SCIENCES PO : ANNEXE DU QUAI D’ORSAY ?
Par Jacques BENILLOUCHE
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Comment peut-on former des futurs politiciens, des
ministres indépendants, des cadres autonomes de l’administration et, plus
généralement, des hommes politiques responsables si on leur apprend dès leurs
études à se coucher devant un groupe de
pression. Les politiciens de tout acabit savent que le dialogue est la seule
arme contre l’ignorance, contre la bêtise et contre les exclusives. La direction de
Science Po Paris a décidé d’annuler une conférence sous la pression des groupes
pro-palestiniens qui s’étaient élevés contre l’événement.
Michal Philosoph |
Et pourtant cette conférence, qui devait se tenir le 30
mars, n’avait rien de politique politicienne et comportait un sujet
suffisamment général pour ne pas buter contre les poncifs habituels du conflit
palestinien. L’association «Paris Tel-Aviv» avait décidé de débattre du
thème de société : «être femme en Israël». Certes parmi les
invitées figuraient Michal Philosoph, porte-parole de l’Ambassade d’Israël, Bar
Ben Yaacov déléguée de l’Agence juive et Muriel Touaty présidente de la branche
française de l’Université du Technion. Mais on ne voit pas qui d’autres que des Israéliennes pouvaient débattre d’un sujet qui les concerne en premier chef. Les Palestiniens prouvent qu'ils ont plus peur des mots que des armes.
Tant d’années encore après la
signature de l’accord de paix avec l’Égypte et la Jordanie, totalement
respectés par les deux pays, les blocages persistent. Le sujet d’Israël reste
tabou pour nombre d’Arabes totalement intoxiqués par la propagande de leurs
pays alors qu’on aurait pu croire, qu’au contact de la civilisation occidentale,
ils avaient évolué, en France surtout pays des libertés. Même le président du
soi-disant pays modéré qu’est la Tunisie donne le mauvais exemple en balayant d’un
revers de main la question sur Israël que lui posait un journaliste lors d’une
interview accordée avec Jean-Pierre Elkabbach. C’est à croire que les Arabes
ont honte de la comparaison avec Israël et qu’ils craignent que le sujet ne
déborde sur la situation désespérée des femmes arabes en Afrique du nord, dans les
royautés anachroniques du Moyen-Orient et dans les Émirats féodaux.
Cette déprogrammation est une erreur qui empêche le
dialogue, le seul qui puisse faire avancer la question palestinienne, a
fortiori lorsque la réunion intervient dans un pays qui ne prend pas de décisions systématiquement pro-israéliennes, qui a accepté l’adhésion de la
Palestine à l’Unesco et qui permet à son parlement de voter une motion
recommandant la création d’un État palestinien. C’est ainsi faire peu de cas de
l’effort français d’être «neutre», c’est faire peu de cas de l’effort de
Laurent Fabius de relancer les efforts pour une résolution à l’ONU concernant la
question palestinienne. Cela rappelle les heures noires du Fatah qui niait l’existence d’Israël en ne prononçant jamais
son nom autrement que par le qualificatif «d’entité sioniste».
Mahmoud Abbas est inspiré
lorsqu’il déclare : «il n'y a pas de partenaire israélien, nous devons
agir de façon unilatérale» alors que ses soutiens interdisent tout contact
avec l’ennemi. Il veut un partenaire taillé à sa mesure alors qu’en France
on devrait favoriser les contacts non conflictuels. C’est de la discussion que
naît l’espoir, l’espoir de ceux qui représentent en Israël le camp de la paix. Si l'on ne peut pas discuter des simples questions de société, comment pourrait-on aborder les questions plus sensibles de la création de l'Etat palestinien et de ses frontières ?
Ces exclusives imposées par une Grande École française renforcent la conviction
de ceux qui ont voté Benjamin Netanyahou aux dernières élections parce qu’ils
n’ont jamais cru à la volonté de paix palestinienne. Aujourd’hui cet incident
leur donne raison puisque l’on ne peut même pas discuter d’une question de
société avec des gens censés être instruits, intelligents et, pour le moins,
non bornés.
Les dirigeants de Sciences Po ne
rendent pas service à leurs élèves en leur apprenant à se coucher devant des
injonctions venant de l’extérieur. Ils se déconsidèrent en acceptant ce
chantage indigne d’une Grande École à moins que l’ordre ne soit venu de très
haut, du parrain de ses élèves, de leur futur employeur, du Quai d’Orsay qui voudrait éviter que la France
ne se brouille avec ses éventuels clients arabes. Huit millions de Juifs valent
en économie peu face à un marché de 200 millions de clients potentiels.
