Les islamistes sont installés en Israël
par jacques BENILLOUCHE
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Raed Salah |
Peu de personnes savent en Occident que
de nombreux islamistes militent légalement en Israël. Ils y bénéficient de la
démocratie vivace qui permet l’expression de toute idée politique pacifique. Une
partie d’entre eux a pu exister politiquement jusqu’au 17 novembre 2015 date à
laquelle le mouvement islamique du Nord, dirigé par le Sheikh Raed Salah, a été interdit. Ce mouvement s’était divisé
en deux branches au nord et au sud d'Israël : une branche nordiste plus extrémiste et une branche sudiste, dirigée par Abd Al-Hakim Hajj Yahya, dite plus modérée bien que la modération n'existe pas dans le monde islamiste. Raed Salah a eu plusieurs fois maille à partir avec les
autorités israéliennes ; il avait été d’ailleurs condamné à 11 mois de
prison ferme pour avoir appelé en 2007 «tout musulman et Arabe à venir en aide aux Palestiniens et à lancer une intifada islamique pour défendre pour l'esplanade des Mosquées».
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Abd al-Hakim Hajj Yahya à la Knesset |
S’ils
défendent la même idéologie et leur droit à l’application de la charia, ces
islamistes n’ont rien de commun avec les coupeurs de tête de Daesh. Pour
l’instant, les islamistes israéliens ne préconisent pas le même combat et la
même terreur que Daesh. Ils se placent sur un plan politique pour pouvoir
exister sur la scène israélienne. Ils mettent l'accent sur
l'éducation religieuse et sur le bien-être social pour promouvoir l'islam comme
un mode de vie complet. Ils sont proches des Frères musulmans d’Égypte
donc du Hamas avec la différence notable qu’ils ne détiennent pas de branche
armée du type des brigades Ezzedine Al-Qassam.
Ce mouvement sunnite a été créé en
1970 à l’occasion de la renaissance islamique qui a secoué le Moyen-Orient
après la guerre de Six-Jours de 1967. Il préconise d’augmenter le rôle de
l’islam parmi les Arabes israéliens, dans un pays non musulman, en se bornant à
fournir uniquement des services sociaux à la population. S’il prône ouvertement
une idéologie islamique, il adopte cependant une politique pragmatique car il reconnaît
à Israël le fait de représenter une alternative sociale et culturelle que l’on
ne trouve pas dans les pays arabes. Il ne cherche pas à innover avec un
programme original idéologique et se borne à recycler les idées du monde
sunnite inspirées des Frères musulmans dont il emprunte la devise «l'islam est la solution» (al-Islam hu
al-hal).
Manifestation en Israël avec le drapeau palestinien |
Il adopte des positions prudentes
vis-à-vis d’Israël puisque, contrairement au Hamas, il élude dans sa charte
toute affiliation officielle avec les Frères musulmans pour se donner une
certaine indépendance. Mais le gouvernement israélien n’est pas dupe et il
l’accuse d’être financé par le Hamas et les Frères musulmans. Sheikh Raed Salah, ancien maire de la ville israélienne d'Um el-Fahm,
une des plus grandes villes arabes d'Israël, a rejeté ces accusations. Sa
stratégie diffère de celle des djihadistes car il veut changer la société par
la base, en mettant en place des jardins d'enfants, des mosquées, une ligue de football,
un système d’égouts et un réseau d’écoles islamiques qui ne dépendent pas de
l’éducation nationale israélienne. Son but est d’islamiser à outrance la
population arabe.
N° 6 élu du mouvement islamiste |
Mais le mouvement manque
d’homogénéité. Il s’est fracturé en deux clans dont l’entité Sud qui
reconnaît de facto Israël en participant aux élections législatives dans le
cadre de la liste arabe unie en 2015 contre la volonté de Salah Raed qui assimile
cette participation à une illusion. Les Sudistes craignent que le
mouvement se radicalise au sein de la communauté arabe israélienne et finisse
par soutenir des groupes extrémistes du type Daesh, ce qui aurait pour effet d’aggraver les liens
déjà tendus entre Arabes et Juifs.
