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dimanche 2 décembre 2012

PALESTINE : ALEA JACTA EST


 
PALESTINE : ALEA JACTA EST
 
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright© Temps et Contretemps


Le sort en est jeté. L’entité palestinienne est devenue, le 29 novembre 2012, un «État observateur non membre» aux Nations Unis, à l’issue d’un vote à l’Assemblée générale, malgré l’opposition des États-Unis et d’Israël. Le vote de cette résolution a été acquis à une majorité confortable mais pas écrasante de 138 voix pour, 9 contre et 41 abstentions.

Les palestiniens ont à présent accès aux agences de l’ONU et aux traités internationaux. L’admission à l’ONU permettrait également aux palestiniens d’intégrer des douzaines d’organismes, comme l’Organisation Mondiale de la Santé avec à la clé des débouchés financièrement intéressants pour les palestiniens. Mais cela pourrait être limité par les lois américaines qui imposent de couper tout financement à tout organisme de l’ONU qui reconnait un État palestinien. L’UNESCO a accepté l’année dernière la Palestine en tant que membre de plein droit, et les États-Unis ont aussitôt gelé 80 millions de dollars de financement annuel, ce qui représente plus d’un cinquième du budget de l’organisation.
Mais cela ne devrait pas changer grand chose au quotidien de la population palestinienne mais il s’agit d’une victoire diplomatique symbolique.

La voie de la paix





Il n’y a aucune chance que l’ONU revienne sur cette décision. Israël se grandirait donc à être beau joueur en faisant d’un échec, une reconquête diplomatique si les palestiniens acceptent enfin de reprendre, sans conditions, des négociations directes. Les arabes ont toujours besoin d’une victoire pour justifier leur revirement politique et ils viennent de l’avoir à l’Onu à l’instar du Hamas qui croit l’avoir eu à Gaza. Il leur appartient à présent de choisir la voie de la paix et du dialogue plutôt que celle des armes qui leur a définitivement démontré l’inanité de leur démarche de destruction d’Israël. La guerre a montré ses limites depuis 65 ans.
Le nationaliste Avigdor Lieberman,  ministre des Affaires étrangères, vient de faire une concession importante  à l’occasion du Forum Saban à Washington en déclarant que «le gouvernement israélien s'est engagé à la solution à deux États car l’administration est liée par des accords signés par les administrations précédentes». Résigné, il confirme ainsi le principe de la création d’un État palestinien.
Liesse à Ramallah
 
La population de Ramallah est en liesse alors que l’argent manque et que les salaires ont du mal à être versés mais la décision de l’Onu a permis de la détourner des réalités de la vie quotidienne en lui faisant miroiter des avancées qui n’existent que dans les rêves. Il reste à présent aux deux parties de décider entre la voie de la raison et celle de la guerre de tranchées. Si un consensus n’est pas établi, à une décision de l’une répondront les représailles de l’autre dans un combat stérile et sans fin. Les dirigeants palestiniens devraient prendre la balle au bond pour renoncer à leur intransigeance dès lors où ils ont eu leur victoire diplomatique. Ils peuvent soit s’orienter vers un apaisement bénéfique au profit de leur peuple, soit choisir la voie de la confrontation pour laquelle ils n’ont pas l’assurance de sortir vainqueurs.
Ils doivent sortir de leur passivité en acceptant de s’asseoir à la table des négociations sans être uniquement spectateurs. Ils doivent avoir le courage de présenter un plan écrit, original et pragmatique, qui démontre leur volonté de conclure et qui mettra peut-être au pied du mur le gouvernement de Benjamin Netanyahou contraint de se prononcer sur des propositions tangibles. Le passé a montré que seuls des gouvernements de droite ont mené à la paix. Le premier ministre, avec sa majorité confortable, pourrait inscrire son nom dans l'Histoire de l'État d'Israël à l'instar du grand Begin.
Sadate, Carter et Begin

C.P.I
 

Mais à peine le scrutin terminé, les palestiniens envisagent déjà de porter plainte contre Israël à la Cour Pénale Internationale parce qu’ils n’entrevoient aucune perspective d’influer sur la politique occidentale. La reconnaissance officielle leur permet à présent de réclamer une enquête pour crimes de guerre présumés ou crimes contre l'humanité à l’encontre du gouvernement israélien, de ses fonctionnaires et de ses militaires. Ces menaces risquent de limiter les voyages à l’étranger d’officiels israéliens sous le coup d'une «intifada juridique ou diplomatique».
Les palestiniens avaient déjà subi un échec auprès du CPI en 2009 à la suite de leur plainte contre l’opération «plomb durci» mais l’appel avait été rejeté au motif que la Palestine n’avait pas de statut d’État non membre. Tous les pays qui ont signé le traité de Rome sont tenus de remettre au tribunal un suspect réclamé par la CPI mais Israël et les États-Unis n’ont pas adhéré au traité de Rome. Bien que les décisions du CPI ne soient pas contraignantes, elles ont un pouvoir de nuisance devant la mobilisation internationale.
Siège de la CPI à la Haye
 
