LES ÉLECTIONS ISRAÉLIENNES
4/ LES RELATIONS AVEC LES ÉTATS-UNIS
Par Jacques BENILLOUCHE
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Durant la précédente mandature, les relations entre Israël et les
États-Unis ont été exécrables. Le courant n’est jamais passé entre Barack Obama
et Benjamin Netanyahou. Ils n’ont pu cacher leurs profondes divergences sur
l’Iran. En dépit des signes d'apaisement, Washington et Jérusalem restent
profondément divisés sur la façon de faire face à la menace nucléaire
iranienne. Le nouveau gouvernement israélien, qui sortira de ces élections, aura
pour tâche majeur de rétablir les liens amicaux indispensables à la sécurité
d’Israël, en intégrant dans la réflexion le fait que le président américain
n’est plus lié par une stratégie de
réélection.
Méfiance mutuelle
Le président
américain avait rencontré solennellement le premier ministre israélien dans le
Bureau ovale de la Maison Blanche, le 5 mars 2012 à Washington. Les deux
dirigeants ont confronté directement leurs points de vue sur le programme
d'armement nucléaire iranien et la façon d'y mettre un terme. Mais ce n'est un
secret pour personne; les relations entre eux sont à la limite de la rupture
car la méfiance règne et le soupçon est permanent des deux côtés. Barack Obama
craint de se faire piéger par Netanyahou qui l'entraînerait dans une guerre
qu'il ne veut pas. Quant à Netanyahou, il ne fait pas confiance à Obama parce
qu’il considère que la sécurité d'Israël ne peut pas reposer sur la parole
d'une administration jugée faible et pusillanime qui a déjà lâché quelques-uns
de ses alliés au Proche-Orient, dont Moubarak.
On se rappelle
qu’à une réunion à Paris, alors que le micro était ouvert, Nicolas Sarkozy
avait avoué qu’il «ne pouvait pas supporter Netanyahou» ce à quoi, Obama
lui avait répondu: «C'est un menteur. Vous en avez marre avec lui, mais je
dois lui faire face, même plus souvent que vous.» Ces propos résument l’état
d’esprit qui règne. De part et d'autre, on
convient toutefois que les enjeux dépassent les personnes et qu’il faut
surmonter les divergences pour parvenir à un consensus sur la façon de faire
face à la capacité nucléaire de l’Iran.
Avant le
sommet, Barack Obama avait fait un premier pas pour combler le fossé qui sépare
les deux dirigeants et donner des gages. Dans une interview au magazine The
Atlantic, il est allé plus loin qu’il ne l'avait jamais fait jusqu’alors,
menaçant l’Iran d’une frappe s’il n'y a pas d’autres moyens pour l'empêcher de
se doter d'armes nucléaires : «Je pense que le gouvernement israélien
reconnaît que, en tant que président des États-Unis, je ne bluffe pas. Mais je
pense que l'Iran et Israël reconnaissent que lorsque les États-Unis affirment
qu'il est inacceptable pour l'Iran d'avoir une arme nucléaire, ils entendent ce
que nous disons.»
Seule la question iranienne a été à l’ordre du jour. Les deux
dirigeants ont d'ailleurs préféré ne pas aborder l’autre sujet sensible de divergence qui les
avait amenés à un point de rupture: le processus de paix israélo-palestinien. S'ils ont
échangé quelques mots devant les journalistes, avant de se réunir dans le Bureau
ovale, un signe ne trompe cependant pas, ils ont décidé de ne pas étaler leurs
divergences, face à l’opinion, en n’organisant pas de conférence de presse
commune après leur entretien. Aaron David Miller, ancien conseiller sur le
Moyen-Orient des secrétaires d’État républicain et démocrate, avait bien résumé
les objectifs de Netanyahou et Obama: «Bibi voudrait obtenir le feu vert
d'Obama pour frapper les sites nucléaires de l'Iran s'il le juge nécessaire et
il ne l’obtiendra pas. Et Obama veut un feu rouge, c'est-à-dire l'engagement de
Netanyahou à donner plus de temps aux sanctions, et il ne sera pas sûr aussi de
l'obtenir.»
