MANDELA OU LA FIN DE L’IDYLLE AVEC ISRAËL
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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Il est parfaitement établi que l’indépendance de l’Afrique du Sud et l’arrivée au pouvoir de Nelson Mandela avaient mis fin à une idylle de plusieurs décennies avec Israël. L’isolement politique imposé par les pays arabes avait contraint Israël à rechercher des alliances tout azimut pour trouver des débouchés économiques à son industrie. Jusqu’alors florissantes, les relations étaient devenues quasi inexistantes.
Isolement d’Israël
La ministre des Affaires étrangères sud-africaine, Maite Nkoana-Mashabane et Lieberman |
Il a fallu attendre la tournée
du ministre des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, en septembre 2009, pour
voir la diplomatie israélienne tenter de reprendre pied dans le pays et contrer
le rapprochement entre l'Iran et l'Afrique. Le ministre comptait sur le
développement des relations économiques dans les domaines de l’énergie, de
l’agriculture, de l’irrigation, des infrastructures et de la sécurité.
Au-delà de
la communauté de destin avec l’Afrique du Sud, Israël avait mené son propre
combat diplomatique pour rompre une situation d’isolement. Au milieu des années
1960, Israël était farouchement hostile au régime d’apartheid sud-africain dès
lors où il entretenait des relations diplomatiques avec plus de trente pays
africains qui bénéficiaient d’experts israéliens, de formation d’unités d’élite
et d’aide militaire.
Les relations ont commencé à se dégrader à partir de la Guerre de Six-jours de 1967 puis ont été rompues, au lendemain de la Guerre de Kippour de 1973, à l'initiative de tous les pays africains à l’exception du Malawi, du Lesotho et du Swaziland. Israël s’était alors rapproché de l’Afrique du Sud entrainant le vote, le 10 novembre 1975, de la résolution 3379 des Nations unies assimilant sionisme et racisme. Israël a été amené, en 1987, à condamner explicitement l’apartheid pour voir les Nations-unies annuler en 1991 cette résolution.
Les relations ont commencé à se dégrader à partir de la Guerre de Six-jours de 1967 puis ont été rompues, au lendemain de la Guerre de Kippour de 1973, à l'initiative de tous les pays africains à l’exception du Malawi, du Lesotho et du Swaziland. Israël s’était alors rapproché de l’Afrique du Sud entrainant le vote, le 10 novembre 1975, de la résolution 3379 des Nations unies assimilant sionisme et racisme. Israël a été amené, en 1987, à condamner explicitement l’apartheid pour voir les Nations-unies annuler en 1991 cette résolution.
La conférence de Durban, qui s’était tenue du 2 au 9 septembre
2001 à Durban en Afrique du Sud a été l’occasion de neuf jours de débats
houleux, à la suite de l’appel lancé par certains pays arabes en vue de
rétablir la résolution 3379 de l’assemblée générale de l’ONU du 10 novembre
1975, révoquée après la conférence de Madrid de 1991, qui, outre des appels à
l’autodétermination des peuples et contre l’apartheid en Afrique du Sud, condamnait
«l’alliance impie entre le racisme sud-africain et le sionisme» et
qualifiait ce dernier de «raciste». Les Israéliens avaient noté le
silence gênant de Nelson Mandela qui n’était pas intervenu pour condamner une résolution qui tendait à délégitimer l’État d’Israël et à déshonorer
son histoire et la souffrance du peuple juif .
Relations discrètes
Israël était
resté longtemps discret sur ses relations avec l’Afrique du Sud car il pouvait
difficilement expliquer comment un pays, qui avait souffert des persécutions nazies, avait pu
s’allier à un régime raciste et se compromettre avec les Afrikaners. Don
Krausz, qui présidait l’Association des Survivants de l’Holocauste, était
arrivé en Afrique du Sud en 1946, après être passé par les camps de
concentration de Ravensbrück et Sachsenhausen et avoir perdu une grande partie
de sa famille dans le génocide. Il avait lancé une mise en garde : «Les
nationalistes avaient un programme électoral fortement antisémite en 1948. La
presse Afrikaans était méchamment anti-juive; on pourrait la comparer à ce
qu’était le Stürmer dans l’Allemagne d’Hitler. Quand on était juif, à l’époque,
on avait peur de l’Afrikaner».