Le recours au TPI est symbolique car il n’est pas certain que le procureur abonderait dans le sens des palestiniens sachant que les juristes israéliens et américains pourraient opposer de nombreux obstacles juridiques qui pourraient faire tomber les accusations. En tout état de cause, les procédures prendraient plusieurs années qui gèleraient toute avancée du processus de paix. C'est pourquoi de nombreux juristes internationaux sont persuadés que le risque est faible pour Israël; il est improbable que les palestiniens s’aventurent vers une voie qui leur apportera plus de déboires que d’avantages.
En revanche, grâce à ce vote, les palestiniens pourront innover en matière diplomatique car il n’est pas certain qu’ils tireront profit de cette guerre de tranchées qui les verra aussi s’opposer aux américains. Cela retarderait toute possibilité d’accord et contraindrait Israël à relancer les constructions dans les implantations de Cisjordanie. Les sanctions économiques toucheraient la population plutôt que les dirigeants et ce combat conduirait à des mesures unilatérales tandis que le Congrès américain  refusera encore de verser l’aide promise de 200 millions de dollars.
 

Incidences diplomatiques
Dessin de Dominique Goubelle
 

La population palestinienne pense que ce vote aura permis au monde de reconnaitre «l’occupation israélienne» mais elle reste sceptique sur l’avenir. Elle a connu de nombreux pourparlers de paix ponctués par des troubles et est gavée de promesses, non tenues, à la fois de ses dirigeants mais aussi des américains qui lui ont décrit, en vain, l’image idyllique d’une Palestine indépendante vivant aux côtés de l’État juif. Elle a conscience d’avoir été implicitement reconnue comme peuple à la recherche de son pays, sans contours certes, mais ce vote n’est qu’une étape vers une indépendance réelle.
Pour y parvenir, les dirigeants palestiniens devront parler d’une seule voix et sortir du paradoxe qui fait que le vainqueur à l’Onu, Mahmoud Abbas, n’est renforcé que vis-à-vis des occidentaux. Il est moins populaire auprès des palestiniens que le Hamas qui s’est distingué  comme l’organisation qui a su tenir tête aux israéliens en frappant pour la première fois Jérusalem et Tel-Aviv. Beaucoup estiment que la stratégie diplomatique de l’Autorité palestinienne a échoué et que son président a été régulièrement humilié par les israéliens ; il doit donc céder sa place. Cela renforce ainsi le clan des extrémistes qui estiment que seul le Hamas et la force pourront soutirer des concessions de la part d’Israël. 
Abbas, Mechaal et Haniyeh
 
Les prétendants se font d’ailleurs connaitre. Le leader du Hamas Khaled Mechaal estime que «la reconnaissance implicite d'un État palestinien obtenue à l'Onu par Mahmoud Abbas et le récent conflit dans la bande de Gaza entre le Hamas et Israël s'inscrivent dans une seule et même stratégie de renforcement de la position palestinienne». Le Hamas a profité de cet épisode pour sortir de son isolement diplomatique. Cela crée un nouveau contexte favorable à une réconciliation avec le Fatah.
Les conséquences du vote de l’Onu pourraient se manifester sur le plan diplomatique  car certains pays seraient amenés à reconsidérer leurs relations avec l’Autorité palestinienne qui vient d’être dotée d’une existence formelle. D’ailleurs le Canada, qui avait voté contre la résolution, a décidé de rappeler temporairement ses diplomates de haut rang basés en Israël et en Cisjordanie ainsi que les missions des Nations Unies à New York et à Genève «pour évaluer les implications du vote». Le ministre des affaires étrangères du Canada, John Baird,  envisage de revoir ses relations avec l'ensemble de l'Autorité palestinienne.
John Baird ministre affaires étrangères du Canada

 
De son côté, Israël prend déjà des mesures de rétorsion. Le cabinet de sécurité des neuf ministres a décidé le 30 novembre d'autoriser la construction de 3.000 nouveaux logements et de poursuivre la planification de 1.000 autres unités à Jérusalem et en Cisjordanie. Si le cycle menaces-représailles n’est pas stoppé, les extrémistes exploiteront au profit de la guerre les aigreurs accumulées pendant 65 ans.

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