LES ÉLECTIONS ISRAÉLIENNES
2/ PROGRAMMES ECONOMIQUES
Par Jacques BENILLOUCHE
Les divergences de la
coalition sortante sur le budget 2013 ont été à l’origine de la décision
d’anticiper les élections législatives. Les options économiques représentent en
effet un clivage sérieux entre les partis car l’idéologie n’est pas absente des
réflexions des candidats. Et pourtant le sujet est peu abordé, ou superficiellement, dans
les professions de foi des candidats qui annoncent timidement un embryon de programme
économique, à l’exception des travaillistes qui ont publié un programme précis.
Il est vrai que la situation économique générale du pays ne prête pas à inquiétude car le produit intérieur brut (PIB) israélien a augmenté de 3,3% en 2012. Cette performance pourrait faire pâlir d’envie les pays partenaires de l’OCDE qui affichent une croissance de 1,4% en moyenne. Le revenu annuel moyen israélien s’élève à 30.000 dollars (23.900 euros) pour une augmentation timide du niveau de vie de 1,5% par citoyen israélien. La richesse n’est pas mise en doute mais seule sa répartition fait débat.
Il est incontestable qu’Israël a aussi été touché
par la crise internationale puisque l’année 2012 est l’une des moins bonnes
depuis l’année 2000, sans pour autant être qualifiée de négative. Certes la
consommation des ménages et les exportations ont peu augmenté ainsi que les
investissements dans la construction mais Israël compte combler cet écart par
une augmentation du PIB de 3,8% en 2013 grâce aux premiers revenus de
l’exploitation gazière israélienne. La Banque centrale d'Israël vient
d’annoncer que les réserves de devises étrangères du pays s'élevaient à la fin
du mois de décembre 2012 à 75,866 milliards de dollars, soit une augmentation
de 194 millions de dollars par rapport à novembre 2012.
Le siège de la Banque centrale d'Israël à Jérusalem
Le projet économique des
principaux partis peut ainsi s’exposer en fonction des déclarations faites par
leurs principaux ténors.
Likoud-Israël
Beitenou
Le budget initial de
Benjamin Netanyahou, qui imposait une cure d’austérité, a provoqué l’éclatement
de la coalition et ces élections anticipées. Le premier ministre tenait en
effet à ramener le déficit budgétaire (dépenses de l’État supérieures aux
recettes) de 4% à 3%. Il faut s’attendre à peu de changement dans la politique
économique, déjà mise en œuvre depuis 2003 et fondée sur un libéralisme à base
d’économie de marché. Le secteur privé sera favorisé avec de nouvelles
privatisations. La réduction du déficit budgétaire passe par une baisse des
dépenses publiques et de la protection sociale accompagnée d’une baisse des
impôts ou du moins de la fiscalité directe au profit d’une hausse de la Tva. La
droite nationale ne permettra pas de toucher au budget de la défense ce qui
risque de limiter les budgets pour aider les populations défavorisées et neutraliser
les inégalités sociales.
Travaillistes
Le parti Avoda veut
appliquer un programme économique de tendance sociale-démocrate pour réduire
les inégalités au niveau de la moyenne de l’OCDE, pour restituer les services
de base, pour atteindre une croissance économique pour l’ensemble de la
population avec un renforcement de la classe moyenne. Ce projet implique une
politique d’imposition plus juste et mieux répartie.
En ce qui concerne les
services de base, l’assurance maladie sera à la portée de tous en imposant un
arrêt de la privatisation des services de santé. Le budget des établissements
scolaires sera augmenté pour permettre l’éducation gratuite à partir de deux
ans et un investissement dans les transports scolaires. Le congé maternité sera
allongé à 16 semaines tandis que les employés pauvres recevront un complément
de revenu.
Il n'y aura plus de temporaires dans la fonction publique (la très grande majorité dispose de la sécurité absolue de l'emploi). Le Smic sera augmenté à 55% du
salaire moyen. Le marché financier sera régulé : renforcement du contrôle
de l’État, limitation du salaire des dirigeants des sociétés publiques, interdiction de donner des
dividendes si la société ne fait pas de bénéfices, et lutte contre les monopoles.
Avoda veut enfin
favoriser la baisse du prix des logements et de l’alimentation. La construction de logements sur des terrains
publics à des prix abordables sera doublée d’un renforcement du plan
d’occupation des sols. La baisse du prix de l’alimentation sera consécutive à
une baisse de la tva et à un contrôle de l’État sur les prix des articles de
première nécessité.
Sur le plan industriel,
Avoda prévoit un investissement massif
dans l'enseignement professionnel et technologique, l’augmentation de l'aide à
la recherche et au développement, la création de neuf zones industrielles en
province et la création de milliers d'emploi avec encouragement à l'emploi des cadres en
province. Le gaz naturel servira d'abord à l'indépendance énergétique d'Israël
et ne sera pas exporté.
Pour financer ce projet,
Avoda prévoit : augmentation progressive de l'imposition des sociétés les
plus puissantes jusqu'à un taux de 30%, comme la moyenne de l'OCDE, impôt de
60% sur les bénéfices de l'exploitation des ressources de gaz et pétrole,
augmentation du dernier palier des impôts sur le revenu, augmentation des
impôts sur les revenus boursiers, impôt sur les héritages à partir de 15
millions de Shekels (3 millions d’euros).
Kadima
Kadima utilise le projet intitulé «Un nouvel ordre
social» qui reprend une grande partie du programme du parti travailliste. Il
s’agit d’accroitre la dépense publique et de réduire la TVA sur les produits de
base. La baisse du prix des logements sera consécutive à un «plan d’urgence
à long terme» basé sur l’augmentation
des terrains à construire. Kadima a chiffré le coût de son programme à 26
milliards de shekels (5,2 milliards d’euros) qui seront couverts par une
réduction du budget de la défense et par une augmentation du déficit
budgétaire. Kadima estime que la réactivation du processus de paix avec les
palestiniens sera bénéfique pour
l’économie du pays.