Mais si le
gouvernement sud-africain adopta effectivement de dures lois raciales, les Juifs en furent
exonérés car la seule discrimination imposée était la discrimination par la
couleur, noirs-blancs. Les Juifs et les Afrikaners
avaient cependant des raisons objectives de s'entendre ; ils ont partagé à l’époque la
même haine envers la puissance coloniale britannique qui s’opposait à l’immigration
des Juifs en Palestine. Ils ont partagé les mêmes camps anglais. Ils ont
partagé une même croyance politico-religieuse consistant à affirmer que la
terre leur appartenait parce que Dieu l'avait donnée. Ils ont partagé les mêmes risques d’une communauté isolée, entourée
de peuples et de pays hostiles, et le dos à la mer. Ainsi Israël et l’Afrique du Sud ont
entretenu, dans les années 1970 et 1980, d’intenses relations commerciales et
militaires.
Vorster avec Rabin, Dayan et Begin |
Après la
guerre de Kippour de 1973 qui avait entrainé une rupture avec la totalité des
pays africains, Jérusalem commença à avoir des contacts de plus en plus
rapprochés avec Johannesburg. En 1976, le premier ministre John Vorster, que certains
accusaient d’être un ancien nazi, était officiellement invité par Israël. Yitzhak Rabin avait recommandé le silence sur le
comportement de Vorster pendant la deuxième guerre mondiale, à fortiori lors de
la visite au mémorial de Yad Vashem et du dîner d’État. Yitzhak Rabin
porta un toast «aux idéaux communs à Israël et à l’Afrique du Sud».
L’Afrique du
Sud et Israël se définissaient en tant qu’enclaves de la civilisation
démocratique, aux avant-postes pour la défense des valeurs du monde occidental.
Collaboration économique
La visite de
Vorster jeta les bases d’une étroite collaboration entre les deux pays. Israël
apportait son savoir-faire et ses brevets, tandis que l'Afrique du Sud
apportait son argent. La coopération militaire se traduisit par la fabrication
en commun de matériel, en particulier la fabrication de véhicules anti-émeutes
au kibboutz Beit Alfa, et par l'échange de conseillers. Israël n'a jamais
publiquement soutenu le régime d'apartheid, mais il lui a permis de survivre
économiquement en contournant l'embargo de l'ONU. Israël était attiré par l’armée
sud-africaine qui disposait d’un budget illimité tandis que ses besoins d’armement
militaire souffraient du régime de sanctions qui lui était appliqué.
L’Afrique du
Sud a aidé à Israël à sortir du marasme économique et de sauver son
industrie militaire. Les Américains refusaient d’aider au développement de la
production d’avions militaires israéliens qui pouvaient faire concurrence à ses propres chasseurs.
Ils avaient d’ailleurs imposé en 1987 l’abandon du projet de construction du
prototype du chasseur Lavi. Dans les
années 1980, l'industrie aéronautique manquait de fonds pour son développement et
elle a été sauvée par un miraculeux contrat secret concernant la vente de 60 chasseurs-bombardiers
Kfir, rebaptisés Atlas Cheetah, pour un montant de
1,7 milliard de dollars.
Les projets communs de développement de systèmes à technologie avancée redonnèrent un souffle nouveau aux industries israéliennes. Les Sud-Africains avaient besoin de consolider leur armée face au danger d’une intervention russe en Angola voisine. Les États-Unis avaient tenté de s’opposer à cette transaction sous prétexte que le Kfir comportait des moteurs américains. Les Israéliens ont alors contourné le problème en l’équipant de moteurs français, dérivés du Mirage.
Kfir |
Les projets communs de développement de systèmes à technologie avancée redonnèrent un souffle nouveau aux industries israéliennes. Les Sud-Africains avaient besoin de consolider leur armée face au danger d’une intervention russe en Angola voisine. Les États-Unis avaient tenté de s’opposer à cette transaction sous prétexte que le Kfir comportait des moteurs américains. Les Israéliens ont alors contourné le problème en l’équipant de moteurs français, dérivés du Mirage.
