L’EXEMPLE D’EN HAUT DES GAUCHISTES ANTI ISRAÉLIENS
Par Jacques BENILLOUCHE
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Ber Borochov, auteur de la synthèse entre nationalisme juif et marxisme. |
Israël doit sa création au soutien international de la gauche qui l’a aidé politiquement à l’ONU et qui l’a armé pour vaincre les armées arabes au lendemain du vote de l’indépendance. L’Histoire démontre que, durant les premières années de son existence, Israël a pu compter sur le soutien de toute la gauche internationale : l’Internationale socialiste, le Parti travailliste britannique, les sociaux-démocrates allemands et les socialistes français, ces derniers sont d’ailleurs à l’origine du programme nucléaire israélien. En raison de la formation marxiste des pionniers juifs et des premiers dirigeants israéliens, Israël a baigné dans le socialisme en faisant l’admiration des socialistes du monde entier mais avec l’inconvénient d’avoir acquis l’image d’un pays satellite communiste.
Soutien de l’Est
En ce
temps, l’allié principal était l’URSS qui apporta son soutien psychologique et
moral, ses dogmes et son idéologie et qui a confié aux pays de l’Est le soin de
fournir le soutien matériel en livrant des armes et des munitions au pays
naissant. L’URSS était alors impressionnée par la vivacité du socialisme
israélien dont l’application concrète recueillait un franc succès.
C’est ce
qui avait poussé Andreï Gromyko à déclamer son discours, en 1948, à la tribune
de l’ONU avec un magnifique vibrato. Sa déclaration n’a pris aucune ride malgré
les années : «Pour ce qui concerne l’État juif, son existence est un fait,
que cela plaise ou non. La délégation soviétique ne peut s’empêcher d’exprimer
son étonnement devant la mise en avant par les États arabes de la question
palestinienne. Nous sommes particulièrement surpris de voir que ces États, ou
tout au moins certains d’entre eux, ont décidé de prendre des mesures
d’intervention armée dans le but d’anéantir le mouvement de libération juif.
Nous ne pouvons pas considérer que les intérêts vitaux du Proche-Orient se
confondent avec les explications de certains politiciens arabes et de gouvernements
arabes auxquelles nous assistons aujourd’hui.»
Ben Gourion à Sde-Boker en 1956 |
L’État
juif était pratiquement considéré, par son idéologie socialiste et par
l'application sur le terrain de certains dogmes communistes, comme un satellite
de l’URSS capable de déstabiliser la région et les intérêts occidentaux. Le
danger d’être catalogué comme un pays du rideau de fer n’avait pas échappé au
visionnaire David Ben Gourion. Il saisit alors la première occasion pour opérer
un changement stratégique brutal en décidant d’appuyer les États-Unis contre la
Corée (1950-1953). Ce soutien sonna le glas des relations avec les pays de
l’Est et mit Israël dans une situation d’isolement dramatique au moment où les
besoins en armement devenaient vitaux face aux raids meurtriers menés par les Fedayin
palestiniens contre le territoire israélien.
Malgré cela, les Juifs de gauche n’ont pas tous été de fidèles soutiens à Israël,
peut-être parce que leur mentor l’URSS avait fustigé ce revirement politique. Un grand
homme politique juif a été à l’origine du désamour et est considéré comme
l’ancêtre et le chef de file des gauchistes anti-israéliens. Le chancelier autrichien Bruno Kreisky a été le pionnier parmi
les Juifs à être à la pointe du mouvement de haine contre Israël. Un Juif
honteux ont dit certains, pas forcément bien qu’il n’ait pas porté son identité
en bannière.
Briser le capital de sympathie
Ce leader européen avait pris la
décision de briser le capital de sympathie des pays européens à l’égard
d’Israël alors qu’il occupait la fonction de vice-président de l’Internationale
socialiste. Il avait souhaité une révolution des esprits en prenant une
position iconoclaste : «je veux modifier l’attitude du monde occidental
dont la sympathie pour les Juifs est une conséquence de la Shoah et est
exploitée par ceux qui sont au pouvoir en Israël de la manière la plus brutale.
Je considère la position unilatéralement pro-israélienne des partis européens
comme une position dangereuse et à courte vue». Le juif Kreisky donna ainsi
le signal de la cabale contre l’État juif.
