ISRAËL : MANŒUVRES AUTOUR DE
LA PRÉSIDENCE DE L’ÉTAT
Par Jacques
BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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Qu’est-ce qui pousse Benjamin Netanyahou à vouloir s’attaquer à une institution qui somnole, la présidence de l’État d’Israël qui est une fonction purement honorifique ? Comme disait le général de Gaulle à son retour au pouvoir en 1958, le président est chargé «d’inaugurer les chrysanthèmes». Le rôle du président de l’État est uniquement représentatif et volontairement lisse, sans vraie autorité sur la conduite du pouvoir et avec une faible intervention dans la vie politique d’Israël. Jamais une élection d’un président de l’État n’aura connu une telle animation en Israël.
De manière caricaturale, le
président de l’État d’Israël est censé passer son temps à déposer des gerbes de
fleurs sur divers monuments. Bien qu’il soit
une personnalité politique reconnue et respectée, il ne dispose dans la
pratique que de quelques pouvoirs : il signe les lois, confirme le choix des
diplomates, signe les traités, désigne les juges de la Cour suprême et le
gouverneur de la Banque centrale, dispose de la grâce présidentielle et arbitre
le choix d’un premier ministre au lendemain d’élections législatives.
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L’ambassadeur français en Israël, Patrick Maisonnave présente ses lettres de créance |
Il est vrai qu’il soulage le
premier ministre de tâches protocolaires fastidieuses, comme la réception des
lettres de créance de la centaine d’ambassadeurs en poste à Tel-Aviv, et qu’il
représente souvent son pays à l’étranger aux différentes manifestations
internationales de prestige. Mais en raison de sa personnalité, il peut avoir
une fonction plus politique. Shimon Peres en particulier s’est souvent
substitué au ministre des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, lorsque
celui-ci était persona non grata dans certaines chancelleries européennes et il
a choisi de s’impliquer dans le processus de paix.
Or le remplacement du
président actuel, qui termine son mandat en juillet 2014, est l’occasion de manœuvres
politiques qui ne sont pas à la hauteur des enjeux. En effet le président est
désigné par un vote à la majorité absolue (61 voix) des députés de la Knesset. Si
aucun candidat ne sort après les trois premiers tours de vote, une majorité
simple suffit. Mais cette année, de manière trop visible, les animosités entre dirigeants du même parti et les rivalités au sein de la
Knesset priment sur le choix judicieux du meilleur candidat qui devient ainsi l’objet
de marchandages politiques.
Benjamin Netanyahou ne cache pas sa préférence pour un régime présidentiel à l’américaine, supprimant de fait la présidence actuelle de l’État. Pour parvenir à ses fins, il propose de reporter l’élection de six mois pour organiser le changement. Il avait déjà proposé la suppression de la présidence en 1990, en vain. Or toutes ces manoeuvres s'effectuent face à une opposition atone dont le leader Yitzhak Herzog, qui vient d'être désigné, déçoit et fait illusion face à l'omnipuissance du premier ministre.
Benjamin Netanyahou ne cache pas sa préférence pour un régime présidentiel à l’américaine, supprimant de fait la présidence actuelle de l’État. Pour parvenir à ses fins, il propose de reporter l’élection de six mois pour organiser le changement. Il avait déjà proposé la suppression de la présidence en 1990, en vain. Or toutes ces manoeuvres s'effectuent face à une opposition atone dont le leader Yitzhak Herzog, qui vient d'être désigné, déçoit et fait illusion face à l'omnipuissance du premier ministre.
Candidats prestigieux
Face à certains blocages,
l’idéal pour certains leaders politiques serait en fait de désigner le
président au suffrage universel permettant aux candidats libres de la société
civile, non affiliés à un parti, d’avoir des chances d’être élus car, malgré
une liste de candidats prestigieux, la campagne présidentielle sent le soufre
sur fond de dénigrement systématique. On se demande d’ailleurs ce qui les fait
courir sachant la fonction purement honorifique et sachant que la plupart ont déjà
occupé des postes décisionnaires autrement plus responsabilisés.
