GUERRE DE SUCCESSION AU SEIN DES CLANS PALESTINIENS
Par Jacques BENILLOUCHE
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Gouvernement palestinien |
La guerre de succession est
lancée pour remplacer Mahmoud Abbas à la tête de l’Autorité palestinienne.
Conscient que les appétits politiques s’exprimaient de plus en
plus ouvertement, le président Mahmoud Abbas a décidé de prendre l’initiative politique. Il
a dissous le cabinet palestinien, le 17 juin, sous le prétexte de former un
nouveau gouvernement d’unité nationale capable de lancer les réformes attendues
par la population.
Cette annonce confirme en fait le fiasco du gouvernement
d’unité créé avec le Hamas en juin 2014, que nous avions prévu [1]. Depuis que les
islamistes ont remporté les élections législatives de 2006, rien ne va plus
entre le Fatah et le Hamas. La guerre de Gaza d’août 2014 a aggravé la
situation puisque le calendrier d’élections générales a été remis en cause.
Signature de l'accord Fatah-Hamas |
Le
chef du Hamas, Ismaël Haniyeh, a estimé que ce gouvernement avait failli en
n’apportant aucun changement à la crise économique qui sévit à Gaza, en ne
participant pas à la reconstruction de la ville et en ne versant pas les
salaires aux fonctionnaires de Gaza. La visite dans la bande du premier
ministre Hamdallah, prévue pour une semaine mais réduite à une journée, a été un échec qui a relancé le
combat entre factions. Naïfs étaient ceux qui croyaient que l’entente allait
être totale entre Fatah et Hamas alors que tout les sépare, tant l’idéologie
que la stratégie politique. Le Hamas a d’ores et déjà rejeté les tentatives du
comité exécutif de l’OLP de former un gouvernement de consensus parce qu’il estime
que «l’OLP n’était pas la bonne structure pour former un gouvernement».
Mahmoud
Abbas a donc décidé de dissoudre le gouvernement pour prendre de vitesse ses
adversaires, à l’extérieur comme à l’intérieur, qui songeaient déjà à faire
cavaliers seuls. Le président de l’Autorité a eu vent des pourparlers indirects
entre le Hamas et Israël pour raffermir le cessez-le feu établi en août après
la guerre de Gaza dont nous en avions déjà parlé le 24 mai 2015 [2]. Le Hamas exige
que toute constitution d’un nouveau gouvernement soit approuvée par le Conseil
législatif palestinien où il dispose d’une grande influence. Mais l’initiative
du président de l’Autorité vise surtout à contrecarrer l’alliance de fait entre
Mohamed Dahlan, l’ancien chef de la sécurité de Yasser Arafat, et l’ancien
premier ministre Salem Fayyad qui semblent conspirer pour le relever de ses
fonctions.
Salam Fayyad |
Le Procureur
général palestinien, Abdel-Ghani al-Awewy, aux ordres de Mahmoud Abbas, a ainsi
décidé le 21 juin de confisquer 1,6 million de dollars détenus par l’association
Palestine Tomorrow for Social Development, la fondation pour nécessiteux
dirigée par Salam Fayyad, sous prétexte d’actions subversives. L’Autorité
soupçonne : «Fayyad d'exploiter sa fondation à des fins de blanchiment
d'argent, et d’exploiter les dons reçus par la fondation pour ses fins
politiques en coordination avec Mohammed Dahlan. Ces deux anciens dirigeants
tentent de revenir sur la scène politique palestinienne en effectuant un coup
d'État, sans effusion de sang, grâce à l'appui des acteurs régionaux et
internationaux».
Dahlan et Abbas |
Fayyad et Dahlan,
dont les liens sont étroits, ne cachent pas qu’ils aspirent à remplacer le
président actuel qui les accuse cependant d’être les hommes des États-Unis et
même du Mossad. Fayyad a effectivement été imposé par les Américains en raison
de son expertise économique pour mettre de l’ordre dans les finances
palestiniennes. Quant à Dahlan, il a bénéficié de l’aide de la CIA et du Mossad
pour constituer en Jordanie une milice prête à tout instant à reprendre le pouvoir
à Gaza et à Ramallah, si l’opportunité se présentait.