Otto Bauer |
Né en 1911 dans une famille viennoise laïque, sa filiation juive bien
établie le laissa cependant insensible au patrimoine dont il avait hérité. Par
honte ou par crainte anticipée, il avait réussi en 1931 à rayer son nom de la
liste officielle des Juifs autrichiens. Mais c’est en militant dévoué du Parti
Social-démocrate qu’il se lia avec son disciple Otto Bauer, le théoricien du
marxisme autrichien. En fait il s’agissait d’une filiation naturelle entre
Marx, Bauer et Kreisky, d’origine germanique et juive, qui avaient tourné le
dos au judaïsme. Ils avaient pris à leur compte l’essai au vitriol «sur la
question juive» de Marx : «L'argent est le dieu jaloux d'Israël.
L'émancipation des Juifs est l'émancipation de l'humanité du judaïsme».
C’est pourquoi le jeune et riche Kreisky fera tout pour se donner l’allure d’un
prolétaire en quittant l’organisation des étudiants socialistes pour le
mouvement des jeunes travailleurs où il pouvait participer à la lutte des
classes.
Il resta cependant d’un esprit perturbé
car à la prise du pouvoir par les nazis et arrêté par la Gestapo, il eut le culot de lui adresser une lettre
pour proposer sa collaboration en leur donnant la liste des éminents membres du
NSDAP, le parti nazi, dont il pouvait se recommander. Son attitude est
inexplicable et surtout sa rhétorique sur la Shoah alors que plusieurs de ses
proches ont été exterminés dans les camps. Il a eu la vie sauve en se réfugiant
en Suède. Mais à son retour en Autriche, il se remit au travail pour ressusciter
le Parti Socialiste qui obtint en 1970 suffisamment de sièges pour constituer
un gouvernement minoritaire avec le soutien implicite du Parti de la Liberté
qui a été fondé par d’anciens nazis pour anciens nazis. On retrouve ainsi les prémices discutées aujourd'hui sur l'alliance objective entre l'extrême-droite et certains Juifs.
Le fasciste juif
D’ailleurs Simon Wiesenthal, célèbre chasseur autrichien de
nazis, avait révélé que quatre des onze ministres nommés en 1970 étaient
d'anciens nazis. Kreisky avait réagi violemment en proférant contre lui des
injures vulgaires et en le qualifiant de «fasciste juif» : «Wiesenthal
est un réactionnaire et il en existe parmi nous, les Juifs, tout comme il y a parmi nous, des assassins et des putes». Il l’avait par ailleurs accusé d’user de
«méthodes de mafia et d’espionnage
et de faire dire au monde que l'Autriche est antisémite».
Tout en ne niant pas ses origines juives, Kreisky avait rejeté l'idée d'un peuple juif. Il considérait le judaïsme comme rien de plus
qu'une religion, et il était lui-même un non-croyant catégorique. Pour mettre
en exergue son point de vue, il avait déclaré dans une interview au Der Spiegel
que : «si les Juifs constituent un peuple, alors c’est un peuple
malheureux». Il exploitait souvent sa condition de juif mais de manière
négative faisant dire que «tout le monde avait peur de lui». Il avait
adopté une position similaire dans ses relations avec Israël en usant de
plaisanterie douteuse : «je suis le seul homme politique que Golda Meir
ne pouvait intimider».
Kreisky avec Peres, Brandt et Sadate |
Cependant il est difficile d’expliquer la proximité,
sinon la connivence, entre la gauche républicaine en Israël, longtemps
représentée par Shimon Peres, et le chancelier Kreisky sous prétexte d’intérêt suprême
de politique internationale.
Enfin, Kreisky tentera de promouvoir une solution
négociée pour résoudre le conflit israélo-palestinien, en usant de sa double
qualité de Juif et de socialiste auprès des gouvernements travaillistes
israéliens. S'il ne rencontra guère de succès auprès d'Israël, il développera
des relations plus poussées avec Anouar el-Sadate et l'OLP. Il fut, entre autres, le premier chef de gouvernement d'un pays occidental à recevoir Yasser Arafat,
et à reconnaître l'OLP en tant qu'organe légitime de représentation des
Palestiniens.
