DEMI-ÉCHECS DANS LA MÉMOIRE D’ISRAËL : KIPPOUR 1973 ET OSLO 1993
Par
Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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Israël commémore
cette année deux faits historiques qui ont marqué la mémoire collective israélienne
de manière mitigée. Alors que la Campagne de Suez de 1956 et la Guerre de
Six-jours de 1967 ont été sacralisées dans toutes les villes israéliennes,
Kippour et Oslo sont entrés dans l’inconscient honteux pour être ignorés parce
qu’ils sont considérés comme deux demi-échecs militaire et diplomatique. Mais
ces deux faits historiques restent totalement imbriqués.
Une guerre coûteuse
La guerre de
Kippour du 6 au 24 octobre 1973, qui a surpris le gouvernement israélien
hésitant de l’époque, a été la conséquence d’une grande assurance des
dirigeants politiques et militaires qui pensaient qu’après la guerre de 1967,
l’Égypte avait besoin de dizaines d’années pour se remettre de sa défaite. Malgré
cela, les Égyptiens et les Syriens attaquèrent par surprise simultanément dans
la péninsule du Sinaï et sur le plateau du Golan, au moment où les effectifs
étaient réduits par suite de la fête religieuse suprême. C’est cette même
assurance qui règne actuellement au sein de la classe politique israélienne.
T62 syrien au Golan durant la guerre 1973 |
Même si les
attaquants ont bénéficié d'une large supériorité numérique, Tsahal a pu les
arrêter au prix de fortes pertes inhabituelles pour le petit État juif. En une
semaine, le temps de la réorganisation des troupes, de la réception d’armement
nouveau en provenance des États-Unis et de la mobilisation générale, Israël
retrouva son potentiel militaire et lança des contre-offensives qui lui
permirent de pénétrer profondément en Syrie et de traverser le canal de Suez.
Cette guerre
avait été été imputée à l'origine, à tort, à l’échec du service israélien le plus illustre, les
services secrets du Mossad, critiqué pour son incapacité à prévenir le
gouvernement de l'attaque imminente. Elle entraina un séisme politique
majeur puisque la première ministre Golda Meir démissionna de son poste après
avoir été accusée d’imprévoyance et de légèreté. Elle en a donc tiré ses conclusions.
Ashraf Marwan |
Mais Golda Meir
a dû en fait mesurer sa propre erreur puisque l’on sait à présent, sur la base
de documents déclassifiés publiés en 2012, que le Mossad avait correctement
effectué son travail. L’agent du Mossad par ailleurs gendre du colonel Nasser, Ashraf
Marwan, avait prévenu son directeur Zvi Zamir, le 5 octobre 1973, de
l'imminence «d’un avertissement au sujet de la déclaration de guerre»
par la Syrie et l'Égypte. L'information n’avait pas été correctement traitée au
sommet du gouvernement et l’avertissement n’avait pas été pris en compte. Le
ministre de la défense Moshé Dayan, auréolé par ses précédentes victoires,
avait sous-estimé la volonté de revanche de l’armée égyptienne.
Un
carnage inhabituel
Les premiers
jours de la guerre furent un carnage inhabituel pour Israël puisque la surprise
de l’attaque, en plein jour sacré, avait entrainé des débordements dus à
l’impréparation de l’armée en effectifs réduits. Les premiers soldats arrivés
en catastrophe sur le front ont payé de leur vie l’imprévoyance d’un État-major
qui surfait sur ses victoires passées.
Le chef d'Etat-major David Elazar en 1973 |
Le traumatisme
est toujours présent dans les esprits israéliens car l’armée a compté 3.020
morts, la plupart tombés durant les premiers jours. Il a été reproché aux
militaires de ne pas avoir adopté la stratégie israélienne consistant à lancer une
attaque préventive si la guerre était imminente et si elle était confirmée par les
services secrets avec un préavis de 48 heures. Tous les chefs militaires ont d’ailleurs
été limogés après la guerre. Mais le traumatisme persiste encore parce que les
pertes ont été les plus importantes de toutes les guerres israéliennes. Ce
traumatisme a été cependant un élément central dans la décision de Yitzhak Rabin
de parvenir à un arrangement avec les Palestiniens dans les accords de Camp
David de 1979.
Les Israéliens
tirèrent alors les conséquences de Kippour 1973. Ils étaient définitivement
convaincus qu’ils ne pourront jamais gagner une guerre sans l’aide matérielle
américaine. Par ailleurs ils institueront à la lettre la stratégie militaire
d’attaque préventive en cas de danger sécuritaire. Le débat est aujourd’hui
d’actualité avec le problème du nucléaire iranien qui pèse sur la sécurité
d’Israël face au risque d’une deuxième guerre du Kippour ratée.
