RECOMPOSITION DU MOYEN-ORIENT
EN ÉTATS NATIONS
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Le
chaos qui règne au Moyen-Orient est en train de détruire les structures
étatiques actuelles en favorisant l’émergence de nouveaux États nations. La
recomposition est en marche pour les Kurdes et pour les Druzes qui se révoltent
depuis longtemps pour une autonomie au sein de pays opposés à leur
émancipation. Devant la situation dramatique du camp Assad, les Alaouites se
contenteraient aussi d’une autonomie pour recréer leur État.
Les
conflits locaux étaient prévisibles depuis la création artificielle de
structures étatiques par les puissances occidentales, au lendemain de la
première Guerre Mondiale à la suite du démembrement de l’Empire Ottoman. Le
chaos général qui règne dans la région favorise aujourd’hui le démembrement des
États et la formation de petits États nations, l’État kurde, l’État druze ou l’État
alaouite, qui pourraient songer à entretenir des relations économiques et
diplomatiques. Israël y voit son intérêt car le morcellement d’États ennemis, en
plusieurs entités moins menaçantes, réduit les risques et satisfait sa stratégie
dans la région. Paradoxalement, Israël se sent plus en sécurité depuis que le
Moyen-Orient est à feu et à sang.
L'État
des Druzes avait déjà existé sous forme d’un ancien territoire autonome créé en
1921 par la France dans le cadre du mandat français en Syrie. Il a été
démantelé en 1936 lorsque le gouvernement français avait décidé de
l’indépendance de la Syrie. L'État des Druzes avait alors été intégré à la
Syrie mandataire le 2 décembre 1936 en même temps que l'État des Alaouites.
La bonne nouvelle est que le président a finalement décidé de renvoyer les troupes hors d'Irak |
Israël
n’est pas impliqué dans ces conflits qui déchirent le monde arabe et qui
entraînent une mutation dans l’équilibre régional. Et pourtant, sous prétexte
de la persistance du conflit israélo palestinien, il est courant d’attribuer à
Israël l’origine des troubles de la région. Ses liens privilégiés avec les États-Unis
le rendent responsable de la stratégie américaine qui laisse démembrer les structures
étatiques du Moyen-Orient pour mieux les contrôler et pour mieux assurer la
sécurité américaine. Le monde en général veut ignorer le fait que les conflits
dans la région ont éclaté à la suite de rivalités internes au sein du monde
arabe et surtout de l’émergence d’un islam radical et qu’Israël n’a rien fait
pour les susciter.
Mais,
on ne prête qu’aux riches. Les pays de la région imputent à Israël la responsabilité
du conflit israélo palestinien, de la guerre ouverte avec l’Iran et de la
guerre civile en Syrie sans pour autant pointer avec précision la réalité de son implication. Israël est accusé d’avoir suscité la radicalisation des mouvements
au Moyen-Orient en raison des guerres à Gaza, de l’isolement du Hamas, de la
politique de construction dans les implantations et de la stagnation du
processus de paix avec les Palestiniens.
L'Etat islamique |
Sous
ces motifs discutables, un boulevard a été ouvert aux mouvements terroristes extrémistes
incluant les groupes de l’État islamique. Ils viennent d'obtenir un
appui indirect de la part du secrétaire d'État américain,
John Kerry, déçu par la réélection de Benjamin Netanyahou. Il a condamné la
montée en puissance du leader des sionistes religieux, Naftali Bennett, et surtout ses propos qui ont mis de l’eau au
moulin des Arabes : «Les terroristes, on doit les tuer, pas les libérer. Je
me suis battu toute ma vie pour défendre les deux propositions contenues dans
cette phrase».
John
Kerry a ignoré le fait qu’Israël a bénéficié d’un renfort allié en la
personne du général égyptien Al-Sissi qui l’a rejoint dans le même combat
contre le terrorisme islamique. L’Égypte a aussi déclaré la guerre au Hamas, considéré
comme une branche des Frères musulmans égyptiens. Cela explique que les tunnels
de contrebande entre l’Égypte et Gaza aient tous été détruits et qu’une zone
tampon de sécurité ait été instituée, entraînant un arrêt de l’approvisionnement
en produits alimentaires, en pétrole et en armement militaire.
Les
Israéliens sont intéressés à une recomposition au Moyen-Orient pour contrer l’Iran qui constitue une menace existentielle.
Ils l’accusent de financer et d’armer ses ennemis, Hezbollah, Hamas et djihad
islamique et de menacer leur pays de disparition. L’accord entre l’Iran et les
pays 5+1 inquiète l’État juif qui refuse de faire confiance à un Iran nucléaire
et de permettre la levée des sanctions qui bloquent l’expansion des Mollahs. Dans
ce conflit, Israël a obtenu l’appui d’un nouvel allié inattendu, l’Arabie
saoudite.
Mais
les occidentaux ne semblent pas convaincus que la Syrie reste l’épicentre des
conflits qui se développent dans la région et qui peuvent influencer la situation israélienne. Deux axes dirigés contre Israël crée la menace
existentielle. D’une part les djihadistes maintiennent leur objectif d’éradiquer
Israël. D’autre part l’axe Syrie, Hezbollah, Iran constitue un front dangereux.
