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mercredi 23 juillet 2014

LE "GÉNOCIDE" À GAZA



LE "GÉNOCIDE" À GAZA


Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

Haniyeh et Erdogan

          Le premier ministre Erdogan accuse Israël de commettre une «tentative de génocide systématique» à Gaza. L’accusation aurait prêté à sourire si elle ne provenait pas d’un Turc qui dirige un pays qui refuse toujours de reconnaître sa responsabilité dans le génocide des Arméniens.  Depuis l’incident de la flottille de Gaza, l’islamiste Recep Tayiip Erdogan ne cesse d’attaquer Israël à toute occasion. Lors d'un récent colloque international de dignitaires musulmans à Istanbul, il a réitéré ses accusations : «Ce n'est pas la première fois que nous sommes confrontés à une telle situation. Depuis 1948, tous les jours, tous les mois et surtout pendant le mois sacré du ramadan, nous assistons à une tentative de génocide systématique de la part de l'État hébreu»
Il est étonnant que personne n’ait parlé de génocide à l’égard des Syriens et des Irakiens qui comptent leurs centaines de morts tous les jours. Mais à force d'utiliser cette expression mal à propos, Erdogan finit par la banaliser et par lui enlever sa signification réelle. Ces excès de langage porte un préjudice certain à Israël car l'opinion internationale gobe tout ce qui est publié.



Pas de normalisation



Le président de la Turquie Abdullah Gul avait déjà appelé Israël, le 11 juillet, à arrêter son offensive sur la bande de Gaza et à ne pas effectuer d’incursion terrestre : «je tiens à rappeler à Israël qu’une opération terrestre conduirait à des développements dangereux et sèmerait les graines de la haine. Une telle escalade pourrait mener au chaos dans notre région». Le premier ministre Erdogan avait abondé dans son sens en déclarant qu'il ne peut y avoir de normalisation des relations turco-israéliennes, tant que les actions d'Israël continuent : «Nous ne pouvons pas regarder positivement un processus de normalisation alors que les bombes pleuvent sur nos frères palestiniens.  Nous ne pouvons pas être du côté de l'oppresseur».
Ces déclarations sur un génocide à Gaza sont paradoxales car Israël a toujours ménagé la Turquie sur la question des Arméniens. Le gouvernement israélien a refusé de reconnaître officiellement le génocide arménien alors que la plupart des pays européens l’ont fait parce que les intérêts économiques et stratégiques ont primé sur un positionnement moral. Malgré la rupture des relations diplomatiques et l’alignement de la Turquie sur les pays arabes,  Israël refuse d’envenimer une situation déjà difficile.

Relations suspectes

EIIL et Turquie

Mais il serait temps qu’Israël révise sa position car la politique de la Turquie est difficile à suivre ; elle est ambiguë, surtout à l’égard des djihadistes de l’EIIL. Des informations concordantes attestent que des liens militaires existent entre la Turquie et certains groupes djihadistes d’Irak et de Syrie ce qui a justifié, en représailles, l’enlèvement de membres du consulat de Turquie à Mossoul. Les services de renseignements turcs (MIT) sont à l’origine de cette alliance sunnite constituée pour contrer le régime syrien. Des officiers turcs à la retraite ont rejoint les rangs de cette organisation terroriste réputée pour ses atrocités. En échange de leurs services, ces officiers perçoivent des salaires importants versés par le MIT.
L’Otan, dont la Turquie est membre, ne comprend pas cette alliance sunnite qui menace la sécurité de la région. Serkan Demirtas, chef de bureau du journal Hürriyet Daily News a révélé que «des hommes barbus portant des armes sont traités dans des hôpitaux du sud de la Turquie depuis le début du conflit en Syrie».
Ahmet Davutoglu

