SÉCURITÉ ET VIE PRIVÉE
Le billet d'humeur de Jean SMIA
Aussi extraordinaires
qu'imprévisibles, les circonstances du crash de l'A320 posent d'autres
questions sur la sécurité publique et pas seulement celle de ne jamais laisser
une personne toute seule dans une cabine de pilotage d'avion. Cela remet en
question le degré d'intrusion autorisé dans la vie privée de ceux à qui on doit
confier la responsabilité de vies humaines. Il est donc question, en plus des
pilotes, des conducteurs de trains, des chauffeurs de bus ou d'autocars, des
soignants, et tous ces métiers qui ont un pouvoir de vie ou de mort sur leurs
passagers ou leurs patients.
En effet, lorsqu'une de
ces catégories professionnelles se retrouve avec des décalages psychiatriques,
naissants ou acquis, il n'y a rien d'autorisé qui permette de décider une
obligation de médications, et encore moins d'autorité pour des contrôles de
suivi de soins, et aucune mesure coercitive applicable à ceux qui seraient
récalcitrants à la médication.
Romain Dupuy |
On se souviendra de ce Romain
Dupuy qui, sevré de médications, avait égorgé des infirmières à Pau. Rien ne
pouvait, administrativement et juridiquement, être mis en place pour contrôler
la prise régulière des médications et aucune autorité ne pouvait l'y obliger.
Dans le cas de ce co-pilote,
son médecin traitant avait diagnostiqué un motif de délivrer un arrêt de
travail. Mais il n'avait en aucun cas l'obligation d'informer la compagnie qui
l'emploie de ses conclusions. Pourtant, ce médecin savait qu'il était co-pilote,
avait constaté que ce patient ne prenait probablement plus les médicaments qui
lui permettaient de maîtriser ses phobies ; mais ce médecin se serait mis
en faute professionnelle s'il avait informé l'employeur que cette personne
n'était pas en état d'assumer ses responsabilités professionnelles.
C'est le système qui
veut que ce soit comme ça : le secret médical et le respect de la vie privée ne
peuvent être dérogés. On retrouvera cette même sorte de failles de sécurité à
propos de tous les métiers énumérés ci-avant. Cependant, en regard de la levée
du secret médical, il y aurait à prendre en compte le nombre des guérisons par
le fait que, certains du respect absolu du secret médical, les patients se sont
ouverts à leur médecin et ont fait confiance au traitement. Et sans cette
certitude de secret combien de malades dangereux n'auraient jamais consulté ?
Ce sont des statistiques
que l'on ne pourra jamais consulter : car il n'y a pas de compte-rendu des
guérisons. En prévention d'actes à venir dangereux, nos administrations (justice,
police, médecine) n'ont ni autorisation ni possibilité d'agir. Car cela
remettrait en question le droit à la vie privée, le secret médical avec, de
surcroît, aucun juge des libertés qui n'aurait de motifs légaux pour faire
interner quelqu'un qui n'a commis d'autre délit que celui d’être soupçonné
d’être, temporairement, asservi à ses phobies.
Aujourd'hui, en France,
dans le domaine des problèmes psychiatriques, la règle veut qu'il faille «attendre
qu'il y ait du sang pour réagir en conséquence». Modifier cette règle est
très délicat car c'est la porte ouverte à tous les abus, à des internements
injustifiés, à l'affichage de la vie privée et à la dérogation au secret
médical. Un
remède, qui, à mon sens, serait pire que le mal.
Après l'émotion, vient le temps de la raison
RépondreSupprimer