GPA : LA QUESTION DES MÈRES PORTEUSES EN ISRAËL
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Contretemps
Le
débat actuel, axé uniquement sur les homosexuels, pollue le drame vécu par les couples
hétérosexuels stériles. Le problème des mères porteuses est un sujet qui
revient au débat tous les ans en France mais qui n’a pas trouvé, à ce jour, de solution
légale. La question a été remise au devant de l’actualité avec le débat sur «le
mariage pour tous» qui agite la classe politique et même les autorités
religieuses. Pour enlever la connotation
péjorative, on préfère parler aujourd’hui de gestation pour autrui (GPA) ou de procréation médicalement
assistée (PMA) dans le but de valoriser la générosité de l’acte. Les homosexuels ne sont pas seul concernés par cette pratique.
Dogme figé
L'Académie française
de médecine a voté contre cette pratique le 11 mars 2009 et maintient de ce
fait la loi de bioéthique actuelle qui interdit toute convention portant sur la
GPA et punit d'un an d'emprisonnement et de 15.000 € d'amende «le fait de s'entremettre entre une personne
ou un couple désireux d'accueillir un enfant et une femme acceptant de porter
en elle cet enfant en vue de le leur remettre». L’ancienne secrétaire
d'État chargée de la Famille, Nadine Morano, s’était pourtant déclarée «favorable à la légalisation de la gestation
pour autrui très encadrée, dans une démarche altruiste et non marchande».
D’ordinaire
les juifs orthodoxes, conservateurs et fidèles à leur dogme figé depuis
l’origine de leur religion, n’acceptent aucun amendement aux lois datant de l'époque de Moïse. Tout essai de moderniser des pratiques anachroniques est
assimilé pour eux à une déviation religieuse, sinon à une profanation de la loi
orale. Ils s’accrochent à leurs textes avec toute l’énergie de leurs
convictions. Pourtant, dans le domaine du GPA, ils font preuve étonnamment d’une
ouverture d’esprit exceptionnelle qui les rend modernes et éclairés là où les autres religions restent frileuses, sectaires, et d’une certaine manière anachroniques.
En
Israël les mères porteuses ont une existence légale, encadrée par la loi civile
et la loi religieuse, la Halakha. Le
judaïsme, tiraillé «entre le commandement
qui impose à l'homme de procréer et la règle selon laquelle la mère est celle
qui accouche» a définitivement
tranché en faveur du GPA avec une restriction cependant : le clonage
reproductif n’est autorisé que quand il peut aider à remédier à la stérilité
d’une personne. Les couples homosexuels sont ainsi éliminés de facto de cette
technique.
Exemple biblique
La loi civile a
été promulguée avec l’imprimatur du Rabbinat, nécessaire pour qualifier de juif le
nouveau-né, bien que la religion estime que le judaïsme ne se transmet que par
la mère. Le Tribunal Rabbinique, très attaché aux écritures, s’est tout
simplement appuyé sur les exemples puisés dans la Bible.
Sarah présente Agar à Abraham par Adriaen Van der Werff |
D’une
part, la femme d’Abraham, Saraï, qui ne lui avait pas donné d’enfant, avait une
servante égyptienne nommée Agar. Elle proposa à Abraham : «Vois, je te prie : Yahvé n’a pas
permis que j’enfante. Va donc vers ma servante. Peut-être obtiendrai-je par
elle des enfants.» Et Abraham écouta la voix de sa femme. (Genèse 16.1
& 16.2).
Par ailleurs Rachel,
voyant qu’elle-même ne donnait pas d’enfants à Jacob, devint jalouse de sa sœur
et elle lui dit : «Fais-moi avoir aussi des enfants, ou je meurs !». Il s’emporta en se défendant : «Est-ce que je tiens la
place de Dieu, qui t’a refusé la maternité ?» Elle
lui conseilla alors : «Voici ma servante Bilha. Va vers elle et qu’elle
enfante sur mes genoux : par elle j’aurai moi aussi des enfants !»
Jacob s’unit ainsi à sa servante Bilha qui enfanta à Jacob un fils.
(Genèse 30.1 à 30.5)
A
l’époque, il ne s’agissait pas de voter des lois mais de se fier tout simplement
au bons sens. Cette possibilité donnée
en Israël aux couples ayant des problèmes de conception a entrainé
l’installation de nombreux français venant chercher sur place la possibilité de
procréer avec l’aide d’un tiers. Mais la loi encadre précisément le GPA et ne
permet pas d’ouvrir la porte au «tourisme
procréatif».
