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lundi 1 septembre 2014

POUR STOPPER EIIL, LE MONDE COMPTE SUR LES KURDES



POUR STOPPER EIIL LE MONDE COMPTE SUR LES KURDES 

Par Jacques BENILLOUCHE

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Parade de combattants kurdes

          Pendant des années les Occidentaux ont volontairement ignoré le peuple kurde, d'origine indo-européenne, réparti dans la  région du Kurdistan à cheval sur quatre pays : Turquie (12 millions), Iran (7 millions), Irak (6 millions) et Syrie (2 millions). En communauté de destin avec les Arméniens et les Juifs, les Kurdes ont toujours été persécutés et massacrés sans pouvoir créer leur propre foyer national. Ils se battent depuis des décennies pour obtenir un État indépendant, après la reconnaissance de leur autonomie et de leurs droits culturels en Irak.



Collaboration avec Israël
Kurdes d'Irak

Les Israéliens ont été les seuls à soutenir matériellement et financièrement les groupes d’opposants et à armer les militants nationalistes même si certains ont fait quelques infidélités à l’État juif. En effet Abdullah Öcalan, leader du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan), s’était allié avec le Hezbollah et la Syrie dans sa stratégie de lutte contre son ennemi turc. Le Mossad avait d’ailleurs été accusé d’avoir participé à son enlèvement à Nairobi en 1998 pour le remettre aux Turcs, du temps de l’idylle entre Israël et la Turquie.
Les relations entre Israël et les Kurdes sont anciennes et datent de 1958. Dans le cadre d’une alliance avec le Shah d’Iran, Israël avait armé et entraîné les Kurdes du nord de l’Irak pour les aider à lutter contre le gouvernement de Bagdad. Le soutien s’est transformé, en 1963, en une aide matérielle massive acheminée par l’intermédiaire de l’Iran du Shah et en un soutien humain avec l’envoi de conseillers techniques et de médecins. Les officiers kurdes reçurent directement, dans les montagnes du Kurdistan, des cours de formation dispensés par des officiers de Tsahal.

Les Kurdes n’ont pas manqué de renvoyer l'ascenseur durant la Guerre de Six-Jours face à la mobilisation générale des armées arabes contre Israël. Ils ont fomenté des troubles dans leur région pour forcer les troupes irakiennes à se détourner des frontières israéliennes, expliquant ainsi la faible participation des Irakiens à la guerre de 1967. En remerciement, l’État juif avait fourni aux Kurdes le matériel russe récupéré sur les armées égyptienne et syrienne en déroute et offert au leader Massoud Barzani plusieurs millions de dollars d'aide pour financer sa révolte.

Foyer national kurde

Les Occidentaux n’ont jamais voulu soutenir les Kurdes de crainte qu’ils ne réveillent le nationalisme des minorités des régions voisines. Les Américains tenaient trop à leurs relations privilégiées avec la Turquie, membre par ailleurs de l’OTAN. Israël avait lui-aussi opté pour une alliance étroite avec le seul pays musulman qui avait noué avec lui des relations diplomatiques, qui lui achetait des armes en profusion et qui lui permettait d’user de son espace aérien pour les exercices de son aviation militaire. Les Israéliens continuèrent cependant à aider les Kurdes en prônant la retenue dans leurs opérations contre la Turquie.
Les Kurdes en Turquie

Mais Tayyip Erdogan, qui avait brusquement fait le choix de l’alliance avec les États arabes, et avec la Syrie en particulier, a dû subir le réchauffement du front kurde dans lequel il voyait la main manifeste des Israéliens dans une tentative de le déstabiliser. Certes, les attaques kurdes furent alors lancées contre des bases militaires et contre des cibles navales turques avec le feu vert tacite israélien.  
Les Israéliens verraient avec intérêt la création d’un foyer national kurde autonome. L’entité nouvelle, d’une part rognerait sur la taille des pays qui lui sont hostiles et d’autre part, constituerait un contrepoids efficace face à un Iran islamiste, envahissant et prosélyte. La frontière entre l’Iran et un Kurdistan nouveau, allié d’Israël, permettrait d’avoir un œil sur les activités occultes de l’Iran.