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Sylvain Shalom |
L’ancien général Benyamin
Ben-Eliezer, 78 ans, Réouven Rivlin, ancien président de la Knesset et leader
du Likoud, et l’ancien ministre des
affaires étrangères et des finances Sylvain Shalom, dont la candidature a été
sabotée par une accusation de délit
sexuel sur une ancienne collaboratrice, sont des candidats professionnels. Mais
la présidence intéresse des personnalités qui sont à l’écart des partis
politiques à l’instar de Dan Shechtman, professeur au Technion et prix Nobel
2011 de chimie, ou Dalia Dorner, juge à la retraite de la Cour suprême.
Cependant, selon les modalités actuelles de l’élection, seul un homme politique du sérail de la Knesset peut avoir ses chances. Netanyahou fera connaitre son choix qui s’imposera aux députés mais il pourra compter sur sa majorité gouvernementale.
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Dan Shechtman |
Cependant, selon les modalités actuelles de l’élection, seul un homme politique du sérail de la Knesset peut avoir ses chances. Netanyahou fera connaitre son choix qui s’imposera aux députés mais il pourra compter sur sa majorité gouvernementale.
Barrage contre Rivlin
Le candidat qui aurait les
faveurs du Likoud est sans conteste Réouven Rivlin qui, en mauvais termes avec
Netanyahou, voit sa candidature barrée par le premier ministre. Leur
contentieux date des élections législatives de janvier 2013. Dans une interview
à Maariv il y a trois ans, Rivlin de sensibilité d’extrême-droite au sein du Likoud,
avait critiqué «l’approche antidémocratique» du premier ministre qui n’a
pas apprécié d’avoir été sous le feu des sunlights d’une manière aussi peu flatteuse.
Il n’a donc eu de cesse que de l’empêcher d’accéder à un second mandat à la
tête de la Knesset et aujourd’hui à la présidence de l’État. Rancunier, Netanyahou
le poursuit de sa vindicte en usant de méthode douteuse consistant à repousser le
scrutin à la Knesset pour empêcher l’élection assurée de Rivlin.
Peu de députés approuvent le
projet de suppression du poste de président. L’argument que cela entraînerait
des économies en période de restriction budgétaire ne les convainc pas. C'est un alibi qui ne tient pas d'autant plus qu'une dernière statistique démontre que les ministres ont doublé le nombre de voyages effectués à l'étranger durant ces dix dernières années. Déjà que l’État ne
dispose pas d’une Constitution, que reste-t-il comme symbole sensible autre que
le drapeau et l’hymne. Il est vrai que Shimon Peres a marqué sa présidence par un
activisme qui n’était pas du goût du premier ministre au point de susciter des
frictions entre les deux têtes de l’exécutif. Theodor Herzl, dans son livre «Altneuland » définissait le rôle
du président comme personnage devant «s'élever au-dessus des conflits, des
partis et de la politique de bas niveau». Il ne s’agit pas d’équilibre de
pouvoirs car la démocratie est vivace en Israël mais la suppression de cette
institution dans le but uniquement d’empêcher Rivlin d’accéder à la présidence
relève d’une décision à courte-vue.
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Le général Avichaï Mandelbit |
Netanyahou a ainsi mandaté son
secrétaire de cabinet, Avichaï Mandelbit, privé de voyage au Japon, de concentrer toutes affaires cessantes son action à faire du lobbying auprès des députés afin d’obtenir une majorité
pour son projet. Mais faire d’une affaire personnelle contre Rivlin une affaire
d’Etat peut être assimilé à une certaine paranoïa qui nuit à la bonne marche du
pays. Cela a déjà conduit le président Peres à annoncer qu’à la fin de son
mandat il sortirait de sa réserve pour s’engager à nouveau en politique. Une
façon de menacer Netanyahou qu’il le trouverait sur son chemin s’il persistait
dans son projet.
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