Hatnoua
Tsipi Livni, qui a créé le nouveau parti centriste
Hatnoua (mouvement), n’a pas publié son programme en détail mais l’arrivée de
Amir Peretz lui a donné l’idée d’un «dôme de fer politique et social»
par analogie avec la construction du dôme de fer qu’il a imposé aux militaires
et dont l’efficacité a été reconnue lors de la guerre avec Gaza. L’allusion au Dôme de fer résulte de la nécessité
pour elle d’un solide filet de sécurité sociale et d’un renforcement du rôle de
l’État dans une économie de marché. Hatnoua veut réduire «les dépenses publiques réalisées dans les
localités juives de la Cisjordanie».
La priorité économique consiste, selon elle, à faire
la paix avec les palestiniens : «A mes yeux, le plus important pour
l’économie et pour les disparités sociales, c’est un accord»,: Selon elle le
budget du pays est «mal dirigé», vers les implantations et les
ultra-orthodoxes : «On dépense de l’argent pour déplacer les gens d’une
colline à l’autre sur des lieux dont nous savons, malheureusement, et je
répète, malheureusement, qu’ils ne feront pas partie du futur État d’Israël».
La candidate centriste prône une approche médiane : protection des travailleurs
mais sans supervision gouvernementale rigide ; libre-concurrence mais
intervention étatique en cas de défection des marchés. Elle a ainsi cité les
cinq droits de base qui doivent être fournis selon l’idéologue et leader
révisionniste Zeev Jabotinsky : se nourrir, se loger, se vêtir, se soigner et
étudier. Ce à quoi elle a ajouté la sécurité. «Je ne crois pas au
capitalisme à la Netanyahou, sans aucune régulation gouvernementale, mais je
suis également opposée au socialisme à l’ancienne que promeut Shelly Yachimovich».
Yesh Atid
Yaïr Lapid veut être le défenseur des classes moyennes
grâce à une «nouvelle politique» dont il définit mal les contours.
Pour Lapid, la hausse des taxes
entrée en vigueur le 1er janvier illustre une absence de priorités du
gouvernement : «La classe moyenne est devenue la vache à lait du
premier ministre Benjamin Netanyahou». Et de critiquer la hausse des impôts
tandis que plusieurs budgets ne sont pas réévalués : salaires extravagants des
travailleurs portuaires d’Ashdod, subventions à la communauté religieuse et
mauvaise gestion du secteur public. Il veut limiter le nombre de ministères et
de fonctionnaires qui y travaillent «Comment osent-ils siéger avec 34
ministres et vice-ministres puis se tourner vers la classe moyenne en affirmant
qu’ils vont leur ponctionner 1.800 shekels supplémentaires ?».
Lapid estime
que les ministres sans portefeuille coûtent 60 millions de shekels (12 millions
d’euros) au contribuable, l’équivalent
de ce que sollicitent les parents d’autistes en aides sociales. Le système
politique, selon lui, est en partie à blâmer en citant l’exemple du parti Shass
qui accapare les fonds publics pour son propre électorat. Il veut s’attaquer à
la corruption publique et ne plus financer les dettes des sociétés privées. Yesh
Atid prône une politique libérale qui rejette «l’économie socialiste» ce
qui constitue un point d’achoppement pour une union avec les travaillistes. Il
veut limiter les impôts qui touchent la classe moyenne sinon il prédit pour
Israël un «scénario grec». Le
parti n’a toujours pas publié de programme économique précis et détaillé mais
il l’expose à l’occasion de conférences de presse.
Habayit Hayehudi
Le parti de Naftali Bennett parle d’économie en termes
généraux ce qui est paradoxal pour un ancien homme d’affaires attaché à la
rigueur des chiffres. Il prône une économie juive, qui se soucie des plus
faibles car l'État d'Israël a le devoir de soutenir ceux qui sont faibles tout
en encourageant ceux qui le peuvent à participer à la force de travail. La
mission la plus urgente doit être de baisser les prix, que ce soit dans les produits
de base que dans l'immobilier. Et pour cela, il va devoir se battre contre deux
géants qui tiennent le marché entre leurs mains : les monopoles et les gros
syndicats.
Une fois élu, sa première priorité serait de rendre
les logements plus accessibles car les prix de l’immobilier ont augmenté de 40
% durant le mandat du premier ministre Benyamin Netanyahu. «Tout est trop
cher, et Israël est carrément l’un des endroits du monde où la vie est la plus
dure en termes de prix. Je vois quasiment cela comme non-sioniste.»
Shass
Le parti des juifs séfarades orthodoxes se donne la
mission de défendre les plus défavorisés d'origine orientale tout en renforçant la tradition juive.
Peu prolixe sur les projets et sur les moyens mis en œuvre, il s’engage à
interdire les coupes budgétaires qui touchent la population pauvre. C’était la
position qu’il avait adoptée pour refuser de voter le budget 2013. Le parti est
toujours prêt à négocier sa participation à toute coalition qui maintiendrait
ou augmenterait les subventions à ses écoles talmudiques.
Meretz
Le parti d’extrême-gauche veut axer
sa politique sur la réactivation du processus de paix qui permettra, selon lui,
de réduire les coûts de la défense et de booster en conséquence la croissance économique et la justice
sociale. Très opposé aux religieux, il prône des économies budgétaires en
supprimant les subventions aux écoles talmudiques et en stoppant les
investissements dans les implantations de Cisjordanie pour rediriger les sommes
vers les plus démunis.
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