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mercredi 18 avril 2018

Jour du souvenir : soldats morts au champ d'honneur


JOUR DU SOUVENIR : SOLDATS MORTS AU CHAMP D'HONNEUR

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
23.646 soldats morts

          Quand on assiste à la remise publique de galons militaires, on est toujours impressionnés à la vue de ces jeunes, à peine sortis de l’enfance mais déjà solides et robustes. Ils acquièrent vite le sentiment national qui leur donne l’assurance de défendre leur pays contre des États voyous prônant l’anéantissement d’Israël. On les croit intoxiqués sous l’effet du sionisme alors qu’en fait, par fierté, ils savent ce que l’État attend d’eux. La peur n’a pas prise sur eux.


L’augmentation de l’alyah venue de France a eu pour corollaire une croissance des jeunes d’origine française dans les rangs de Tsahal. Ils n’ont aucune inquiétude devant les réalités dangereuses auxquelles ils doivent faire face. Il ne s’agit pas d’inconscience mais d’une confiance personnelle pour déjouer la peur. Ils ne vivent plus au passé mais au présent. Ils ont tous la foi ; soit la foi religieuse qui leur permet de surmonter les peurs parce que l’Être supérieur auquel ils croient veille sur eux et les protège ; soit la foi en la force grâce à laquelle ils sont sûrs de déjouer tous les obstacles, même celui de la mort.

            Chaque enfant mis au monde est un projet, une promesse, un espoir et quand il n’est plus là, alors le château de cartes s’effondre. C’est la faute à la guerre qui fauche les jeunes le jour où la visiteuse du matin arrive par surprise. Alors la cicatrice ne se referme jamais, brûlante à mesure que les jours passent et que les souvenirs se font plus pressants. Une seule satisfaction, si l’on peut oser, un enfant meurt mais tout Israël porte le deuil parce qu’il appartient alors à tout le peuple.
Obsèques du soldat "solitaire" Jordan Benshemoun

            En temps de guerre, les mères, les épouses et les sœurs sont faites pour souffrir. Elles vivent dans l’angoisse de la porte qui s’ouvre face à l’officier de Tsahal, messager de la mort,  apportant la triste nouvelle avec son lot de larmes et de douleur incompressible. Les souvenirs des jours heureux s’entrechoquent alors avec le regret de ne pas en avoir suffisamment  profité. Les mots, les paroles de réconfort semblent futiles quand on sait que l’enfant ne reviendra plus. On s’accroche à ses souvenirs avec le sentiment que cela ne servira à rien de maudire les assassins qui lui ont ôté la vie. Le pardon imposé par les textes bibliques semble déplacé car selon Camus «nous pouvons pardonner, mais pas oublier». Mais qui peut avoir ce courage immense de pardonner à ceux qui ont fait un mal irréparable?

Parce que la vie doit continuer pour ceux qui restent et qui ont en charge la sécurité du pays, il n’y a qu’Israël qui soit capable de pleurer ses morts le jour du Souvenir, Yom Hazikaron, durant lequel on rappelle les 23.646 noms des soldats de l'État d'Israël tombés au combat et des victimes du terrorisme, pour ensuite le lendemain célébrer dans la joie Yom Haatzmaout, le jour de l’indépendance. Le jour de deuil précède la célébration gaie de la victoire. 

          Yom Hazikaron commence au Kotel, Mur occidental, dimanche soir 17 avril 2018 en présence du président de l’État, du chef d'Etat-major des armées et des familles endeuillées. À 20 h, la sonnerie du souvenir  retentit dans tout le pays pendant une minute. On récite ensuite un Yizkor particulier, prière récitée par les personnes qui ont perdu un des leurs et demandant à Dieu d'élever l’âme des morts vers le Paradis. Dans sa version originelle, ce Yizkor, composé par Berl Katznelson pour les morts de Tel Haï, ne contenait aucune référence à Dieu mais elles y ont été introduites depuis par Shlomo Goren, rabbin des armées puis grand-rabbin ashkénaze d’Israël. 