L'armée a démenti que des officiers turcs avaient entraîné les rebelles de l'EIIL en Irak.  Et pourtant l’ancien ministre de l’intérieur, Muammer Güler, avait recommandé d’héberger et de porter assistance aux djihadistes du Front al Nosra en Turquie. Cette politique «néo-ottomane » a été mise en place par le ministre des affaires étrangères, Ahmet Davutoglu. D’ailleurs, le gouvernement turc a été critiqué sur sa lenteur à évacuer son consulat de Mossoul avant l'arrivée des djihadistes et sur sa reddition sans résistance.
Le premier ministre Erdogan cible toujours Israël et a encouragé l’action des centaines de manifestants turcs, à l’appel  d'organisations islamistes pro-palestiniennes, qui ont attaqué le consulat général d'Israël à Istanbul. Il est vrai qu’il avait ordonné aux forces de l’ordre d’intervenir pour que les dégâts se limitent aux bris de vitres de la représentation. Les cris de «Israël assassin » ou «Juif assassin» ont été scandés par les manifestants encouragés par de nombreux députés du parti islamo-conservateur au pouvoir qui ont manifesté à Ankara devant l'ambassade d'Israël. Dans la foulée, Erdogan a été contraint d’exclure toute normalisation avec Israël.

Relations discrètes

Erdogan père et fils

Sur le plan économique, les relations entre Israël et la Turquie ont peu souffert de la politique anti-israélienne d’Erdogan. En effet, entre 2002 et 2013, les exportations de la Turquie se sont multipliées par 3 (passant de 861 millions à 2,5 milliards de dollars) et ses importations par 4,5 (passant de 544 millions à 2,4 milliards de dollars). Seuls les projets communs concernant  l’agro-alimentaire et la fourniture d’eau ont tourné court. Selon Salom, le journal de la communauté juive de Turquie, Burak Erdogan, le fils du premier ministre,  ferait du commerce avec Israël. Il serait propriétaire d'un cargo qui transporterait des cargaisons au port d'Ashdod.
En ce qui concerne le tourisme, la tendance avait suivi le même chemin après qu’Israël ait recommandé à ses ressortissants de ne pas se rendre en Turquie. Pendant plusieurs années les Israéliens se sont abstenus de prendre leurs vacances en Anatolie. Mais en 2014, plusieurs milliers d’Israéliens ont bravé cette interdiction pour se rendre à Antalya à Pessah car les prix défiaient toute concurrence.
Antalya

Sur le plan diplomatique, la Turquie continue à soutenir de manière inconditionnelle la cause palestinienne mais, depuis la rupture des relations diplomatiques avec Israël, elle a perdu son rôle de médiatrice. Le premier ministre Tayiip Erdogan a juré qu'il ferait tout pour desserrer le blocus de Gaza. Les imams ont été conviés à dégainer leurs sermons du vendredi pour s’en prendre aux Israéliens et à leurs produits, et même aux Américains. 
Mais Erdogan a la mémoire courte car il a vite oublié qu’il avait reçu en 2004 le Prix du courage décerné le Congrès juif américain pour ses efforts en faveur de la promotion de la paix entre les cultures. Par ailleurs il avait encouragé l’AKP à lever le veto sur l'adhésion d'Israël à l'OCDE en 2010 alors qu’Israël attendait cette décision depuis 1961.
Radar de Kürecik

Sur le plan militaire, les fournitures de matériel militaire ont été suspendues, les drones en particulier, mais des échanges secrets sont maintenus. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères turc, Tanju Bilgiç, a démenti la rumeur selon laquelle le radar qui se trouve à Kürecik dans la province de Malatya fournirait à Israël des renseignements sur les roquettes lancées par le Hamas : «Il est impossible que le système fournisse des informations à un pays qui n'est pas membre de l'OTAN. Et Israël n'est pas membre de l'OTAN. Les informations que nous fournissent ce radar sont partagées avec les seuls alliés». Cette argumentation reste peu crédible.
Les accusations de génocide à Gaza sont tellement excessives que nul n’y croit, la Turquie la première. Mais elles donnent à Israël une mauvaise image de marque auprès de l'opinion internationale. Cependant elles font plaisir au Palestiniens, les seuls concernés par cet excès de langage.

2 commentaires:

  1. Dommage qu'il n'y ait aucun Arménien, ici, pour confirmer la compétence et l'expérience de Monsieur Erdogan dans la science d'auteur de génocide.

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  2. Emmanuel DOUBCHAK23 juillet 2014 à 09:25

    Ce n'est pas parce que nous avons tué 1.800.000 Palestiniens qu'il s'agit d'un génocide ! Pardon, je voulais dire environ 500 dont près de 250 sont des terroristes tirant de l'intérieur de camps de concentration où ils ont enfermé leurs propres frères.

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