EN ÉGYPTE L’ARMÉE REVIENT
Par
Gérard AKOUN
Judaïques FM
Général Al-Sissi |
Personne
ne sait ce qui peut se produire dans les prochains jours en Égypte. Mais on
peut déjà tirer un certain nombre de leçons des événements qui se sont déroulés dans ce
pays depuis le renversement de Moubarak. L’euphorie révolutionnaire passée,
deux forces s’étaient retrouvées en
présence quand il a fallu gouverner le pays.
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L’une, celle des Frères musulmans mieux organisés, mieux encadrés et disposant d’une capacité
importante de mobilisation à travers le réseau des mosquées, l’autre celle d’Égyptiens, jeunes et moins jeunes,
urbanisés, épris de liberté, de démocratie et de modernité. Ces derniers
avaient été les artisans de la révolution mais inorganisés, éparpillés dans de multiples
partis, ils ont été incapables de remporter les élections qui ont suivi. Il faut
ajouter que les Frères musulmans étaient considérés comme les principales
victimes de la dictature dont ils avaient été les opposants irréductibles et qu’ils étaient bien
implantés dans les campagnes.
Fin
du printemps arabe
La victoire électorale des islamistes va
sonner le glas de ce que l’on a appelé le printemps arabe qui devint
pour ceux qui avaient, naïvement, espéré des changements importants et rapides,
l’hiver islamique. Elle va conforter l’opinion de ceux qui portaient un regard sceptique sur
ces mouvements, qui considéraient qu’un pays comme l’Égypte n’était pas mûr
pour la démocratie ou que l’islam est incompatible avec la démocratie. Ils
oubliaient que la démocratie a mis des siècles
pour s’installer durablement en Europe.
Mais on constate, à la lumière des
événements qui se développent actuellement, que l’Égypte a changé, que le peuple
a pris conscience de sa force. Il avait porté au pouvoir, démocratiquement, les
islamistes mais ceux là ont échoué à gouverner, à garantir la sécurité, à faire
les réformes nécessaires pour améliorer la situation économique. Les Égyptiens
ont pris conscience de l’impéritie des Frères
musulmans. C’est une chose de faire, localement, du social auprès de
populations déshéritées, c’en est une autre de gouverner un pays de plus de 80
millions d’habitants. Et ce n’est pas l’application de la charia qui va les
nourrir.
Douze,
quinze millions d’Égyptiens sont
descendus dans les rues pour réclamer son départ, mais le président Morsi est
autiste ; il s’est accroché à sa légitimité, qu’il tient, à juste titre, de son élection, mais il n’a pas compris qu’être
majoritaire n’autorise pas à gouverner contre la minorité, n’autorise pas à
accaparer tous les pouvoirs. C’est une ironie de l’histoire d’entendre un
ennemi de la démocratie, comme tout bon Frère musulman, se réclamer de la
démocratie pour se maintenir au pouvoir, alors que les défenseurs des libertés
sont prêts à accepter le retour de l’armée dans la gestion directe ou indirecte
du pays à la suite d’un coup d’État.
Échec
de la Confrérie
Cet échec des Frères musulmans en Égypte,
est un coup dur porté à la confrérie qui rêve toujours d’instituer le Califat.
Ce ne sera pas sans conséquence dans les pays où les islamistes sont au pouvoir
ou espèrent-y accéder. En Tunisie où la situation est comparable à celle de l’Égypte, beaucoup
moins peuplée mais aussi pauvre avec peu de matières premières, pas de pétrole
ou très peu, sa seule richesse : le tourisme qui ne rime pas avec
islamisme.
Besir Atalay |
En Turquie, bien plus développée, Erdogan a tissé lentement sa toile, mais il
s’est heurté il y a quelques semaines à d’importants mouvements de
protestation, dans toutes les villes, contre une islamisation rampante de la
société. Il en a rendu responsable le
lobby des finances, entendez juifs,
son vice-premier ministre Besir Atalay a accusé nommément la diaspora juive et
d’autres agents de l’étranger en déclarant «les
incidents du parc Gezi ont été orchestrés par la diaspora juive qui a été
active dans cet évènement». Les islamistes modérés ne sont pas moins
antisémites que les extrémistes. Ces déclarations sont scandaleuses, mais la
désignation d’un bouc émissaire pour
pallier ses propres carences est
toujours une preuve de faiblesse.
Adly Mansour, président cour constitutionnelle |
Le président
Morsi a été destitué par l’armée et remplacé par le président de la Cour
constitutionnelle jusqu’à la tenue d’une élection présidentielle anticipée. La
constitution est suspendue : «Un gouvernement regroupant toutes les forces nationales
et doté des pleins pouvoirs sera chargé de gérer la période actuelle» a indiqué le général Al Sissi.
Le représentant de l'opposition,
Mohammed El-Baradei, qui s'est exprimé après
le général Al Sissi avec qui il a mené des tractations durant la journée, a
estimé que ces mesures «répondent aux
aspirations du peuple». C’est le deuxième acte de la révolution égyptienne. Ce soir, la place Tahrir exulte.
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