Le général Ariel Sharon le sauveur de la guerre 1973 |
La situation
actuelle comporte certains points de convergence avec celle de 1973, au moins
sur l’intransigeance israélienne à refuser de discuter avec les ennemis. Le
première ministre Golda Meir avait ignoré les nombreuses propositions secrètes
du président égyptien Anouar Al-Sadate d’échanger le Sinaï occupé contre une
véritable paix. Sadate avait donc conclu qu’il ne parviendrait à récupérer le
Sinaï que sur le champ de bataille. 3.020 morts ont payé de leur vie ce qui
sera finalement appliqué en 1979 avec la signature des accords des Camp David
restituant à l’Égypte son autorité sur le Sinaï. La paix signée à Camp David a été une conséquence directe de la guerre du Kippour.
Accords
d’Oslo
Il est certain
que la guerre du Kippour a été pour quelque chose dans la signature des accords
d’Oslo, résultats de discussions menées en secret entre des négociateurs
israéliens et palestiniens à Oslo en Norvège, pour poser les premiers jalons
d'une résolution du conflit israélo-palestinien. Une Déclaration de principes, avait
été signée à Washington le 13 septembre 1993 en présence de Yitzhak Rabin, premier
ministre israélien, de Yasser Arafat, président du comité exécutif de l'OLP et
de Bill Clinton, président des États-Unis.
Oslo a instauré
un mode de négociations pour régler le conflit
israélo-palestinien et a posé une base pour une autonomie palestinienne
temporaire de cinq ans pour progresser vers la paix. Le processus d'Oslo a été
complété le 4 mai 1994 par l'Accord de Jéricho-Gaza qui investit la nouvelle
Autorité nationale palestinienne de pouvoirs limités. Enfin, l'accord
intérimaire sur la Cisjordanie et la Bande de Gaza ou «Accord de Taba»,
qui a été signé à Washington le 28 septembre 1995, prévoyait les premières
élections du Conseil Législatif Palestinien et impliquait un découpage négocié
des territoires palestiniens en zones où les contrôles israélien et palestinien
s'appliquent de façon différente, dans l'attente de l'aboutissement des
négociations toujours en cours.
Intifada 2000 |
Ces accords,
qui eurent l’avantage de créer une Autorité palestinienne autonome ayant un
pouvoir dans plusieurs zones de Cisjordanie, furent cependant un demi-échec car
ils ne purent éviter le déclenchement de la seconde Intifada et ne furent pas
suivis d'avancées politiques nouvelles. Pourtant, ils devaient être les
prémices pour la création d’un État indépendant palestinien, toujours
d’actualité vingt ans après, mais non réalisé. Les négociations sur le statut final des
territoires devaient être abordées trois ans après la signature des accords
ainsi que les questions des réfugiés palestiniens, de Jérusalem, des
implantations israéliennes, des frontières définitives et les problèmes de
sécurité d'Israël.
La responsabilité palestinienne est grande dans l'échec des négociations. Rien de tout
cela n’a évolué ce qui explique le scepticisme actuel de la classe politique
israélienne devant la reprise du processus de paix. En vingt ans, les
implantations se sont développées, la surface disponible pour un éventuel État palestinien
ne représente plus que 40% de la Cisjordanie. La droite nationale israélienne
s’est consolidée à la Knesset et elle s’oppose aux principes de deux États pour
deux peuples. C’est dire si les leçons de Kippour 1973 et Oslo 1993 ont peu été
assimilées.
Israel dispose de deux possibilités :
RépondreSupprimer-Signer des accords
-Ne pas en signer
Dans les deux cas il existe un risque énorme de se retrouver dans un piège à plus ou moins longue échéance vu l'environnement et l'état d'esprit du "partenaire" signataire.
Impossible d'aller vers cet "Orient compliqué avec des idées simples" lorsque les arrière-pensées et le non dit-pourtant exprimés pour qui veut l'entendre derriere la propagande!- prévalent.
Qu'aurait fait Israel en cas de remise du Golan et de l'abandon de territoires au profit de palestiniens (dont le Hamas que l'on oublie trop facilement)pour en faire un etat partiel dont on sait pertinnement qu'ils ne veulent pas?
Si vous disposez d'une reponse securitaire simple, je suis preneur.
"Ce traumatisme a été cependant un élément central dans la décision de Yitzhak Rabin de parvenir à un arrangement avec les Palestiniens dans les accords de Camp David de 1979."
RépondreSupprimerJ'ai l'habitude de suivre vos articles et suis étonné par cette erreur sur le chef de gouvernement. Les accords de Camp David ont été signés par Menahem Begin.
Sadate avait fait l'analyse que de nombreux Israéliens avaient faites : le gouvernement travailliste de l'époque était enfermé dans ces certitudes (y compris à propos de la guerre de Kippour) et seul un changement de majorité serait capable d'entendre ses appels. Quand Begin est arrivé au pouvoir, Sadate a su saisir l'opportunité qui se présentait à lui et a fait des propositions que Begin a eu l'intelligence d'entendre.
Begin était aussi un vrai chef d'Etat avec une vision pour son pays. Existe-t-il dans la classe politique israélienne actuelle une personne qui pourrait avoir ces qualités ? Et existe-t-il du côté des Arabes palestiniens un leader qui souhaite autant que Sadate arriver à un accord de paix ?
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