RÉFLEXIONS SUR LA VIOLENCE ET LA BARBARIE D’UN
MONDE FOU
Par Jacques BENILLOUCHE
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Le monde, le Moyen-Orient en particulier, est
devenu fou de violence et de barbarie et il devient légitime de se demander si
la genèse et la responsabilité ne doivent pas être attribuées aux États-Unis
qui ont envahi l’Irak pour provoquer la chute de Saddam Hussein. Barak Obama
est responsable de la maladresse d’une stratégie erronée dans l’installation du
nouveau pouvoir. En écartant tous les
cadres de l’armée et de la police et la plupart des fonctionnaires irakiens, certes
mouillés dans l’ancien régime par servilité plus que par conviction, il a non
seulement créé un monde de frustrés mais
il a participé à la mise en place d’un chaos qui s’est propagé à travers la
région.
L’Irak a été l’exemple d’une intervention mal préparée politiquement où
la force était censée régler les problèmes consécutifs à une dictature sanglante.
Le pays a été désorganisé et les structures administratives éclatées. Un
désordre a succédé à un autre désordre et l’on a cherché à guérir la violence
par une autre violence. La frustration d’un peuple déçu a entrainé une nouvelle
violence poussée au paroxysme.
Réveil du
sentiment national
En éliminant Saddam Hussein, les
Américains ont réveillé le sentiment national des Chiites qui avaient souffert
de l’oppression des baasistes prompts à exercer des exactions insupportables.
En accaparant les rênes du pouvoir, les victimes chiites d’hier se sont vengées
des Sunnites, coupables de complicité avec le dictateur. Tous ceux qui avaient
été écartés de la gouvernance, anciens soldats, généraux, policiers et
fonctionnaires, ont créé des bataillons d’insoumis qui ont gonflé les rangs des
djihadistes. Ces hommes aigris ont réinvesti l’Irak et la Syrie et le cycle d’une
répression sanguinaire a fait des dizaines de milliers de morts. Face à ce
déferlement de violence, notre conflit israélo-palestinien devient
paradoxalement une parenthèse avec un nombre de morts réduit mais avec la même
dose de haine et de violence, constituants
les ingrédients naturels d’une guerre de religion.
Si l’inaction des gouvernements et leur
impossibilité à trouver des solutions viables aux problèmes récurrents et aux
espoirs expliquent des troubles, rien ne peut justifier les atrocités et la
barbarie que les médias relaient aux premières pages des médias. L’agressé
devient agresseur et la violence répond à la violence. Le cycle infernal s’organise
avec la même constante barbare : les Chiites se vengent des Sunnites qui
ont soutenu les dictatures puis à nouveau les djihadistes sunnites rééditent
les exploits d’horreur de ceux qui les ont martyrisés.
Certains iront jusqu’à
justifier ces violences par celles qu’ils ont subies de la part des Américains
qui ont mené ce qu’ils considèrent comme une Croisade contre les Musulmans. Conscient
de ce sentiment latent chez les Musulmans, Obama a d'ailleurs tenu à s’adresser en 2009 à
eux depuis la tribune du Caire avec l’impression de battre sa coulpe. Ce
sentiment de Croisade a aussi justifié la violence faite aux Chrétiens d’Irak,
de Syrie et même d’Égypte car la haine et la peur engendrent automatiquement
une volonté d’anéantissement de l’autre, par souci de défense identitaire.
Absence d’État
Mais cette violence extrême est liée
à l’absence d’un État fort, ou à l’absence d’État tout court, capable de canaliser
les frustrations. Quand la loi de la jungle prédomine alors les groupes les
plus forts et les plus violents s’imposent pour survivre, souvent en s’appuyant sur
l’idéologie du moment, nationaliste, religieuse ou tribale. Les exemples ne
manquent pas dans l’histoire avec les Arméniens en Turquie, les Nazis en Allemagne,
les Yougoslaves en Europe, les Hutus au Rwanda et les Khmers rouges au Cambodge.
Il demeure difficile de mettre fin
au cercle vicieux de la violence. Freud avait proposé sa solution dans une
lettre à Einstein, intitulée pourquoi la
guerre ? Il aborda le thème de la pulsion de mort et les
énergies destructrices de la façon dont nous devons rediriger l'homme dans
l'action sociale positive. Freud appella pour une «dictature de la raison». Le père de
la psychanalyse avait proposé la mise en place d'une force internationale capable
d’intervenir d'une manière équilibrée
pour arrêter la violence sur un plan
mondial. Il estimait alors qu’un pouvoir extérieur coercitif pouvait s’avérer plus
fort que celui des protagonistes. Il avait ainsi anticipé la stratégie qui
aurait dû être appliquée en Syrie. Si les États-Unis avaient frappé le régime
de Bachar el-Assad au début de sa révolution, on aurait pu faire l’économie de
centaines de milliers de morts mais
surtout de l'émergence de l'État islamique.
Hésitations américaines
L’archevêque de Cantorbéry |
Dans ce contexte, les dirigeants politiques et les
chefs religieux ont exhorté la communauté internationale à intensifier sa
réponse à la persécution religieuse au Moyen-Orient. Les Églises du
Moyen-Orient ont condamné l'inaction mondiale, en insistant sur la crise
croissante en Irak et la Syrie. Le Patriarche Cardinal Rai a déclaré: «Beaucoup trop longtemps, le monde a résisté
là à regarder ces atrocités sans lever le petit doigt alors que le gouvernement
local s'est avéré être tout à fait incapable de sauver la vie de ses citoyens».
L’archevêque de Cantorbéry a averti que le Moyen-Orient est le «berceau du christianisme, et abrite des
communautés chrétiennes autochtones, qui ont été un élément indispensable de
son histoire. La région est en danger désespérée de perdre une partie
irremplaçable de son identité, le patrimoine et la culture».
C’est dans ce contexte que, dans son dernier discours, Obama hésite et persiste à
menacer les djihadistes au lieu d’agir sans préavis : «Si vous menacez l'Amérique, vous n'aurez aucun refuge sûr». Il ne
fait qu’affirmer la faiblesse des États-Unis face au nouveau fléau. La violence et la barbarie ont encore de beaux jours devant eux.
Cruauté pour affaiblir aussi les musulmans, dans les pays occidentaux, qui trouvent des avantages comme le pain quotidien, les avantages sociaux, l’éducation et la promotion impossible à recevoir dans leurs pays
RépondreSupprimerMerci pour cet aperçu
RépondreSupprimerJe me demande juste si au debut de la partie "reveil d'un sentiment..." le mot "baasiste" est-il celui qui vous vouliez utiliser? Je peux me tromper, il me semble qu'il est approprié à la Syrie et vous parlez alors de l'Irak, je pense que vous vouliez dire sunnite, mais svp si je me trompe, je vous serai reconnaissante de me corriger en réponse. Merci bien
Et bonne continuation, pour mon plus grand bénéfice :)
Le parti Baas a aussi existé en Irak. Il est arrivé au pouvoir en Irak en 1963 et chassé la même année, puis de 1968 à 2003.
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