Israël s’est refusé à prendre position dans le conflit syrien, a fortiori d’intervenir
directement. Il préfère le pacte tacite de non-agression qui permet de
maintenir le calme au Golan et à la frontière libanaise. Les frappes de convois
d’armement à destination du Hezbollah ne sont pas considérées comme une
ingérence israélienne mais comme des mesures ponctuelles.
Enterrement d'un membre du Hezbollah en Syrie |
Pendant
que se prépare une recomposition du Moyen-Orient, Israël reste attaché au
maintien du statu quo. Sa neutralité lui a permis de transférer à d’autres pays
le soin de débarrasser la Syrie de ses armes chimiques. Elle a surtout permis
au Hezbollah et à l’Iran de mobiliser leurs troupes sur d’autres théâtres d’opération.
Plus de 7.000 combattants irakiens et iraniens viennent d’arriver en Syrie pour
défendre Damas tandis que l’armée syrienne perd plusieurs bastions. L’armée s’affaiblit
et avec elle les miliciens du Hezbollah qui sont décimés, ce qui n’est pas sans
déplaire à Israël qui voit s’éloigner, dans l’immédiat, le risque d’un
engagement militaire avec la milice libanaise.
le leader kurde Barzani et Shimon Péres |
Israël
agira de manière discrète pour favorise l’émergence de ces nouveaux États
nations. Il entretient déjà d’excellentes relations militaires et économiques
avec les Kurdes qui combattent les Irakiens et les Turcs. Il utilise les
intermédiaires druzes israéliens pour consolider un futur État druze en Syrie
avec le soutien des druzes libanais. Enfin il favorisera la reconstitution d’un
réduit alaouite qui regroupera les résidus de l’armée syrienne et les
inconditionnels de Bachar Al-Assad loin des frontières israéliennes.
Pour
l’instant, le problème de Daesh paraît secondaire à Israël. Les faits sur le
terrain et les déclarations publiques prouvent que Daesh et Israël évitent d'entrer
en confrontation directe ou indirecte. Constitué d’anciens militaires et policiers
de Saddam Hussein, licenciés et démobilisés par les Américains, Daesh a un compte
à régler avec la gouvernance irakienne pour reprendre le pouvoir dans son pays. C’est une tâche déjà trop lourde pour se permettre d’ouvrir un autre
front connaissant la force militaire de Tsahal. Les discours politiques et les écrits religieux de l'Etat islamique
ne comportent aucun appel à combattre Israël ni même à libérer Jérusalem.
L'organisation terroriste justifie au contraire son indifférence totale
vis-à-vis du conflit israélo-palestinien. Elle se réfère au Coran pour
prétendre que le Livre Saint a ordonné de combattre, en priorité, l'«ennemi
proche». Lors de la dernière guerre de Gaza, Daesh avait affirmé qu'il ne comptait pas combattre Israël, malgré
les bombardements de l’aviation israélienne. Il est vrai aussi que sont rares
les déclarations des dirigeants israéliens contre Daesh qui n’est pas considéré
comme un danger imminent ou existentiel. En réalité Israël reste braqué sur l'Iran, le
Hezbollah et les autres mouvements djihadistes. Des indiscrétions font même
état des centaines de rebelles, dont des membres de Daesh, qui ont été soignés
dans les hôpitaux israéliens. L’artillerie israélienne intervient peu au Golan
sauf en cas de représailles. Pour l’instant Daesh répond à l’intérêt
stratégique d'Israél puisqu’il se charge de décimer ses ennemis les plus déterminés.
Je ne comprends pas comment les occidentaux ne comprennent pas que ce sont tous les mêmes...quelque soit le nom qu ils portent. ils changent juste de nom tous les ans...leurs kalchnikoff sont les mêmes, leurs barbes sont les mêmes, ils sont issus des mêmes rangs de leurs armées ou milices ou centre de formation, ils sont armes par tous...OBAMA-POUTINE-HOLLANDE-EU....ils ne font juste que prendre leurs armes..(pendant que leurs freres politiques leur prennent leur subventions....)...et ils crient tous Alah Ou Akabar....
RépondreSupprimerCe qui me frappe c'est que contrairement au mandat sur la Mesopotamie, créé il y a près de 100 ans et immédiatement avorté par la création de la Syrie, le mandat sur la Palestine, originellement attribue aux Juifs, reste quand même très stable: une Jordanie, une entité arabe aujourd'hui palestinienne et l'Etat d'Israël.Ne serait-ce pas parce qu'Israël reste un facteur centripète et de stabilité dans l'ex mandat sur la Palestine,alors que dans l'ex mandat sur la Mésopotamie, les forces sont toutes centrifuges?
RépondreSupprimerPar ailleurs, pour compléter l'intéressante contribution de Jacques, je dirais que la carte du mandat de 1922 sur la Mésopotamie semble curieusement refléter la situation actuelle sur le terrain où les Alaouites ne contrôlent plus que 25% de la Syrie, les Kurdes et les Druzes se sont forgés des territoires autonomes et les groupes chiites prennent lentement mais surement le reste.
L'histoire se repète parfois!