L’IDENTITÉ TUNISIENNE N’EST PLUS QU'ISLAMISTE
Tunisie 3/3
Tunisie 3/3
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
Ben Ali et Bourguiba |
Voir la vidéo des salafistes dans les universités
Révolution
imprévisible
La révolution a été trop rapide pour être prévisible.
Elle n’a même pas été rêvée tant elle semblait inaccessible, mais elle parait
aujourd’hui orpheline. Les régimes de Habib Bourguiba et de Zine el-Abidine Ben
Ali ont éradiqué toute velléité d’initiative de la jeune génération pour
décourager les ambitions politiques. Même l’armée avait été volontairement
délaissée au profit des services de sécurité pour empêcher l’éventuelle
émergence d’un colonel séditieux.
Caïd Essebsi, ancien ministre de Bourguiba, rappelé aux affaires |
Il n’y a pas d’élite dans laquelle on pourrait puiser
les dirigeants de demain et la résignation, dont ils ont fait preuve au temps
des dictatures, a empêché qu’une tête charismatique dépasse de l’ensemble terne
d’organisations ou de partis. La révolution a dû rechercher dans les tiroirs de
l’histoire quelques septuagénaires, moins mouillés, en état de conduire les
affaires du pays car les jeunes n’ont pas été préparés à cet avenir.
Alors, les révolutionnaires ont été peu nombreux à prendre
des responsabilités dans le nouveau régime car ils n’ont pas d’arguments pour
un discours qui n’existe pas et qu’ils sont incapables de déclamer. L’espoir
diminue auprès de la population tunisienne qui reste dans l’attente de
directives et de propos d’espoir et qui est à présent convaincue que la révolution lui a été confisquée.
Entreprise de
destruction identitaire
Les dictatures qui ont sévi durant plusieurs décennies
ont été contraintes, pour se défendre et perdurer, d’étouffer l’identité du
peuple dans le but de mieux mater une population résignée. Elles ont favorisé
l’émergence d’un système élitiste, aux ordres du pouvoir, en empêchant
l’avènement de jeunes pousses capables de conduire les instances dirigeantes.
Université religieuse de la Zitouna |
Si la révolution a donné au peuple la conscience de sa
puissance, elle ne lui a pas rendu son identité perdue, étouffée par l’ancien
régime, et bradée pour l’empêcher d’exister. Le président Bourguiba avait fait de sa lutte
contre les autorités religieuses son cheval de bataille. Le rôle de la nouvelle
révolution a consisté en revanche à réveiller une identité islamique génératrice d'un consensus dans le pays. Mais elle n’a pas réussi à échapper aux griffes de l’intégrisme des factions antagonistes, les Frères musulmans, le
Djihad islamique et Al-Qaeda, qui ont chacune l’inconvénient d’être sous
l’influence d’un pays tiers.
Un pays précurseur
La Tunisie avait été le premier pays du monde arabe à détruire
son identité originelle islamique. Le président Bourguiba avait décidé d’éliminer
un pouvoir religieux omniprésent qui freinait sa puissance et sa marche vers le
modernisme occidental auquel il était attaché par conviction et par intérêt. Il
l’avait donc combattu de manière brutale, en brisant les tabous, non pas par
crainte de se voir supplanté politiquement, mais pour avoir les mains libres,
pour marginaliser l’identité musulmane. Il avait donné aux femmes leur liberté,
via le Code de statut personnel, et il avait pris le risque de déconseiller le
jeûne du ramadan aux travailleurs, de fustiger le port du voile, le «chefchari»
tunisien. Cette marche forcée vers l’Occident lui avait d’ailleurs valu les
foudres des autorités de l’université religieuse de la Zitouna qui ont fini par
se plier aux injonctions du «combattant suprême».
Le chefchari, voile blanc traditionnel en Tunisie |
Habib Bourguiba avait opté pour la destruction des
piliers de l’identité arabe en abolissant les tribunaux islamiques et en favorisant
l’apprentissage de la langue française, la langue coloniale. Il voulait que les
institutions de l’État rompent toute référence aux racines islamiques. Aidé des
caciques de son parti, il avait ainsi créé une élite politique, aux ordres, qui
n’a pas généré de relève. Les islamistes étaient traqués, combattus, exilés,
emprisonnés, tandis que toute référence à la religion était considérée comme un
acte de défiance à l’égard du régime. Ils avaient fini par quitter le pays pour
s’installer à Paris ou à Francfort d’où ils poursuivaient leur combat contre
Bourguiba. L’islam était devenu l'ennemi du peuple et tout Tunisien qui s’en référait
devenait suspect. Cela pourrait expliquer le paradoxe d’aujourd’hui qui pousse
les femmes, pourtant libérées, à vouloir marquer leur originalité en
s’affichant à nouveau avec le voile, moins par conviction que par provocation.