Le visiteur non habitué est toujours étonné par la dichotomie entre le jour du souvenir, Yom Hazikaron et le jour de l’indépendance Yom Haatzmaout. On passe ainsi des lamentations et des pleurs à la joie et aux feux d’artifice. Cela prouve à la fois la capacité d’Israël de ne pas oublier en gardant en mémoire le passé mais surtout d’aller de l’avant en songeant au lendemain dans une course à la vie.
Soldats "boded" sans famille en Israël

Mais l’alyah de France a cette caractéristique qu’elle ne comporte pas que des familles. Ils sont nombreux, ces jeunes juifs francophones solitaires qui quittent la France pour s’engager dans les forces de Tsahal alors que rien ne les y oblige. Ils abandonnent leurs parents, leurs études et leurs amis pour partager le quotidien israélien de la guerre avec son lot de larmes, de sang et de désespoir.  Pourtant, avant de se lancer dans la bataille, ils avaient déjà entendu dans leur pays les énumérations insoutenables des noms des soldats morts au combat ; ils n’ont pas été découragés.
Leur conviction était entière parce qu’ils savent le peuple juif contesté et toujours en danger de mort. Ils sont venus, par solidarité avec les jeunes israéliens, défendre le peuple juif. Le «khayal boded», terminologie du militaire volontaire vivant en Israël sans sa famille, est une denrée précieuse car il personnifie le don de soi pour la patrie.

Les jeunes Juifs de France n’ont jamais caché la fougue qui les poussait à manifester dans les rues de Paris en arborant le drapeau israélien. Et parmi eux, quelques jeunes, qualifiés «d’excités ou d’illuminés», ont choisi de s’engager à la guerre alors qu’ils ne savaient même pas manier un couteau de scout. En fait, ils voulaient être sur place, en Israël, parce qu’ils avaient décidé de mettre leurs actes en accord avec leurs convictions. Ils ne concevaient plus leur vie, à l'abri en Diaspora, car leur idéal vibrait, ailleurs, dans le pays où ils voulaient vivre leur sionisme avec leurs tripes.

Alors, fuyant le confort douillet de leur vie familiale, ils avaient décidé de quitter seuls  la France comme d'autres les États-Unis, l’Australie ou l’Ukraine, pour porter l’habit militaire sans chercher à faire de la figuration. Ils voulaient se battre réellement, régler un compte avec leur conscience, et de préférence dans les unités d’élites. Ils voulaient faire les dizaines de kilomètres quotidiens avec leur barda de 60 kg sur le dos, sans oublier parfois de glisser dans la poche leurs téfillins, les lanières de prière. 

Ils voulaient se poster en embuscade des nuits durant, tapis derrière un buisson, pour intercepter les terroristes cherchant à s’infiltrer en apportant avec eux la haine, la violence et la mort. Ils voulaient faire partie des commandos d’élite des régiments Golani, Nahal ou Guivati pour prouver que les Juifs de Diaspora ne sont pas des bras cassés. Ils réconfortaient leur mère, au tempérament trop juif, en leur faisant croire qu’ils se doraient la pilule, au soleil, entourés de filles dans une base du centre du pays, alors qu’en réalité ils crapahutaient dans les collines du Liban face au Hezbollah ou dans les terres du Hamas à Gaza.

Ils ont joué tous les jours à cache-cache avec la dame à la faux, chargée de faucher l’âme des vivants, celle qui voulait se substituer à leurs parents dans cette solitude volontairement acceptée. Et puis un jour le piège se referme et l’on imagine le dernier cri destiné à leur mère, la dernière pensée, le dernier souhait, la dernière volonté et le dernier souffle. On imagine aussi la visite de l’Attaché militaire israélien ou du Consul venu sonner à la porte de parents restés dignes devant le malheur car leurs enfants avaient choisi leur voie en toute conscience et en toute liberté. 
 Ces jeunes n’étaient pas sûrs de leur destin, contrairement aux kamikazes illuminés djihadistes dont l’issue reste tracée et irrévocable. Eux se battaient pour la vie, pour que leur pays résiste et se développe, pour que l’horreur s’arrête et pour que les Juifs du monde soient fiers de ce «petit pays de merde», comme l’avait qualifié un ambassadeur de France à Londres, dans une gaffe diplomatique volontairement assumée.


Ces jeunes à la conviction profonde, frisant parfois l’inconscience, excitent notre fierté et nous montrent que le bien-être de la communauté passe par leur sacrifice. Il faut s’en souvenir. Mais la punition est trop injuste pour ceux qui les ont mis au monde et à défaut de maudire le Ciel, il leur restera toujours la solution de tancer la Grande Faucheuse venue cette fois encore, trop tôt à leur gré, s’inviter alors qu’elle n’était pas attendue.
Réunion des familles endeuillées par la perte d'un soldat à Gaza.

1 commentaire:

Avraham NATAF a dit…

Commentaire émouvant de celui qui analyse avec une froide logique.