À GAZA LA GUERRE MECHAAL – AL ZAHAR EST DÉCLARÉE
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Mechaal et Haniyeh à Gaza |
Le 9 juillet 2013 [1] nous nous posions la question de savoir quelle serait la nouvelle stratégie du Hamas après la chute du président égyptien Mohamed Morsi. Les liens entre le Hamas et les Frères musulmans étaient trop imbriqués pour que les conséquences ne soient pas sensibles. Mais il n’a pas fallu attendre longtemps pour que la rivalité s’installe au grand jour entre les deux chefs du Hamas, celui de l’intérieur et celui de l’extérieur.
Pas de budget pour les salaires
Le nouveau
régime égyptien avait immédiatement pris des mesures sécuritaires qui ont plongé
l’économie de Gaza dans la débâcle. Pour empêcher que des militants du Djihad
islamique ne traversent la bande de Gaza
pour consolider l’implantation de terroristes au Sinaï, l’armée égyptienne avait
limité le passage par le terminal de Rafah aux seuls «civils» et ont verrouillé tous les tunnels de contrebande, réduisant ainsi les «droits
de douane» que le gouvernement d’Ismaël Haniyeh percevait.
Le Hamas se
trouve donc en grave crise financière puisqu’il ne peut plus assurer les
salaires des fonctionnaires. Il n’a recours qu’aux taxes perçues aux points de
passage avec Israël alors que des centaines de camions de marchandises passent tous
les jours. Gaza ne peut même pas bénéficier des taxes portuaires d’Ashdod pour
les marchandises importées car, selon les accords, leur montant est intégralement
versé à l’Autorité palestinienne. La
situation a surtout empiré avec l’arrêt du financement en provenance d’Iran à
la suite du changement d’alliance imposé par Mohamed Morsi au Hamas.
Tunnel de Gaza |
Pour financer la bande de Gaza, les autorités ont permis que la
majorité des marchandises soit acheminée par les tunnels de contrebande qui
fournissent 40% des recettes générales du gouvernement de Gaza. Selon les
statistiques palestiniennes du premier trimestre 2013, les tunnels ont favorisé
l’importation de 65% des besoins en farine, 98% en sucre, 52% en riz, 100% en
poisson frais et 100% en acier et ciment. En revanche le point de passage
israélien est réservé à l’importation de 76% du blé, 88% de l’alimentation des
bovins et 65% des boissons gazeuses. La fermeture des tunnels entraine donc un
manque à gagner de plusieurs millions de shekels. Selon le ministre de l’économie du Hamas,
Alaa Al-Rafati, Gaza perd 225 millions par mois de revenus, entrainant le
licenciement de 20.000 travailleurs dans le secteur de la construction.
Les
responsables du Hamas refusent de se faire étrangler par les égyptiens et ils menacent
de démolir le mur entre Gaza et l’Égypte, comme ils l’ont déjà fait dans le
passé, pour laisser les résidents traverser
en masse. Ils n’ignorent pas que cette mesure radicale aurait de profondes conséquences
mais ils n’auront pas le choix s’ils étaient acculés au désespoir. Ils
fustigent la nouvelle direction du Hamas, élue en avril 2013, qui a été peu
prévoyante, sinon inconsciente, en mettant tous ses œufs dans le même panier
égyptien.
Les critiques
les plus virulentes viennent de Mahmoud Al-Zahar, ancien ministre des affaires
étrangères en 2007, qui a été débarqué par Khaled Mechaal du Conseil de la
Choura du Hamas. Il conteste cette éviction et il envisage tous les moyens pour
réintégrer la direction islamique. Il compte sur la pression de l’Iran et
surtout de la banche armée des brigades
Azzedine Al-Qassam pour imposer à nouveau sa place au sommet du Hamas, aux
côtés de Khaled Mechaal ou sans sa présence.
Al-Zahar brûlant un drapeau israélien à Gaza |
Mahmoud Al-Zahar est un dur qui refuse toute politique de
conciliation, qui rejette le dialogue avec Israël et l’Autorité palestinienne,
qui refuse de reconnaitre l’État d’Israël et qui a choisi le combat par les
armes. Il avait rejeté le cessez-le-feu qui cantonnait les milices armées à abandonner
la lutte armée. Il avait refusé d’être présent lors de la visite à Gaza de
l’émir du Qatar parce qu’il ne supportait pas la pression qui lui était imposée
pour réaliser l’union de tout le peuple palestinien. Pour lui, la
réconciliation avec le Fatah n’était ni dans ses intentions
et ni dans son programme.
La question
ouverte reste la position qu’adoptera Khaled Mechaal. Si la lassitude l’envahit
dans sa quête de leadership auprès des militants de Gaza, il pourrait choisir
de démissionner de ses fonctions pour réintégrer son exil doré à Doha. Il peut
aussi décider de combattre ses adversaires et s’ouvrirait alors une période
instable qui pourrait conduire à une guerre civile intestine, avec le risque de
ne pas sortir vainqueur.