Déferlante djihadiste
Djihadistes à la frontière turque


Le peuple kurde parait être revigoré après des années de répression et il envisage à présent d’exploiter la révolution syrienne et la déferlante djihadiste à son profit. Il semble être le seul gagnant du chaos syrien et irakien. Les troubles de la région ont fait renaître les appétits des Kurdes qui n’hésitent plus à engager le fer avec ceux qui constituent un obstacle. Leurs ennemis déclarés à présent sont les djihadistes de l’EIIL qui veulent s’installer dans leur fief. Des centaines de combattants islamistes ont été tués entraînant l’expulsion des fondamentalistes de Qamishli, une ville frontalière avec la Turquie. Les Kurdes estiment que le moment est venu d’instaurer une autonomie territoriale et économique sur une région constituée des neuf localités kurdes, volontairement évacuées par l’armée syrienne, où ils sont majoritaires. Encore faut-il qu’ils s’opposent aux djihadistes.
Les Turcs ont mis en garde les Kurdes contre toute velléité autonomiste car elle «aura pour effet d’envenimer les combats, et d’aggraver la situation intenable en Syrie». La prise de certaines villes syriennes a exacerbé les tensions car elle met en danger l’approvisionnement en énergie en provenance du Kurdistan irakien à travers l’oléoduc reliant Kirkouk et Ceyhan en Turquie. Les Turcs craignent aussi que l’autonomie kurde en Syrie ne soit contagieuse jusqu’à encourager le séparatisme kurde en Turquie. En fait les combats avec les islamistes cachent le véritable combat pour le contrôle des champs de pétrole de la région.

Les Kurdes ont repris possession de leurs puits de pétrole dans leur région d’Irak après les avoir mis à l’abri des troupes djihadistes. Ils anticipent bien sûr une éventuelle indépendance qui nécessite une autonomie économique. Les champs pétrolifères kurdes produisent actuellement 120.000 barils par jour. Mais les États-Unis, dans une position de jésuites, refusent aux Kurdes le droit d’exporter leur pétrole car ils pourraient, selon eux, porter atteinte à l'unité de l'Irak alors que ce pays est déjà en pleine décomposition, entre les mains des Iraniens et des djihadistes. Ces mêmes Iraniens n’hésitent plus à soutenir les Kurdes et à leur envoyer des armes dans une  situation paradoxale où Israéliens et Iraniens se trouvent du même côté, face aux djihadistes. Les Kurdes comptent ainsi sur Israël pour vendre leur pétrole.

Rapprochement Téhéran Washington

Les dirigeants israéliens s’estiment à l’aise dans leur stratégie d’aide aux Kurdes parce qu’ils ne sont pas mécontents de faire un pied de nez aux Turcs qui tardent à s’engager vers la reprise des relations diplomatiques.  Israël de son côté cherche à briser son isolement politique en misant sur de bonnes relations avec les Kurdes pour diversifier ses propres sources d'approvisionnement en énergie. Il est conscient que l’expansion djihadiste, avec des risques de débordement aux frontières juives, prend des proportions dramatiques que seuls les guerriers kurdes peuvent freiner.
Les Américains ont enfin compris qu’ils devaient intervenir pour frapper les groupes djihadistes qui investissent l’Irak et le nord de la Syrie.  Ils ont aidé les Peshmergas kurdes à reprendre des zones qui leur avaient échappé. Les milices de l’EIIL sont cependant loin d’être défaites puisqu’elles continuent de massacrer des populations non-sunnites et qu’elles détiennent  un grand nombre de villes de la province d'Anbar et le long de l'Euphrate sur les deux côtés de la frontière avec la Syrie.
Attaque de djihadistes au Golan

Israël observe de près l’évolution de ces milices qui consolident leur emprise au nord et à l’est de la Syrie, jusqu’à se rapprocher de la frontière israélienne.  Ce nouveau danger a poussé Netanyahou à accepter rapidement l’accord avec le Hamas afin de neutraliser sa frontière sud pour libérer Tsahal face à la menace plus grave de l’EIIL qui se répand au-delà de l'Irak et de la Syrie.
Une victoire des Kurdes est dans la ligne droite des intérêts d’Israël. Après la prise du barrage de Mossoul, les peshmergas kurdes continuent leur contre-offensive pour reprendre des villes contrôlées par les djihadistes. Israël a besoin de protéger sa frontière nord car la situation se complique du côté syrien de la frontière. Les djihadistes ont pris l'aéroport de Tabqa, dernier bastion du régime dans la province de Rakka. 
Frontière du Golan

Ils se rapprochent d’Israël car, le 27 août, ils ont pris à l'armée syrienne le passage de Quneitra, reliant la partie syrienne du Golan à celle annexée par Israël qui craint que les combats qui font rage ne se propagent à l’intérieur de ses frontières. Les djihadistes sont plus déterminés, plus dangereux, plus sanguinaires et mieux armés que toutes les autres milices auxquelles Israël a dû faire face jusqu’alors, Hezbollah et Hamas compris. Les Kurdes sont les seuls alliés de la région sur lesquels pourraient s’appuyer Israël pour bouter les djihadistes loin de ses frontières nord. 

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