Le destin d'Israël
Barack Obama
n’avait d'ailleurs pas esquivé les difficultés: «Une chose que j'ai trouvée dans
le travail avec le premier ministre Netanyahou, c'est que nous pouvons être
très francs, l’un vis-à-vis de l’autre. Quand nous avons des différences, elles
sont d'ordre tactiques et non stratégiques.» L’ancien ambassadeur israélien
aux États-Unis, Zalman Shoval, a expliqué
la position israélienne par des références bibliques: «Pour Obama, c'est un
moment incroyablement délicat, politiquement. Mais pour Netanyahou, il va
au-delà du politique car il est convaincu non seulement de la gravité de la
menace, mais aussi qu'il a dans ses mains le destin à la fois d'Israël et du
peuple juif.»
Netanyahou a
ainsi affirmé qu'Israël doit rester «maître de son destin et ne peut pas
vivre sous la menace d'un anéantissement». Si de son côté Barack Obama est
convaincu qu'un Iran nucléaire est «inacceptable»
pour les États-Unis, il a réaffirmé
qu’il préférait une solution diplomatique. Il a exhorté Benjamin Netanyahou à
donner du temps aux sanctions diplomatiques et économiques avant de recourir à
une action militaire. Il a d’ailleurs cherché à rassurer l’AIPAC, le très puissant lobby pro-israélien, en précisant qu’il
maintenait ouverte l’option militaire. «Mais par souci de la sécurité
d'Israël, de la sécurité de l'Amérique et de la paix et la sécurité du monde,
l'heure n'est pas aux fanfaronnades», a expliqué le président des États-Unis.
La réunion dans le bureau ovale aura duré deux heures dans une
atmosphère lourde avec la seule présence des conseillers à la défense, l’américain
Tom Donilon et l’israélien Yaakov Amidror. Elle était à la fois «sympa,
simple, et grave» selon un fonctionnaire de la Maison Blanche. Sans
surprise, les discussions n’ont pas permis de réduire des divergences
fondamentales, non sur le constat –le danger d'une République islamique d'Iran
disposant de l'arme atomique– mais sur la façon de juguler cette menace. Barack
Obama a fait valoir que les sanctions de l'Union européenne et la mise sous
liste noire de la banque centrale de l'Iran pourraient forcer Téhéran à
rejoindre la table de négociation. «Nous pensons qu'il y a encore une
fenêtre qui permet de trouver une solution diplomatique à cette question»,
a déclaré le président.
La reine Esther
La secrétaire
d’État Hillary Clinton, le secrétaire à la Défense Léon Panetta, le chef d’État-major
américain Dempsey Martin et l’ambassadeur israélien Dan Shapiro se sont joints
à la réunion pour le déjeuner. Clin d’œil historique, Netanyahou a offert au
président américain, la Méguila d’Esther. La légende, qui fait partie de la
tradition juive et est lue lors de la fête de Pourim, relate l’histoire du perse
Aman qui voulait anéantir le peuple juif et de la courageuse Esther, femme
d'origine juive du roi Assuérus, qui l'a empêché.
Le premier ministre israélien a remercié Barack Obama pour avoir
affirmé, dans son discours du 4 mars, que «quand il s'agit de sa sécurité,
Israël a le droit, le droit souverain de prendre ses propres décisions».Lors de la réunion à la Maison Blanche, le premier ministre israélien a tenu à
préciser qu’Israël n’avait pris aucune décision d’attaquer l’Iran mais que les
deux pays avaient décidé de coordonner leurs actions.
