LE CHAOS EN LIBYE RISQUE DE
DÉBORDER SUR LA TUNISIE
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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Attaque du parlement libyen |
La Libye se rappelle à notre bon souvenir alors que l’on croyait que la situation serait stabilisée avec la chute de Kadhafi. Il est un fait que les pays qui ont connu le printemps arabe sont tombés dans le chaos car ils étaient peu préparés à la démocratie à l’occidentale. Exception faire de la Tunisie, qui évolue favorablement après la mise à l’écart volontaire des islamistes d’Ennahda, l’Egypte a retrouvé sa stabilité avec le retour au pouvoir des militaires tandis que la Libye renoue avec la guerre civile avec un risque accru de déborder sur la Tunisie, sa voisine. Les Occidentaux doivent mesurer ce risque s'ils ne veulent pas perdre le contrôle de l'Afrique du nord.
Attaque du
parlement
La violence est de
retour en Libye après des affrontements qui ont fait 24 morts et près de 200
blessés le 17 mai 2014 à Benghazi dans l’est de la Libye. Les combats ont
opposé des milices islamistes et des groupes paramilitaires qui ont utilisé des
hélicoptères et des avions de combat. La guerre civile est en marche. Les
autorités de transition n’ont plus le contrôle de la situation face à des
milices bien armées qui se sont équipées dans l’arsenal du colonel déchu. Les
rebelles, à dominante islamiste, s’opposent à la reconstruction des institutions
légales dans le pays car le chaos est l’élément fondamental de leur idéologie.
Le parlement libyen
a été attaqué le 19 mai par une force paramilitaire dirigée par le général
Khalifa Hafter qui a réclamé la suspension du pouvoir en place et la mise à l’écart
des islamistes. Il avait pris part à la révolte contre le régime de Kadhafi en 2011. La Tunisie, qui subit de plein fouet une crise économique sans
précédent, souffre des répercussions de ce conflit qui gèlent tous les projets
bilatéraux en particulier la création d’une zone franche à la frontière entre
Ben Gardane en Tunisie et Ras-Jedir en Libye ainsi que la construction d’un pipeline gazier reliant la Libye à Gabès. Les troubles sécuritaires ont par
ailleurs développé la contrebande et le commerce parallèle tandis que le
commerce pétrolier est confisqué par les milices armées qui pillent les
ressources du pays. La Libye, qui représente une source d’oxygène pour la Tunisie
sur le plan économique, risque d’influer défavorablement sur la croissance déjà
molle du pays.
Troubles à la
frontière
Selon le colonel à
la retraite de l’Armée nationale tunisienne, Mokhtar Ben Nasr, les conséquences
de la guerre civile pourraient se traduire par un afflux de réfugiés et de groupes terroristes armés en Tunisie,
déstabilisant un pays en voie de reconstruction en se propageant en Afrique du nord. Des unités de
l'armée, de la sûreté nationale, de la garde nationale et de la Douane ont pris
position pour prévenir toute éventualité, et prendre les mesures préventives
nécessaires et faire front à toute infiltration de groupes armés libyens. Ben Nasr estime que la situation est encore confuse en Libye et que
rien n'est encore clair au sujet de l’action menée par l'ex-chef d'État-major,
Khalifa Haftar.
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Laâroussi Gantassi et Mohamed ben Cheikh |
Deux
diplomates tunisiens, Mohamed Ben Cheikh et Laâroussi Gantassi, ont été kidnappés
depuis plusieurs semaines et sont retenus en otages par des milices dont les
revendications sont contestées. Cela a d’ailleurs poussé l’Algérie à fermer son ambassade ainsi que son consulat
général à Tripoli face aux menaces réelles et imminentes sur ses diplomates.
En fait les troubles sont causés par
deux clans qui se disputent le pouvoir à coup d’armes lourdes : les
ex-kadhafistes et les islamistes. Cette situation a poussé les États-Unis et les
Émirats arabes unis à intervenir conjointement pour stabiliser le régime en
évinçant les islamistes. Les Américains ont cautionné ainsi l’assaut du général
Khalifa Haftar contre le parlement libyen qui, avec l’aide d’anciens soldats et
de quelques milices ralliées, compte mettre fin au chaos parce que selon lui «les
extrémistes islamistes ont pris le pays en otage».
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Cheikh Mohamed Zayed Al Nahyan |
Des sources sécuritaires rapportent
que Barack Obama et le Prince héritier Cheikh Mohamed Zayed Al Nahyan, par l’intermédiaire
d’officines occultes, fournissent des armes et des fonds secrets au général
Hafter. Ils lui ont donné l’objectif de bouter hors de Tripoli et de Benghazi les
islamistes d’Ansar Al-Sharia dont le chef Abou Khattala est censé avoir
perpétré l’attentat contre le consulat américain à Benghazi le 11 septembre
2012 et l’assassinat de l'ambassadeur Christ Stevens et de trois membres de la
CIA.
Premiers résultats probants
Les forces loyalistes ont obtenu des
premiers résultats probants grâce aux roquettes Grad et aux canons anti-aériens
montés sur camions grâce auxquels ils ont infligé de lourdes pertes aux islamistes de
Benghazi. Le général Hafter a été rejoint à Tripoli par la force Al-Saiqa
constituée d’anciens commandos parachutistes de l’armée de Kadhafi et par la
brigade Al-Qaaqaa composée d’anciens soldats libyens de l’ouest. Mais il n’a
pas réussi à rallier à lui les dirigeants libyens. Il est en effet accusé, par
les ministres et hauts-fonctionnaires, dont une grande partie a d’ailleurs fui
sous les coups des islamistes, d’avoir fomenté un coup d’État.
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Brigade Misrata |
La réussite de sa mission dépend de sa capacité à mater les 17 grandes
milices bien armées issues des troupes de Kadhafi et des tribus qui contrôlent de nombreux
fiefs. Il devra en particulier neutraliser la brigade de Misrata, installée
dans le port éponyme, qui est constituée de 40.000 combattants lourdement armés
avec 800 chars et 2.000 véhicules blindés prélevés dans l’arsenal de Kadhafi.
De cette neutralisation dépendra la réussite
du général Hafter, et par contrecoup de celle des Occidentaux.
La situation en Libye est loin de se
clarifier et les conséquences de la guerre civile risquent de se propager en
Occident qui croyait avoir réglé le problème libyen en éliminant le colonel
Kadhafi. Nombreux sont ceux qui pensent aujourd’hui que les dictatures sont en
fait des sources de stabilité politique et économique dans les pays qui
ignorent les bienfaits de la démocratie. De ces troubles entre clans, nul ne peut prédire lequel sortira vainqueur des anciens khadafistes ou des islamistes.
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