En fait, la
confrontation entre les différents clans est lancée pour la lutte du pouvoir.
De nombreux militants estiment que le Fatah n’est plus qu’une officine au
profit d’intérêts particuliers, totalement intégré au sein de l’Autorité alors
que ce parti ne devrait être qu’une parmi plusieurs composantes. Lancée par
Mohamed Dahlan, l’accusation concerne surtout l’Autorité qui est devenue une
pompe à fric pour satisfaire les besoins d’une poignée de hauts dirigeants du
Fatah.
Mahmoud Abbas a tranché. Il s’est attaqué à Fayyad et ensuite à Dahlan
en ne payant pas les salaires de ceux qui lui sont restés fidèles en
Cisjordanie et à Gaza. Mais l’unité palestinienne ne pourra pas se faire car le
président de l’Autorité pose comme condition le maintien de l’exil de Dahlan et
son élimination du comité central du Fatah d’où il avait été exclu en juin
2011. En fait le Fatah souffre de l’absence d’un leader charismatique non
contesté [3] ce qui entraîne des dissensions internes permanentes.
Olmert, Dahlan et Mofaz |
Les leaders
arabes sont conscients du vide palestinien, et songent de plus en plus à
Mohamed Dahlan. Le conflit interne s’est propagé jusque dans les camps
palestiniens du Liban où les courants s’affrontent violemment. Le directeur
libanais de la sécurité, le général Abbas Ibrahim, s’est donc déplacé à Abou
Dhabi pour rencontrer Dahlan en mars afin de tenter une médiation avec Mahmoud
Abbas qui a refusé tout processus de réconciliation aussi bien avec Dahlan qu’avec
le Hamas. Les Occidentaux, qui financent
l’Autorité palestinienne, s’inquiètent du blocage de la situation politique. La
question du remplacement de Mahmoud Abbas est, pour eux, redevenue d’actualité.
Une réunion
tripartite, États-Unis, Égypte et Israël, a eu lieu au Caire en juin pour
aborder ce sujet sensible. Les candidats palestiniens ne sont pas légions
sachant que certains ont d’office été frappés du veto d’Israël, à l’instar du
détenu Marwan Barghouti et de Jibril Radjoub. Les trois pays ont retenu Mohamed
Dahlan comme candidat commun parce qu’il a été l’homme fort de Gaza et qu’il
compte encore beaucoup de fidèles dans la région. Il entretient des relations
étroites avec l’égyptien Al-Sissi et avec les pays du Golfe qui aspirent à une
stabilisation du conflit palestinien. Le chef des services de renseignements
palestiniens, Majid Faraj, est aussi sur la liste parce qu’il coordonne la
sécurité de la Cisjordanie avec Israël mais il est peu connu.
Majid Faraj |
Aucune décision
n’a été prise à l’occasion de cette réunion secrète mais la guérilla entre les
clans palestiniens va s’intensifier. Le problème n’est pas politique mais
financier car des grosses sommes d’argent sont en jeu et créent la convoitise
parmi les Palestiniens. Le sort des populations de Gaza et de Cisjordanie est
le dernier des soucis des leaders installés à Ramallah.
Dans ces conditions et dans l'hypothèse d'une paix avec les palestiniens, quel serait l'interlocuteur fiable d'Israël?
RépondreSupprimerVéronique Allouche
dans les personnalités Palestiniennes j'ai toujours apprécié monsieur Fayyad, homme de modération et qui presente bien.
RépondreSupprimermonsieur Dahlan avait participé activement avec les forces de polices israeliennes avant l'election palestinienne de 2006 et la rupture. il represente le partenariat sécuritaire entre Israel et la Palestine. ce point est loin d'etre neutre.
ces deux figures palestiniennes sont les meilleurs atouts, dans l'immediat, des personnalités politiques de Palestine. maintenant il y a aussi les nouvelles generations qui peuvent apporter une nouvelle vision, à la politique Palestinienne.