LE
HAMAS CLAIRONNE SA VICTOIRE MAIS ENTÉRINE SA DÉFAITE
Par Jacques
BENILLOUCHE
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Les Palestiniens au Caire |
Après l’opération «bordure de protection» qui a duré 50 jours, le Hamas a chanté, sans complexes, sa victoire sur tous les tons. On ignore à quel genre de victoire il faisait allusion mais il pouvait se glorifier en effet d’avoir maintenue intacte la vie de ses dirigeants et de la plus grande partie de ses militants armés. Aujourd’hui il est contraint d’assimiler la réalité des conséquences de la guerre. Il sait que les destructions de Gaza ne pourront s’oublier qu’avec l’aide internationale. Alors il a accepté les faits et tous les compromis dans le cadre d’une retraite politique qu’il estime tactique.
Victoire
d’Abbas
La vraie victoire appartient à
Mahmoud Abbas qui a réussi, le 25 septembre au Caire, à faire plier son
concurrent acculé à mettre un genou à terre face au président de l’Autorité. La
reconstruction de Gaza implique des
renoncements. Le Hamas devra perdre de larges prérogatives dans sa région
puisque 3.000 policiers de Cisjordanie auront la responsabilité administrative
de Gaza et surtout des contrôles aux points de passage. Les miliciens armés du
Hamas sont contraints d’évacuer une zone tampon de cinq kilomètres aux abords
de la frontière égyptienne. Une force unique conjointe constituée avec l’armée
égyptienne, sous commandement de l’Autorité, filtrera ainsi les passages à travers la
frontière.
Le passage de Rafah |
Mahmoud Abbas veut enfoncer le clou
en réactivant l’accord mort-né de réconciliation d’avril 2014. Il veut imposer
sa paix avec les Israéliens alors qu’il était raillé de toutes parts pour son
manque de crédibilité. Il estime le moment venu d’imposer sa mainmise à Gaza
qu’il avait perdu en quatre jours de combat avec le Hamas en 2007. Il a aussi lavé
l’affront fait à son ministre de la santé, accueilli avec des tomates et des
chaussures à Gaza durant la guerre. Le président de l’Autorité se sent revigoré
et il tente de contrecarrer toute accusation de trahison ou de collaboration.
Le siège vide du délégué israélien |
Alors
il a décidé de frapper fort à la tribune de l’ONU en accusant «Israël de préparer une nouvelle Nakba»
faisant durement réagir le premier ministre : «Ce n'est pas la façon d’un homme de pourparlers de paix». Cela a d’ailleurs forcé le représentant
d’Israël à quitter la salle. Ce violent discours est inexplicable sauf à vouloir s’attirer
les faveurs du Hamas ou à calmer ses appréhensions : «Le peuple palestinien maintiendra son droit légitime à se défendre
contre la machine de guerre israélienne et son droit légitime de résister à
l’occupation israélienne coloniale raciste».
Mahmoud Abbas a également
demandé à Israël et la communauté internationale de fixer un délai pour une
solution d'avenir : «Il n'y a pas de
sens ni avantage dans les négociations si on ne met pas fin à l'occupation
israélienne et si l’on ne forme pas un État palestinien, avec Jérusalem-Est
comme capitale, sur tout le territoire occupé en 1967». Le terme génocide ne peut pas être prononcé par imprudence. Sur le plan diplomatique et juridique le discours est assimilé à une déclaration de guerre. Cette attitude est
paradoxale pour un dirigeant qui négocie avec les Israéliens mais il lui fallait calmer le ressentiment des islamistes de Gaza.
La queue aux banques pour toucher les salaires |
Pour
rassurer le Hamas, Mahmoud Abbas a repris la voie de l’invective ou tout le
moins la voie du combat diplomatique car, à l’autre bout, le temps presse pour
Ismaël Haniyeh. Ce dernier voit venir avec inquiétude la période d’hiver et des
pluies qui pourrait augmenter la grogne de sa population démunie. Mais la vengeance
de Abbas est terrible car il a imposé ses conditions en acceptant de payer les
salaires des 25.000 fonctionnaires de Gaza à l’exception de ceux des 15.000
personnels de sécurité.
Minimiser l’accord
La presse muselée du Hamas a été
appelée à la rescousse pour minimiser les conditions de cet accord. Les imams
ont ignoré dans leurs sermons ce qui pouvait choquer une population tétanisée
qui attend avec inquiétude les projets de reconstruction. Seules les brigades
Ezzedine al-Qassam, la branche armée du Hamas, continuent à rêver en appelant
les volontaires à se préparer à une autre «guerre
populaire». Pire, si le Hamas refuse de reconnaitre l’État juif, il est
contraint d’accepter le principe de la création d’un État aux côtés d’Israël et
d’envoyer aux oubliettes son concept de récupération de «toute la Palestine».
Moussa Abou-Marzouk |
Le
Hamas va plus loin puisque son négociateur au Caire, Moussa Abou Marzouk,
envisage sans détours des négociations directes avec "Satan". Il n’a plus le choix
car il est exsangue financièrement depuis le retrait du Qatar et la destruction
des tunnels par l’Égypte. Son arsenal est diminué sous les coups de butoir de
l’aviation israélienne et le rapprovisionnement en armement se fait plus
difficile.
Projets de
reconstruction
Le
Hamas mise donc sur la reconstruction de Gaza pour récupérer une partie de son
audience auprès de sa population démunie. Il compte sur la réunion des
donateurs, au Caire le 12 octobre, pour se refaire une santé économique en se
fondant sur le fait que son mouvement reste le plus structuré et le plus fort
de Gaza. Ses combattants gardent leurs armes et se feront plus discrets en
attendant des jours meilleurs, préparant un jour la riposte contre le Fatah. Il
est convaincu que sa notoriété reste intacte et qu’il reprendra le pouvoir soit
à l’occasion de nouvelles élections, soit par la force. Sa conviction est
intacte et ses rêves aussi.
La vie à Gaza |
Gaza
doit renaître après les destructions et, selon les témoignages concordants, il
faut reconstruire 18.000 habitations, 148 écoles et plus de la moitié des
hôpitaux qui servaient de bases de lancement de fusées sur Israël. Les 400
millions de dollars du Qatar, offerts pour mener à bien des projets d’infrastructures, sont partis en fumée. Israël et l’Égypte sont d’accord pour interdire l’entrée
de matériel de reconstruction et pour fermer les passages aux habitants de
Gaza. Mahmoud Abbas tient par ailleurs les cordons de la bourse puisqu’il peut
réguler les financements d’achats de fuel pour alimenter la centrale électrique
de Gaza qui ne peut fournir aujourd’hui que six heures d’électricité par jour.
Bref, le Hamas claironne toujours sa victoire mais
entérine sa défaite.
Le Hamas recueille des débris de victoire et Israël va faire face à des efforts renouvelés pour céder sur sa sécurité
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