Manifestation Mont du Temple |
Les Nordistes font preuve
d’agitation puisqu’ils ont été à l’origine de manifestations qui ont éclaté
autour de la mosquée A-Aqsa à Jérusalem devenue la cause des islamistes
israéliens. D’ailleurs Salah Raed a décidé de l’organisation d’un festival annuel à Um Al-Fahm, intitulé «Al-Aqsa en danger». Il est à l’origine de groupes
extrémistes Murabitun, chargé de harceler les visiteurs sur le Mont du
Temple. Cela a poussé le gouvernement à interdire ce mouvement pour
incitation et pour atteinte à l’État. Certains lui attribuent la vague
d’attentats au couteau contre des civils juifs. D’autres accusent le
gouvernement d’injustice politique.
Depuis cette interdiction, Raed
Salah maintient la pression pour ne pas démobiliser ses troupes. Il est à
l’origine d’une manifestation monstre à Um Al-Fahm contre son interdiction. Mais
la nouveauté réside dans le durcissement en toute impunité de sa dialectique.
Ainsi le 25 mars 2016, il a prononcé un prêche virulent dans sa mosquée où il
prédit «la fin de l’occupation israélienne».
Il a cependant abandonné toute
prudence puisqu’il annonce que «Le djihad ne vaut rien sans combat. Cette
terre est une terre bénie, une terre de ribat, une terre de djihad, et par
conséquent, c’est une terre de combat entre son peuple et les envahisseurs qui
la convoitent… Notre terre est bénie, et donc, elle ne tolère pas la saleté
impure. Notre terre ne tolère pas les ordures, et tout comme la mer vomit ses
déchets, notre terre rejette tous ses déchets, et, au bout du compte, les
vomit». Parfois la liberté en Israël a une consonance naïve qui permet des
excès inadmissibles. Pour moins que cela on embastille en Égypte, en Arabie
saoudite ou en Turquie.
J'ai une opinion precise sur l'emballement des Arabes en Israel: je prefere les voir manifester, hurler leur haine et injurier l'Etat d'Israel a la Knesset que d'avoir a les combattre avec des armes.
RépondreSupprimerUn chien qui aboit ne mord pas!
Neanmoins, il faut aussi se rappeler que depuis le debut de l'Intifada des couteaux, 4 Arabes israeliens ont participe a cette campagne. Herbe folle ou courant determine?
La sagesse juive (et notamment la Tora -- encore faut-il ne pas la mépriser et la rejeter au magasin des vieilleries) nous apprend que "nos ennemis sont nos juges". Si nous faisions notre job, qui consiste à être ici-bas les représentants du D.ieu unique (qu'ont récupéré les autres "nomothéismes"), l'Islam aurait beaucoup moins de virulence. Du fait que la majorité d'entre nous vivent des existences qui sont manifestement laïques, sans lien avec notre mission spirituelle, nous laissons le champ libre à l'expression de manifestations religieuses dévoyées et parasites. Quand l'IRAN déclare qu'il faut éradiquer Israël de la carte, quand ces islamistes israéliens déclarent que "cette terre est bénie, et qu'elle ne tolère pas la saleté impure", il faut les prendre au pied de la lettre. Ce qu'ils appellent, c'est à la fin de ce pays soi-disant juif mais qui se comporte comme une démocratie goy, et qui n'a rien compris à sa mission spirituelle.
RépondreSupprimerLa mission spirituelle d'un peuple ne passe pas nécessairement par la case religieuse et cette mission les religieux eux-mêmes ne la voient pas de façon monolithique... Je ne me sens en rien solidaire de cette vision. D'ailleurs je pense que les islamistes ont leur pendant dans la population juive et que les deux courants nous font un tort considérable.
RépondreSupprimerCet article très bien documenté relève une fois de plus l'absurdité du discours sur l'apartheid israélien. Israël, en tolérant au nom de la démocratie, des groupes qui qui lui sont hostiles, apporte la preuve que cette démocratie est suffisamment forte pour accepter l'expression de ceux qui la combattent. Par ailleurs , complétement d'accord avec Georges Kabi : un chien qui aboie ne mord pas.
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