La menace islamiste
Mais la réactualisation de cette identité perdue a
facilité l’avènement au pouvoir des extrémistes. Alors les femmes tunisiennes,
qui étaient au premier rang des manifestants et qui ont lutté pour la chute du
régime, défendent aujourd’hui leur statut avec la même énergie qu’elles ont
combattu la dictature. Mais ce temps semble révolu car les pionnières ont été
débordées parce qu’elles étaient désarmées.
Les militants islamistes ont investi les lieux publics
et les hôpitaux pour les menacer si elles ne portaient pas le voile. La menace
étant claire, elles ont décidé de s’organiser pour prendre part aux nouvelles
réalités et aux élections car le fantasme de l’avènement d’une république
islamique n’est pas exagéré. Elles savent qu’elles ne sont pas à l’abri de
troubles à l’algérienne bien que l’armée soit trop faible et peu équipée pour
susciter un coup d’État militaire.
Manifestation de femmes en Tunisie |
La Tunisie, qui s’était définie à l’origine comme un État
évolué, moderne, émancipé et modéré, n’a plus le choix qu’entre le salafisme
des islamistes radicaux et l’islam des Frères musulmans idéologiquement proche
des Égyptiens. Des intégristes tunisiens revendiquent à présent ouvertement le
droit à un État islamique radical. Ils veulent parvenir à leurs fins en
instituant le désordre en Tunisie, en manifestant avec violence, en harcelant
les femmes au travail et en s’attaquant aux touristes symboles de la décadence
de l’Occident.
Ils feignent d’ignorer que l’économie du pays est totalement dépendante de l’apport des Occidentaux mais ils comptent les remplacer en s’appuyant sur leurs alliés intégristes étrangers. Interdits pendant le régime précédent, les hommes barbus envahissent à présent les rues et les femmes n’hésitent plus à se couvrir d’une tenue noire qui ne figurait pas dans la tradition de la culture tunisienne.
Salafistes tunisiens |
Ils feignent d’ignorer que l’économie du pays est totalement dépendante de l’apport des Occidentaux mais ils comptent les remplacer en s’appuyant sur leurs alliés intégristes étrangers. Interdits pendant le régime précédent, les hommes barbus envahissent à présent les rues et les femmes n’hésitent plus à se couvrir d’une tenue noire qui ne figurait pas dans la tradition de la culture tunisienne.
Salafistes actifs et agressifs
Les salafistes prêchent dans les universités
Les salafistes bravent la police en installant leur
tente de prédication, le 13 mai 2013 à l’intérieur de l’Institut Supérieur des Études
Technologiques de Sfax et le 14 mai à l’intérieur de celui de Sousse. Des prêcheurs
barbus de l’Ansar al-Sharia (partisans de la loi islamique) ont alors invité
les étudiants «à suivre le chemin de Dieu et de la rédemption», symbolisé
par le voile pour les femmes et les cinq prières journalières. Ce
groupement représente une
nouvelle phase du mouvement salafiste djihadiste et de ses objectifs
stratégiques et le visage du printemps post-arabe de l'islamisme militant.Des salafistes jihadistes ont assassiné un officier de police tunisien sur la base d'une fatwa (décret religieux) de leur imam, a révélé le 15 mai 2013 à la presse Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste Ennahda qui dirige le gouvernement.
Au temps de la troïka au pouvoir en Tunisie, et
notamment Ennahda, les dirigeants ont voulu institutionnaliser la protection ou
l'immunisation de la révolution par l’intermédiaire d’une loi. Le Conseil de la
Choura d’Ennahda a réitéré, le 13 mai 2013, son soutien aux «efforts de la
société civile et politique pour la défense des objectifs de la révolution et
appelle à accélérer l’adoption de la loi sur l’immunisation de la révolution».
L’opposition a considèré cette loi comme une loi qui menacait les droits de l'Homme : «Cette loi est de nature à diviser la société tunisienne. Elle accuse et condamne collectivement des personnes pour corruption, et les prive de leurs droits citoyens et politiques. Elle comporte une erreur monumentale, puisqu'on place les individus au-dessus des institutions».
L'ex-président Marzouki |
L’opposition a considèré cette loi comme une loi qui menacait les droits de l'Homme : «Cette loi est de nature à diviser la société tunisienne. Elle accuse et condamne collectivement des personnes pour corruption, et les prive de leurs droits citoyens et politiques. Elle comporte une erreur monumentale, puisqu'on place les individus au-dessus des institutions».
Mais les Tunisiens sont aujourd'hui tétanisés. La Tunisie laisse filtrer un profond pessimisme sur son avenir. Le danger rôde à la frontière sud avec des djihadistes en armes qui s'en prennent aux forces de l'ordre pour imposer leur Etat islamique. La gérontocratie au pouvoir n'ose plus rien rien. L'économie est effondrée mais la fierté demeure.
Voici un blog pour mieux comprendre l'islam:
RépondreSupprimerhttp://vers-le-firdaws.blogspot.com/
Bonne lecture. C'est simplifié pour les francophones.