Mahmoud Al-Zahar a l’avantage d’être un militant du cru, qui n’a jamais quitté Gaza et ni ses hommes, qui côtoie en permanence les unités combattantes. Il a toujours bénéficié de l’aura du militant qui a payé un lourd tribut à la cause palestinienne puisque deux de ses fils sont tombés au combat contre Israël. Il estime qu’un droit lui est dû et qu’il ne s’agit pas d’abus. Son fils ainé Khaled a été tué par erreur dans sa maison en 2003 par un missile qui le visait personnellement. Son deuxième fils Hussam est mort le 15 janvier 2008 les armes à la main dans un combat contre Tsahal.
Mahmoud Zahar |
Mahmoud Al-Zahar a l’avantage d’être un militant du cru, qui n’a jamais quitté Gaza et ni ses hommes, qui côtoie en permanence les unités combattantes. Il a toujours bénéficié de l’aura du militant qui a payé un lourd tribut à la cause palestinienne puisque deux de ses fils sont tombés au combat contre Israël. Il estime qu’un droit lui est dû et qu’il ne s’agit pas d’abus. Son fils ainé Khaled a été tué par erreur dans sa maison en 2003 par un missile qui le visait personnellement. Son deuxième fils Hussam est mort le 15 janvier 2008 les armes à la main dans un combat contre Tsahal.
Al-Zahar en tenue militaire |
Al-Zahar estime
que l’alignement sur l’Égypte a été une erreur et que l’Histoire lui a donné
raison. Le Hamas a perdu ses alliés naturels, à savoir l’Iran, le Hezbollah et
la Syrie tandis que l’alliance avec le Qatar est, selon lui, une
aberration puisque ce pays entretient
des relations étroites avec Israël et avec les États-Unis. Al-Zahar veut donc
tenter sa chance pour retrouver le pouvoir en surfant sur les problèmes
économiques de Gaza. Il n’a jamais rompu avec Téhéran et il sait qu’il est le
seul à pouvoir obtenir des fonds de son ancien allié. Malgré les restrictions dont
il est l’objet, il compte renouveler sa tentative pour rejoindre Téhéran.
Brigades Al-Kassam |
Le nerf de la
guerre étant l’argent, il veut avec
l’aide de l’Iran amasser un trésor de guerre qui lui permettra à la fois de
lever une armée de partisans et surtout
de constituer une opposition armée à Khaled Mechaal. Il a déjà approché Marwan Issa, le chef des
bridages Al-Qassam qui cherche à en découdre avec Israël. Ses troupes, des
guerriers, supportent mal l’inactivité alors que leurs concurrents du Djihad
islamique sont bien équipés et qu’ils agissent à leur guise. Son soutien lui
est acquis car Marwan Issa sait que la
reprise des relations avec l’Iran lui permettra d’avoir de l’armement moderne dont la
source s’est tarie depuis l’avènement de Morsi au pouvoir. Alors Al-Zahar compte
sur la force pour évincer Khaled Mechaal afin de s’installer au sommet par une
révolution de palais, avec l’aide active de la branche armée du Hamas.
Mais le
gouvernement de Gaza a anticipé son projet en lui interdisant en juin 2013 tout
voyage à l’étranger après l’avoir bloqué à la frontière de Rafah alors qu’il voulait
se rendre, avec une délégation de 22 membres du Hamas, au Liban et en Iran via
l’Égypte. Il a prétexté que son voyage
en Iran avait pour but de féliciter le nouveau président élu, Hasan Rohani.
Brigades
Azzedine Al-Qasam
La rivalité
entre les deux leaders au sommet n’a jamais cessé car il était reproché à
Khaled Mechaal d’avoir basculé dans le
camp sunnite et de se retrouver dans le même camp que les États-Unis. La
question syrienne a divisé les dirigeants. L’aile militaire du Hamas inféodée à
Al-Zahar, les Brigades Azzedine Al Qassam relèvent que les pays arabes «modérés»
ont peu fait pour aider la cause palestinienne, alors que le Hezbollah aidé par
l’Iran a de tout temps été un allié important, non seulement en résistant à
Israël, mais aussi en formant les combattants du Hamas et en faisant entrer des
armes dans Gaza depuis l’Iran via le
Soudan.
Al-Zahar a
tranché en faveur de la poursuite de l’alliance avec le Hezbollah libanais et
l’Iran, comme la seule voie pour le combat contre Israël, avec la force des
armes. Il se plaint que l’argent arabe n’ait
rien fait pour faire avancer la cause palestinienne. Selon les sources citées
par al-Quds al-arabi, la direction des brigades al-Qassam a exprimé dans une
lettre adressée au bureau politique du mouvement, son «attachement à
l’alliance avec le Hezbollah libanais» La lettre adressée à Khaled Mechaal sous l’instigation d’Al-Zahar
et aux autres membres du bureau politique du mouvement, souligne que «la
libération de la Palestine intervient par les armes, et non par l’argent».
Le conflit est donc ouvert entre Khaled Mechaal et Mahmoud Al-Zahar.
Mais Marwan Issa, qui a été chargé des contacts avec l’Iran, arbitrera le débat
qui risque de finir dans le sang des armes.
Remarquable analyse, mais je ne crois pas à une guerre civile à Gaza.
RépondreSupprimerToutefois en ces temps incertains, tout est possible...