Dans un point
de presse face aux journalistes israéliens, Netanyahou a ajouté: «Nous avons
réussi à persuader la communauté internationale qu'il s'agit d'une menace
réelle pour le monde entier. Les positions que j'ai présentées sur la question
iranienne ont été acceptées avec compréhension à la Maison Blanche. C’est ce
qu’Obama m'a dit au cours de la réunion
à huis clos et non pas face aux caméras.» Ceci dit, Benjamin Netanyahou était
rentré en Israël avec une seule certitude. Il devra prendre, seul, la décision
sans doute la plus lourde de sa vie d'homme d'État.
Consensus entre candidats
Un certain
consensus vis-à-vis des États-Unis existe entre les différents candidats mais ils divergent sur la
méthodologie. Tous les partis, de droite et de gauche, du Shass à Meretz avaient
félicité Obama pour sa réélection.
La plus
acharnée à rétablir un climat de confiance reste Tsipi Livni qui avait fait
quelques confidences après son voyage à Washington : «Je rentre des États-Unis
avec l’impression que si Barack Obama est réélu en novembre, il frappera les
installations nucléaires de l’Iran, car il n’aura plus rien à perdre, ce sera
son deuxième et dernier mandat». Elle avait eu de nombreux entretiens aux
États-Unis, et elle a avoué revenir en Israël avec cette «impression
paradoxale» que Barack Obama avait tendu la main aux dirigeants iraniens,
en vain, au début de son premier mandat.
La travailliste
Shelly Yachimovich avait annoncé : «Nous prévoyons de continuer l’alliance
spéciale entre les États-Unis et Israël». Elle avait envoyé une lettre à
Obama pour affirmer que sa victoire reflète les réalisations de son premier
mandat : «J'ai une grande reconnaissance pour votre travail vers un
changement dans la société américaine tendant à promouvoir les valeurs qui font
partie de mon idéologie, l'égalité, une économie équitable et la responsabilité
du gouvernement à ses citoyens. Nous attendons d'Israël qu’elle poursuive la
relation spéciale entre Israël et l'Amérique, une véritable alliance et
d'amitié».
Le parti
orthodoxe Shass, par la voix du ministre du logement Ariel Attias, avait
félicité le président américain Barack Obama pour sa victoire : «Votre
élection axée sur la politique économique au profit des citoyens américains
nous apprend que les classes faibles exigent que le leadership ne les abandonne
pas.»
Mofaz en réunion avec Obama |
Shaoul Mofaz de
Kadima a déclaré que les défis auxquels sont confrontés Israël et l'Amérique
nécessitent la poursuite de la coopération. Il est convaincu qu’Obama et le
peuple américain continueront à soutenir Israël, en tant qu'amis et partenaires
partageant les mêmes valeurs et objectifs.
Yaïr Lapid de Yesh
Atid a félicité Obama pour sa victoire. Il lui demande au cours de son second
mandat de tenir sa promesse explicite d'empêcher l'Iran d'obtenir l'arme
nucléaire et d'agir immédiatement pour reprendre les négociations avec les palestiniens.
Il a par ailleurs appelé le premier ministre Netanyahou à prendre des mesures immédiates
pour corriger les mauvaises relations entre lui et l'administration Obama.
Sur
la droite, l'Union nationale a déclaré que la victoire d'Obama risque de stimuler la
gauche israélienne : «La prochaine élection israélienne sera de
construire une coalition nationale qui aidera Netanyahou à supporter les pressions
exercées sur lui».
Le parti Meretz enfin avait identifié son combat à celui de Barack Obama et avait appuyé à fond sa candidature en organisant plusieurs manifestations publiques en Israël. L'un de ses dirigeants Mossi Raz a expliqué :
«Le lien entre le Meretz et Obama est évident, en particulier dans leur
lutte pour les droits de l'homme, la justice sociale, les questions
environnementales et la paix au Moyen-Orient sur la base d’une solution à deux États.
Si Obama gagne là-bas, alors le camp démocratique progressiste peut gagner ici en Israël.»
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