Rama Yade |
Tant que la France aura ses yeux fixés sur sa balance commerciale, elle
n’aura aucune politique indépendante. Laissons à une ancienne de Sciences Po, l'ancienne ministre Rama Yade, le soin
de conclure : «La France n'est pas qu'une balance commerciale… Notre pays ne tire pas seulement
son prestige de sa puissance économique, mais aussi des principes et des
valeurs qui font que la France est un pays semblable à nul autre… notre pays n'est pas un
paillasson, sur lequel on peut venir s'essuyer les pieds».
En attendant et avec cet épisode, comment ne pas avoir mal à la France !
Il y aurait beaucoup à dire sur Sciences Po, pourvoyeuse depuis ses origines (L'"École libre des Sciences politiques") des cadres les plus conservateurs (et les plus antisémites) du Quai d'Orsay, mais avant de me joindre au concert de condamnations de l'actuelle direction de l'école, je souhaite préciser que Sciences Po a accueilli, ces dernières années, des conférenciers israéliens de qualité, y compris institutionnels comme Stanley Fischer. Je me souviens avoir entretenu des rapports très cordiaux et fructueux avec la direction de Sciences Po. Comme souvent dans des cas similaires, c'est le ton qui fait la musique !
RépondreSupprimerTriste réalité. Arrêtons de rêver l'Europe est sous influence !!
RépondreSupprimerSouhaitons au peuple juif de pouvoir maitriser son avenir.
Bernard Allouche
Cher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerQu'ajouter ? Vous avez tout dit, si ce n'est que toutes les conférences n'ont pas été annulées. Le Jeudi 26 mars, les élèves de Sciences Po ont eu l'honneur et l'avantage de pouvoir entendre madame Julie Gayet - la "fiancée" de notre Président - s'exprimer devant eux : "Avant, j'avais la sensation qu'être féministe était un gros mot. Aujourd'hui, je me dis que je suis féministe par essence parce que je suis une femme."
Voilà matière à réflexion pour vos intervenantes israéliennes, en attendant qu'on veuille bien les accepter dans cette prestigieuse enceinte.
Très cordialement.
À Sciences Po, ils ont préféré annuler ou remettre à plus tard une conférence plutôt que de gérer un conflit, une émeute ...Non, c'est trop simpliste de penser et d'écrire que ce qui est recherché c'est la balance commerciale de la France.
RépondreSupprimerRue Saint Guillaume, ceux qui sont majoritaires , professeurs et étudiants confondus, ce sont les électeurs de Francois Hollande .Ils ont une répulsion à l'égard de l' Etat d'Israël parce que pour eux " c'est le seul Etat qui occupe un territoire qui n'est pas le sien". C'est ce qui m'est dit à chaque fois .
Si Israël se retirait sur les lignes du partage de 1948, ou celles du cessez le feu de 1967, les " gentils " étudiants de Sciences Po pourraient alors reconsidérer leur point de vue.
Qu'il est loin le temps(1966/1967) où Louis Chevalier pouvait dire dans un amphi de Sciences Po : Israël doit être un Etat juif s'il veut avoir une légitimité sur cette terre.
RépondreSupprimerJe n'oublierai jamais cette leçon.
Qu'il s'agisse de Sciences-Po ou de l'Ena : l'enseignement est similaire. Pour Sciences-Po, il s'agit d'apprendre à se coucher tout en donnant l'illusion de décider, quant à l'Ena : il s'agit d'apprendre à louvoyer le meilleur parcours professionnel.
RépondreSupprimerDans un cas comme dans l'autre, il ne s'agit plus d’être au service de l’État mais de savoir comment valoriser sa position dans l’État.
Voici la reponse que me transmet Sciences PO: Comme vous le savez, Sciences Po mène une coopération très dynamique avec les Universités israéliennes. Nous accueillons également de nombreuses conférences sur Israël, organisées par nos centres de recherche ou des associations étudiantes, que nous encourageons dans cette voie, le débat et la confrontation des points de vue étant au cœur de notre projet éducatif.
RépondreSupprimerNous sommes donc très heureux que l’Association Paris Tel Aviv, grâce au dynamisme de ses animateurs, organise régulièrement des manifestations, comme celle intitulée « Etre femme en Israël : entre tradition et modernité ». Initialement prévue le lundi 30 mars, elle a été décalée au mercredi 1er avril, en raison de la concomitance le 30 mars avec une conférence de Kofi Annan, ce qui posait des difficultés en terme de logistique et de sécurité.
Cela ressemble à un rétropédalage après la levée de boucliers contre cette décision.
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