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dimanche 26 octobre 2014

L’UTILITÉ CONTESTÉE DE LA FRANCOPHONIE


L’UTILITÉ CONTESTÉE DE LA FRANCOPHONIE
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
           

L’intérêt de la francophonie est une question légitime que l’on doit se poser au moment où la succession d’Abdou Diouf à l’Organisation Internationale de la Francophonie est disputée. La France, qui a été à l’initiative de sa création, y a perdu son influence car elle n’a pas été capable d’empêcher la politisation d’une organisation qui se voulait une enceinte culturelle et éducative et qui a dévié de ses objectifs fondateurs. L’ancien président sénégalais, un homme politique chevronné, a peut-être eu tort d’orienter l’OIF vers des prises de position politique, tous azimuts. Il appartient au gouvernement français, principal financier, de modifier la donne en imposant un candidat qui revienne aux fondamentaux et qui redonne des couleurs à la culture française.



Impérialisme de la culture anglo-américaine


Abdou Diouf, avait montré au départ une bonne volonté dilapidée par une mauvaise gouvernance qui n’a pas réussi à modifier des statuts plaçant Israël parmi les oubliés de l’Organisation de la Francophonie. Et pourtant il s’était plaint dans un article au journal le Monde du «désamour, désintérêt des Français pour la Francophonie» sans chercher à en analyser les causes. Il feint d’ignorer que les cinquante-sept États membres de droit, répartis sur l’ensemble des continents, se sont comportés en fossoyeurs de l’organisation en imposant sa politisation.
Au lieu de promouvoir la langue et la culture françaises et de combattre «l’impérialisme»  envahissant de la culture anglo-américaine, les sommets de la francophonie ont fixé des ordres du jour strictement politiques : paix et droits de l’homme, démocratie et économie, technologie et environnement, enjeux environnementaux et économiques face à la gouvernance mondiale, et enfin égalité femmes/hommes. Tout a été organisé pour que la politique et l’idéologie priment sur la culture et la linguistique. Les politiques auraient dû être exclus de ces réunions pour que la lutte ne soit que littéraire.

Israël exclu
 
Centre culturel français à Tel-Aviv
Israël, avec ses centaines de milliers d’immigrés originaires des anciennes colonies françaises et des pays de l’Est amoureux du français, est exclu de l’organisation par suite du veto politique de certains pays dont l’intransigeance vis à vis du pays hébreu va jusqu’à prendre la culture en otage. Pourtant M. Diouf avait estimé, à juste titre, que la «langue française appartient à ceux qui ont choisi de la féconder aux accents de leurs cultures, de leurs imaginaires, de leurs talents». Mais il ne s’agissait que de dialectique et non d’actes.
Cette volonté de mêler la politique à la culture ne s’explique pas. Rien n’est fait par l’Organisation pour considérer que la défense et la diffusion des textes de Zola, Balzac ou Victor Hugo doivent s’élever au-dessus des intérêts politiques des dirigeants. La culture est un espace de liberté et de paix où les amoureux des textes, des mots et des phrases bien faites devraient se retrouver dans le seul combat pour la défense du talent et de la liberté de penser et d’écrire.      

Israël ne mérite pas, selon certains diplomates représentant souvent des régimes verrouillés ou anachroniques, de figurer parmi cette caste qui se permet de fixer des objectifs dénaturés alors que Malraux et Sartre défendaient d’abord le combat littéraire avant la lutte politique. La France, marraine de cette organisation, a déçu jusqu’à présent en  faisant preuve de retenue et en se réfugiant derrière l’alibi des statuts. On organise des révolutions, on modifie des pans entiers de Constitution mais on hésite à modifier quelques articles d’un règlement, devenu obsolète avec le temps, qui permet à un seul pays d'apposer son veto contre l'admission d'Israël.

Anomalie
 

Cyrano de Bergerac au théâtre Cameri de Tel-Aviv

  

Israël est exclu de cette organisation malgré ses 10% de francophones, ses dizaines de publications en français et une grande vie culturelle à l’initiative souvent de l’Ambassade de France et de son conseiller culturel. Son voisin, l’Égypte y adhère avec moins de 1% de francophones sans oublier l’Albanie et les Îles Seychelles avec des francophones qui se comptent à l’unité. Les membres de l’OIF devraient s’inspirer des idéaux de culture pour faire asseoir à la même table des ennemis dont le seul ordre du jour serait alors de lutter pour la prééminence de la langue française. Mais pour cela il faut d’abord faire preuve de réalisme avant de faire preuve d’intelligence. L’intelligence consiste à comprendre que la culture peut souvent favoriser des liens humains purs et désintéressés et conduire des ennemis potentiels à se parler, puis à se connaître et enfin à s’apprécier.       
 Quelques politiques courageux osent ouvertement se prononcer sur cette anomalie qui met Israël au ban de la culture française malgré les nombreuses publications dans la langue de Molière qui naissent au fil des amours des Israéliens avec le texte et les mots. La langue française doit être considérée comme une espèce protégée et paradoxalement Israël, selon le souhait d’Abdou Diouf, «fait l’effort de se penser dans un ensemble linguistique dynamique et créateur de diversité culturelle».



Le nouveau responsable de l’OIF qui sera élu devra faire preuve du courage politique qui a manqué jusqu’alors pour corriger une anomalie qui fait tâche alors que seul l’intérêt de la langue française est en jeu. Les citoyens des pays concernés ont certes d’autres soucis plus dramatiques que cet enjeu-là. Néanmoins, le moment est passionnant pour l’espace mondial francophone. Jamais, sans doute, l’influence française n’a été aussi faible mais c’est parce que la baisse de l’influence culturelle entraîne automatiquement une baisse de l’influence politique. Comme contributrice, la France a tant diminué son apport qu’elle est suivie de près par le Canada, lequel pourrait bientôt devenir le premier soutien de la francophonie. 

          Le jeu francophone peut être rebattu d’une manière stimulante en le mettant au service des projets les plus efficaces, les plus novateurs. Il appartient à l’OIF de corriger sa trajectoire.

1 commentaire:

  1. M. Benillouche, qui faudrait-il à la tête de la francophonie pour corriger l'injuste anomalie que vous avez raison d'évoquer ? Et ne faudrait-il pas qu'Israël fasse pression sur le France de façon beaucoup llus déterminée et convaincante qu'auparavant ? Et En a-t-il réellement envie, au fond, avec tant d'autres sujets à son agenda ?

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