peuple est clairvoyant,
C'est dû à la réalité que les hommes de la sécurité d'Israël n'ont pas la réalité de l'anticipation, ils ont la faculté d'action, dans la logique l'action doit être précédée par la réflexion, car nous n'avons pas le droit à l'erreur. C'est vital pour nous.
Parce que pour être efficace mieux vaut être en civil si le pouvoir veut rassurer les flics et les militaires sont en tenus Je préfère l'efficacité a l’esbroufe
Un premier ministre, élu avec 25 % des voix du corps électoral..C'est très abusif de dire que le peuple est derrière lui.
Bibi représente a lui tout seul la perversion absolue du système électoral Israélien.
Maitre en techniques de " combinazione" à l'italienne, qui l'ont porté au pouvoir, il continue a utiliser les mêmes ficelles pour s'y maintenir.
C'est une évidence.
Jacques, j'ai bu du petit lait ce matin à la lecture de votre billet.
Lorsque je lis le discours de Yaalon pour ne prendre que celui là, lequel "ose" utiliser le mot le plus tabou dans le discours politique en Israel, a savoir le mot "occupation" !
Cependant, je n'arrive pas a trouver le début d'une explication au phénomène suivant:
Pourquoi, l'ensemble des anciens chefs d'état majors et d'autres brillants généraux de Tsahal,les anciens premiers ministres, dès lors qu'ils ne sont plus aux commandes, utilisent enfin les vrais mots pour expliquer nos maux ?
Lorsque ils furent nommés a leurs postes, se sont ils assis sur leurs convictions ?
Pourquoi retrouvent ils soudainement une telle liberté de parole ?
J'aimerai qu'on me donne une réponse, car la question est pour moi comparable au mystère divin.
Dans le même fil, je vous renvoie a un film d'anthologie de 2013, "the gatekeepers".
Ou l'on voit 2 heures durant tous les anciens chefs du Shin Beth, clamer que l'occupation, la négation des palestiniens détruisent notre société.
Je me souviens avoir été sidéré.
Les voisins et ennemis de l'Etat d'Israël vont jubiler.....devant de tels déchirements.
Et je rajouterai pour répondre à M.Wolff que l'Etat d'Israël n'a fait que reprendre des territoires perdus dans le passé, sur lesquels les palestiniens (peuple inventé) n'ont aucun droit biblique.
Où alors la Pologne serait en droit de demander la restitution de la partie est de son état, annexée par l'URSS voici soixante-dix ans; idem pour la Prusse orientale annexée par la Pologne....
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