L’Afrique du
Sud a ensuite participé au financement de la construction du premier satellite
de reconnaissance israélien Ofek. Mais la pression américaine a été
suffisamment forte pour limiter, pendant quelques années, l’exportation de
missiles destinés à la force aérienne de
l'Afrique du Sud.
Soupçons de collaboration nucléaire
Sasha
Polakow-Suransky avait révélé dans son livre sorti en mai 2010 The Unspoken
Alliance qu’Israël aurait proposé de vendre des armes nucléaires à
l’Afrique du Sud, du temps où Shimon Peres était ministre de la défense et architecte du programme nucléaire militaire du
site de Dimona, le premier centre de recherche atomique du pays. Le président
israélien a démenti fermement ces allégations. Il a affirmé n’avoir «jamais
négocié un échange d’armes nucléaires avec l’Afrique du Sud». The
Guardian avait, le 24 mai 2010, accusé Israël d’avoir tenté de vendre des missiles
nucléaires Jericho au régime sud-africain de l’apartheid en 1975. Il s’était fondé sur un mémorandum du chef d’État-major de l’armée sud-africaine, le général Armstrong, qui avait détaillé
les avantages pour son pays de détenir de tels missiles seulement s’ils étaient
équipés d’arme atomique.
Mais aucune
livraison de matériel n’est cependant intervenue. Shimon Peres avait démenti ces
informations : «Il n'y a aucun fondement réel aux allégations publiées
ce matin par le Guardian selon lesquelles Israël avait négocié en 1975 un
échange d'armes nucléaires avec l'Afrique du Sud. Israël n'a jamais négocié un
échange d'armes nucléaires avec l'Afrique du Sud. Il n'existe aucun document ou
signature israélienne prouvant que de telles négociations ont eu lieu».
Ces accusations venaient en fait à
point nommé pour affaiblir la position d’Israël qui faisait pression pour que
la communauté internationale empêche l’Iran de poursuivre son programme
nucléaire. En août 1977, l’agence soviétique Tas avait publié une dépêche selon
laquelle l’Afrique du Sud s’apprêtait à procéder à un essai nucléaire sur son
site expérimental au cœur du désert de Kalahari. Cette nouvelle, confirmée par
les services secrets en Occident, avait entrainé une inquiétude diplomatique en
Occident qui mit en garde le régime du premier ministre Vorster quant aux conséquences
néfastes qui pourraient découler d’une telle initiative sur le plan de la
politique internationale. C’était une position de jésuite car nombreux étaient
ceux qui prétendaient que «les États-Unis, Israël, l’Allemagne de l’Ouest,
la France et la Grande-Bretagne ont tous aidé l’Afrique du Sud par la fourniture
d’équipements divers, de matière fissile, de technologie de pointe et d’aides
financières qui lui ont permis de fabriquer une bombe atomique».
L’indépendance de l’Afrique du Sud
et l’arrivée de Nelson Mandela au pouvoir mit fin à une collaboration qui s’était
développée pendant plusieurs année. Cette rupture, accompagnée par un rapprochement
de l’Afrique du Sud avec les Palestiniens, avait suffi à qualifier Mandela d’antisioniste.
Vous oubliez l'odieux Durban 2001, sous Nelson Mandela qui s'est tu
RépondreSupprimermoi je me mets dans la peau d'un noir sud africain opprimé, brimé, humilié, ....pendant toute la période qu'a duré la lune de miel israel-afrique du sud
RépondreSupprimerJeannine, dans les années 60, Israël a perdu beaucoup d'avantage en combattant l'apartheid. Les problèmes viennent des gouvernants, et non du pays, donc les Sud Africains peuvent critiquer certains dirigeants israéliens, mais pas tous, ni tout le temps. Je crois que Mandela avait compris ceci, et n'était pas fondamentalement hostile à Israël, il se rappelait probablement des années 60.
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