LA FRANCE EST INGOUVERNABLE
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Manifestation place République |
Il
est difficile d’appréhender de loin une situation inextricable mais il ressort
de ce que l’on a vu à notre dernier voyage en janvier 2016, de qui se lit et de
ce qui s’écrit qu’aucune réforme ne peut être appliquée en France, sans susciter
des remous et des blocages. Ce n’est plus une impression mais une réalité. La
morosité règne dans les esprits alors que la France est un pays riche, avec de
multiples ressorts économiques qui doivent permettre de surmonter une période
difficile. La résignation a envahi tous les secteurs de la population.
Assemblée presque vide |
Les
élus ne font rien pour tempérer cette ambiance. Parce que le parlement est aux
ordres et occupé par des godillots, il ne dispose d’aucun pouvoir réel au point
de se poser la question sérieuse de l’intérêt de cette institution. Les
décisions ne se négocient plus dans l’hémicycle, dans les commissions ou dans
les ministères mais dans la rue. Les syndicats, trop nombreux pour être
efficaces sont plus occupés à se faire la guerre qu’à défendre les intérêts des
salariés. Ils disposent d’un pouvoir démesuré par rapport à leur nombre d’adhérents.
Ils ne voient plus les intérêts du pays mais l’intérêt d’un clan. Pourtant le
pays, comme toutes les démocraties, a besoin de réformes pour éviter
d’accumuler un retard qui ne cesse de se creuser, au fil des années, à coups de
passivité, de reculade, d’inertie et de stagnation. La France est un pays
ingouvernable.
Le
président, élu pour cinq ans, dispose d'un pouvoir démesuré et d’une majorité au parlement qui explose
au fil du temps et pour cause. François Hollande a berné tout son monde, même
ceux qui ont voté pour lui avec l’espoir qu’il améliore la condition des Français.
On pensait qu’il s’était préparé à sa fonction et que son parti avait concocté
des dossiers de réformes pendant tout le temps où il était dans l’opposition et que la droite
gouvernait. Rien n’était prêt. La réforme fiscale, la réforme du travail, la réforme de l'entreprise, la réforme de l'administration et la réforme des universités ont été à peine abordées. Le gouvernement avançait les yeux bandés avec le
seul objectif de ne pas faire de vagues. C’est à se demander pourquoi les énarques qui envahissent les ministères ont pu être aussi nuls. Un simple patron de PME en sait plus qu’eux et dispose de plus de méthodes parce qu’il
vit tous les jours la réalité du terrain et la réalité des hommes. Et pourtant
tout est à réformer, souvent dans la douleur. Mais si l’on ne tranche pas dans
le vif, la situation perdurera ad vitam aeternam.
Le
chômage est la tare du pays. Il fait fuir de nombreux cerveaux à l’étranger. Et
pourtant on pourrait s’inspirer de ce qui se fait ailleurs, dans les pays
occidentaux modernes en matière d’éducation et de formation. Les
universités perdent le tiers de leurs élèves dès la première année parce qu’on
y interdit la sélection à l’entrée, une sélection non pas pour brimer mais pour
orienter au mieux. Aux États-Unis et en Israël, le baccalauréat n’existe pas ou
représente simplement un diplôme de fin
d’études secondaires qui ne donne pas, comme en France, un droit à l’entrée dans les
universités d'autant plus que le bac est offert à 87% des élèves après avoir été dévalorisé au fil
du temps. Pour éviter les échecs en cours d’études, dans ces deux pays le SAT (test
d'aptitude pour accéder à l'enseignement supérieur) attribue une note qui vise
à mesurer la capacité de compréhension
et de logique. Ce repère permet à toutes les universités d'évaluer le niveau
global de chaque étudiant.
Technion à Haifa |
Le
SAT n’est pas un test de connaissance mais une méthode qui permet de donner un
score compris entre 200 et 800. Il est divisé en trois sections majeures :
l'analyse de texte, la rédaction et les mathématiques. Il ne s’agit pas de
vérifier le niveau du savoir mais d’évaluer les capacités de compréhension et
d'analyse utiles tout au long des études et de la carrière professionnelle.
Chaque université définit les conditions d’admission de ses élèves. Ainsi en
Israël le Technion et aux États-Unis l’université
Princeton exigent au minimum 760 au SAT.
En
France les étudiants cumulent les échecs puisque 30% d’entre eux abandonnent dès
la première année parce que la liberté d’accès est offerte à tous les
détenteurs d’un bac dévalué. Les Grandes Ecoles constituent cependant une exception avec le principe du concours d'entrée. L’enseignement
n’est pas en cause, il est l’un des meilleurs du monde mais les études ne sont
pas récompensées. Les diplômés-docteurs sont payés au smic et fuient vers les
laboratoires outre-Atlantique. Les Grandes Écoles génèrent une élite qui
choisit elle aussi l’étranger car la valeur personnelle y est mieux rémunérée
et l’ascension plus rapide. En fait l’université française forme des chômeurs
ou des jeunes n’ayant aucun débouché concret sur le marché du travail. Alors quand
le gouvernement parle de retraite, ceux qui recherchent un travail se tiennent les côtes. Le gouvernement actuel,
comme le précédent, n’ont apporté aucune solution pour résorber le chômage parce qu'il faut des mesures difficiles et courageuses à prendre.