Gauchisme et judéité
Cela explique que la dernière polémique lancée
par un Juif concernant le régime de Vichy durant l’Occupation allemande
n’étonne plus car il a eu un antécédent célèbre. Si un Chancelier peut se
permettre des incartades politiques alors on peut prendre le contre-pied des
travaux d’historiens en affirmant que le régime dirigé par le maréchal Pétain
avait sauvé les Juifs français de la déportation en sacrifiant les Juifs
étrangers.
Noam Chomsky |
Il n’est donc pas étonnant que nous voyons se développer de
nombreux soutiens, ouvertement affirmés, de Juifs aux ennemis d’Israël, surtout de la part de
gauchistes qui récusent leur judéité. Nombreux sont les Juifs qui prennent
exemple sur Kreisky pour soutenir les militants de l’éradication d’Israël. Noam Chomsky, Norman
Finkelstein, Ilan Pappe, Richard Falk, Tony Judt, Howard Zinn, Éric Hobsbawm se
sont retrouvés pour combattre l’État juif. Il n'est pas étonnant non plus qu'un fonctionnaire au
sein même des institutions israéliennes, comme Neve Gordon, chef du département
de politique à l’Université Ben Gourion, n’hésite pas à affirmer de manière
péremptoire qu’«Israël ressemble à l’Allemagne nazie». C’est à se demander si dans cet antisémitisme
ambiant, certains ne cherchent pas tout simplement à sauver leur peau.
Des savants assimilent cette attitude au syndrome d’Oslo
qui, à force d’oppression contre les Juifs, conduit à une empathie avec
l’agresseur. D’autres vont chercher dans le Talmud une explication religieuse
en considérant que l’auto-accusation est une conséquence de l’insatisfaction de
Dieu envers son peuple. Des dirigeants célèbres d’extrême-gauche, Hugo
Chavez, Fidel Castro et Daniel Ortega, ont pris fait et cause pour l’islam
radical et avec eux l’ancien maire travailliste de Londres, Ken Livingston, qui
a défendu le terrorisme palestinien. Les gauchistes se défendent en
assurant que les intérêts des musulmans
et ceux des socialistes coïncident dans la guerre contre les croisés.
En croyant faire partie d’une classe privilégiée,
élitiste, qui s’insère aujourd’hui dans le nouveau prolétariat, cette gauche
extrémiste estime que sa place est auprès des islamistes, même sanguinaires. Il
est à craindre que cette gauche extrême ne connaisse à l'avenir de sérieuses désillusions car
un fossé existe entre ces intellectuels sincères et les illettrés islamistes.
Je pense que pour beaucoup de gauchistes juifs, c'est plus un intérêt de notoriété, et donc aussi potentiellement économique qu'ils crachent tout leur venin contre Israël. Que ce soit N. Gordon, S. Sand ou autres, ils n'ont aucune lien avec leur judéité, mais l'exploitent tout simplement à des fins commerciales. A croire qu'ils seraient de véritables capitalistes prêts à tout pour du fric.
RépondreSupprimern'est-ce pas abusif de dire : "Hugo Chavez, Fidel Castro et Daniel Ortega, ont pris fait et cause pour l’islam radical" ? Personnellement je suis foncièrement contre l'Islam radical mais j'ai pris fait et cause contre la politique d'extrême droite d'Israel, Est-ce que cela signifie que je suis contre l'état d' Israel ??
RépondreSupprimerA M. Chaineux : oui car le gouvernement d'Israël n'est pas d'extrême-droite et sa politique non plus. Cet Etat continue de se battre pour sa survie, entouré d'ennemis hostiles. Et il reste un Etat juif, comme il existe près de quarante Etats musulmans et autant d'Etats chrétiens. Par ailleurs, l'extrême-gauche assimile les Juifs à l'ordre établi qui empêche la révolution, car il faut un bouc émissaire lorsque vous échouez, comme le font les pays arabes qui échouent aujourd'hui.
RépondreSupprimerCher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerPeut-être auriez vous pu ajouter à votre florilège de "gauchistes antiisraéliens", Jacques Attali, le célèbre conseiller d'un président français ayant porté la francisque, qui, le 1er août a écrit sur Facebook : "Le peuple palestinien est aujourd'hui un peuple martyr comme le furent les Juifs jusqu'à la re-création d'Israël."
Très cordialement.