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samedi 9 février 2013

L’ALIBI DE L’ANTISÉMITISME EN FRANCE



L’ALIBI DE L’ANTISÉMITISME EN FRANCE

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps    
Graffiti antisémite à Toulouse en 2009

Il est légitime de se demander quelles sont les officines qui s’agitent derrière certains intellectuels, non juifs à fortiori, qui agitent sans cesse le chiffon de l’antisémitisme en France. Leurs motivations ne sont pas claires sinon une volonté d’exacerber les tensions entre communautés juives et arabes dans le but, bien sûr, de cadrer avec les intérêts des organisations d’extrême-droite qui se nourrissent du terreau de la peur. 
On pourrait se demander de quoi se mêlent ceux qui prétendent conseiller aux juifs de «quitter l’Europe s’ils le peuvent car il est dangereux d'être juif en Europe. Il est encore plus dangereux d'être un juif qui soutient Israël.»



Solution finale

Les juifs ont un État et des dirigeants plus qualifiés, que certains universitaires en mal de notoriété, pour juger de la condition réelle des juifs dans le monde. Vider l’Europe de ses juifs serait une solution de lâcheté car la désertion face à «l’ennemi» n’est pas glorieuse, à moins qu’il ne s’agisse d’une épuration ethnique, volontaire et déguisée. Se débarrasser des juifs s’assimilerait alors à une sorte de «solution finale»  moderne sans effusion de sang. Les partis d’extrême-droite auront alors la voie libre  pour gangréner le pays sans les empêcheurs juifs de tourner en rond.
Se fonder sur l’affaire Merah et la tuerie de Toulouse pour affirmer que la France est un pays antisémite qu'il faut fuir est une vue étroite de l’esprit. Les antisémites ont toujours existé mais jamais avec la caution du gouvernement français, sauf durant la période noire de la collaboration qui suscite encore une certaine nostalgie chez certains adeptes d’un «Judenrein».
Israël n’a pas besoin de défenseurs suspects d’ailleurs de rouler pour des antisémites. La commission de l’immigration et de l’intégration de la Knesset a déjà discuté de l’antisémitisme en France. Certains avaient vu la main subliminale de l’Agence juive dans cette volonté de la Knesset de se saisir d’un problème purement français. Mais Israël a compris depuis longtemps que l'alyah doit être murie et librement choisie si elle veut être un succès et ne pas conduire à des retours en masse par suite d’une mauvaise intégration.

Antisionisme

Alors on met en évidence un flou volontairement entretenu consistant à confondre l’antisémitisme d’État qui règne dans certains pays avec l’antisémitisme de certaines couches de la population française. Il ne fait aucun doute que la France n’est pas antisémite et qu’elle agit de manière active pour contrecarrer les menées subversives de ceux qui veulent mêler le conflit israélo-arabe à la politique intérieure française. Elle ne réussit pas forcément, pas du tout pour les prêcheurs de mauvais augure, mais l’intention est louable. Que ce soit du temps de Nicolas Sarkozy ou de François Hollande, les gouvernements ont combattu la dérive d’une classe décriée de la population.
Selon les sondages, le nombre de personnes se déclarant en France de religion juive atteint à peine 0,7% de la population soit environ 400.000 citoyens. Sauf à utiliser les poncifs des antisémites qui croient à la puissance illimitée du monde juif, la réalité fait du monde juif un monde totalement intégré à la nation française. Toutes les études démontrent que les juifs français se répartissent naturellement sur l’ensemble de l’échiquier politique, de la droite à la gauche. C'est pourquoi l'antisémitisme n'a aucune explication tangible sauf à juger que les prises de position des juifs dépendent souvent de l’attitude des politiques français vis-à-vis d’Israël. Forcer donc les juifs français à quitter leur pays est une inanité. Ceux qui l’ont fait, l’ont fait librement par sionisme et par conviction.  
La référence purement juive dans le débat français avait disparu mais elle est réapparue avec la répétition d’actes antisémites qui ont entrainé un sentiment d’insécurité auprès de la communauté juive. L’ambassadeur de France en Israël, Christophe Bigot, «ne voit aucun lien entre Israël et l’antisémitisme» tandis que les actes antisémites restent élevés, selon lui, parce que «l’antisémitisme est une pathologie» et qu’il n’y a pas de remède efficace pour l’instant.
Amalgame
Caricature du dessinateur Pessin de Slate
Un amalgame, volontairement entretenu,  est exploité au gré des intérêts pour qualifier la France de pays antisémite. L'islamisme est la forme moderne de l'antisémitisme mais il ne doit pas cacher l'autre forme insidieuse et historique. Beaucoup d’antisémites ont émergé avec le réveil de l’islamisme en France. Le grand-rabbin Gilles Berhneim avait mis le doigt sur «la volonté politique d'arrêter les hors-la-loi et de les livrer à la justice. Tout le reste n'est que littérature et théâtre». À droite comme à gauche, personne n’a minimisé le problème mais aucun politique n'a, à ce jour, trouvé l'angle d'attaque pour l'éradiquer. Le problème n'est pas national mais mondial. Pour autant, la résignation n’est pas un sentiment courageux.
 Les actes antisémites ont déclenché un communautarisme souvent brandi comme une menace de radicalisation. L’antisémitisme affiché est aujourd'hui islamiste tandis que l’autre antisémitisme est occulté parce que, plus sournois, il permet à l’extrême-droite d’en abuser. Le Front National et ses sbires camouflés en donneurs de leçon ont d’ailleurs exploité la situation en modérant leur sentiment à l’égard de la communauté juive, jusqu’en Israël, au point de voir plusieurs de ses membres voter pour Marine Le Pen. Elle avait réussi à faire croire qu’elle était la seule à prôner l’éradication du risque intégriste.
Mais l’ambiguïté s’est imposée puisque la fille de son père s’est adressée aux juifs, d’ordinaire voués aux gémonies par les groupuscules, à l'idéologie douteuse, fédérés au sein du F.N. Cependant elle n’a pu effacer totalement le fantasme antisémite qui attribue à la minorité juive l’illusion d’une puissance occulte. Elle a exacerbé les tensions et exploité les dérives islamiques des «printemps arabes» pour accroitre l’incertitude et les craintes de la minorité juive qui a accepté de s’offrir à l’extrême-droite, même en Israël. Alors elle préfère voir les juifs quitter l’Europe pour laisser place libre aux aryens.
L’extrême-droite est ses chevaliers servants, adeptes de la plume, exploitent toujours le même fonds de commerce : le racisme, la xénophobie, la préférence nationale. L’antisémitisme se pare d’antisionisme quand il ne veut pas choquer mais ce sont deux concepts distincts. En effet l’antisionisme, issu des milieux islamistes ou gauchistes, veut la destruction de l’État d’Israël et nie la qualité de peuple à la nation juive. Mais si les organisations juives ne souffraient pas d’un manque de crédibilité et de représentativité, alors aucun chantre étranger de la défense d’Israël n’aurait pu se produire sur les tréteaux, face à quelques juifs francophones béats d’admiration. D’ailleurs la Knesset, en décidant de se saisir du problème de l’antisémitisme français, dans le cadre certes d’une ingérence abusive, ne fait que confirmer la nécessité de pallier la faiblesse des institutions juives en France.  Mais ce n’est pas pour autant que nous devons recevoir des leçons de quelconques gourous.   





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