Loi
cadre
Seuls
les couples disposant de la nationalité israélienne ont droit à bénéficier de
cette loi ce qui entraîne de facto une alyah (immigration) spécifique
de candidats au bonheur. Les règles sont strictes et leur application nécessite
un délai de plusieurs mois avant que l’opération ne puisse être effective.
Les
couples candidats doivent d’abord passer devant une commission médicale étatique
qui s’assure de la réalité de la stérilité et qui doit attester de
l’impossibilité de procréer naturellement. Une deuxième commission
psychologique doit garantir l’état d’esprit du couple stérile et celui de la
mère porteuse dont l’analyse médicale doit faire ressortir une santé
irréprochable pour garantir une naissance dans les meilleures conditions.
Afin d’éviter les dégâts collatéraux et les conflits avec un éventuel conjoint, la mère porteuse doit être officiellement divorcée, civilement et religieusement, ou veuve et doit avoir au moins un enfant. Elle doit être juive ce qui exclue de fait les femmes russes qui détiennent une carte d'identité israélienne mais qui ne sont pas reconnues juives par le Rabbinat.
Afin d’éviter les dégâts collatéraux et les conflits avec un éventuel conjoint, la mère porteuse doit être officiellement divorcée, civilement et religieusement, ou veuve et doit avoir au moins un enfant. Elle doit être juive ce qui exclue de fait les femmes russes qui détiennent une carte d'identité israélienne mais qui ne sont pas reconnues juives par le Rabbinat.
Lorsque
ces étapes ont été franchies, un contrat est établi devant les tribunaux
garantissant l’impossibilité pour la mère porteuse de se rétracter et sa
déchéance d’un quelconque droit sur le bébé qui naîtra. De même, la famille
commanditaire ne peut refuser la naissance pour «non conformité». Le sperme et les ovules sont impérativement en
provenance de l’un des parents commanditaires ce qui implique que le bébé
naîtra avec les gènes de l'un des vrais parents. La mère stérile suivra l’évolution de
la grossesse pendant les neufs mois de gestation pour s’imprégner au mieux de
sa future condition et, au moment de l’accouchement, elle recevra, la première,
le bébé sur son corps, dès son premier cri, de façon à ce que le premier
contact du nouveau-né avec la vie soit avec celle qui l’élèvera.
L’Etat
officialise la naissance par un acte officiel où la mère porteuse n’a
aucune existence légale et les nouveaux vrais parents seront reconnus par
toutes les instances administratives et religieuses du pays. L’ambassade de
France entérine donc légalement cette
naissance.
Contrepartie financière
Certes
le contrat mentionne une indemnité financière qui est une contrepartie évidente
de la GPA. La
solution est coûteuse et n’est réservée qu’à quelques couples privilégiés
puisque le montant global de l’opération
avoisine les 30.000 euros répartis entre les frais médicaux et la mère
porteuse. Cette somme est bloquée sous séquestre entre les mains d’un avocat
assermenté qui assure à la mère porteuse un revenu de 25.000 euros et au couple
stérile la garantie de bonne fin de l’opération. Il n’y a aucun doute que
l’argent, et uniquement l’argent, motive la mise à disposition d’un ventre de
pauvre puisque certaines trouvent là une source de revenus représentant trois à
quatre années de salaire. Cette opération peut être plusieurs fois renouvelée
sans limite.
Mais
pour une fois que l’argent peut être générateur de bonheur pour des couples
dont la continuité de la lignée était de facto interrompue, certains qualifient
de dure la réaction de la philosophe Sylviane Agacinski, épouse de Lionel Jospin,
qui estime «éprouver un certain dégoût à
devoir argumenter pour dire pourquoi il est indigne de demander à une femme de
mettre son ventre à la disposition d’autrui» et qui s’inquiète que «la gestation autorisée sera forcément rémunérée, faisant du ventre des
femmes un instrument de production et l'enfant lui-même une marchandise».
La
propension de certains philosophes à donner systématiquement leur avis comme
s’ils détenaient, seuls, les dogmes de la morale et la clef du savoir est jugée
indécente par les couples qui vivent un désespoir immense. Les banques, réputées pour être frileuses quand on les
sollicite, font dans ce seul cas preuve d’un peu d’humanité puisqu’elles acceptent
de financer à long terme ces opérations au nom de la solidarité nationale et du
bonheur du couple.
En Israël, la GPA est de plus en plus courante et elle ne provoque aucun problème moral ou psychologique.
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