La
sécurité sociale augmente tous les ans son déficit abyssal parce qu’aucune
solution ne peut être envisagée sans que les laboratoires refusent de baisser le prix des médicaments, sans que les médecins rouspètent pour leurs
honoraires, sans que les mutuelles ne se rebellent pour la baisse de leur
profit ou sans que les salariés et les entreprises ne s’opposent aux hausses
des cotisations. La France reste ingouvernable.
Lorsque
Benjamin Netanyahou est entré au gouvernement Sharon comme ministre des
finances en 2002, l’économie israélienne était désespérée. Au bout de trois
ans, elle a rivalisé avec celle des Grands. Le ministre a certes axé ses coups
contre les plus démunis et les plus fragiles avec sa politique ultra-libérale.
Les impôts ont été augmentés et les départs à la retraite ont été reportés jusqu’à l’âge de 67
ans.
Netanyahou Sharon |
Mais les Israéliens n’ont pas bougé dans l'attente des résultats. Les syndicats ont cautionné les
mesures prises. Le peuple s’est trouvé en adéquation avec sa décision de porter
la droite au pouvoir. Il a voté pour elle et il ne pouvait pas se contredire
dans son propre choix. Seul bémol, Netanyahou a réussi, l'économie israélienne va bien mais pas la population qui a peu bénéficié de l'essor économique puisque l'on compte encore plus de deux millions de pauvres.
Les
Français votent en masse pour un régime mais changent d’avis au bout de six
mois parce que les changements ne se concrétisent pas et qu’ils attendent tout
de l’État. Ils manquent de patience. La fonction essentielle du bulletin de
vote est pourtant de choisir puis de laisser le temps pour attendre les
résultats en les sanctionnant le cas échéant au scrutin suivant. Cette attitude
peut être taxée d’angélique mais elle dénote plutôt une certaine maturité
politique. Or les Français élisent leur président, lui offrent une majorité
confortable, mais ils empêchent le gouvernement, qui en est issu, de réaliser
le programme pour lequel il a été élu. La France est ingouvernable.
Nicolas
Sarkozy, délaissé par son opinion publique, voué aux gémonies, n’a pas été
réélu en 2012 parce que les électeurs voulaient du changement, mais avec des résultats
immédiats. Ils ont donc fait jouer leur pouvoir de contestation toujours intact.
Alors ils ont râlé puis ont manifesté dans l’isoloir leur impatience.
La
France n’est pas aujourd’hui gouvernée et fait du surplace. On en arrive à
souhaiter un gouvernement fort capable de ne pas agir au son des slogans des
manifestants, qui sache s’opposer aux perturbateurs et qui ne soit pas une
girouette. Un autre ne fera pas mieux s’il ne change pas le logiciel de la
gouvernance. La droite qui se prépare à prendre la relève doit déjà songer à son programme. On ne peut accepter un pays d’assistés qui ne veulent pas prendre
leur sort en main. Comment peut-on faire pour que la France soit gouvernable ?
En Israel, ca a marche environ 5 ans, puis on est revenu au point de depart. Pas assez de gens travaillent, trop sont assistes, le niveau des etudes primaires et secondaires est en chute libre et les etudes scientifiques dans les universites sont en recul. Il manque en 2016 1,500 ingenieurs, ce qui encourage les firmes a delocaliser pour trouver ailleurs la main d'oeuvre qualifiee introuvable en Israel.
RépondreSupprimerEt Bibi est toujours la, mais a change son fusil de l'epaule. Son souci absolu est de se maintenir au pouvoir coute que coute, quitte a constituer des gouvernements ou les assistes sont devenus les maitres du terrain. La France est ingouvernable, et Israel l'est-il plus?
Vous dites que le peuple en France empêche le gouvernement de faire les réformes pour lesquelles il l'a lui même élu. C faux. Hollande a été élu sur un programme qu'il n'a en rien appliqué, et sort de son chapeau des réformes qui sont très loin des valeurs de gauche qu'il est censé incarner. Le peuple en question, la jeunesse surtout, se sent trahi. Et tout le monde ressent ce déficit de cohérence, de vision, et ne peut faire confiance à de une telle navigation à vue.
RépondreSupprimerOui la France est peut être difficile à gouverner, mais encore faudrait-il qu'on puisse tenir un gouvernail, qu'on sache lui donner un cap.
Qu'elles viennent de gauche ou de droite les réformes ont toujours connues des difficultés à être adoptées. Par principe le français est "contre", perpétuellement dans la contradiction. Il est ronchon, râleur, refait sans cesse le monde à condition que ce soit le monde qui s'adapte à lui. Pour aboutir à une quelconque réforme, et celle du code du travail est de taille, les politiques n'ont pas compris qu'ils devaient l'entreprendre sitôt les élections gagnées ou mieux encore, pendant le mois d'août où la rue serait désertée de tous manifestants. Les quelques parlementaires privés de vacances pourraient alors approuver les lois. Dans ces conditions la France serait gouvernable..... Faute de français pour cause de repos annuel....
RépondreSupprimerBien cordialement
Véronique Allouche