GAZA : LA VICTOIRE DANS LA DÉFAITE
Par Jacques BENILLOUCHE
Gaza en liesse |
La guerre de Gaza est à présent terminée, momentanément pensent certains, et comme pour les autres conflits, les arabes crient et fêtent la victoire. C’est une constante qui leur permet de voir les faits par un autre bout de la lorgnette. Tous les dictateurs arabes usent du même procédé pour raviver le nationalisme de leur peuple et pour masquer leur défaite car la défaite est démobilisatrice. Par ailleurs, reconnaitre d’avoir été vaincu impliquerait de quitter le pouvoir à l’instar de ce que font normalement tous les démocrates occidentaux.
Antienne politique
Cette stratégie a été inaugurée par l’égyptien Gamal
Abdel-Nasser en 1956 lorsqu’il avait
transformé en succès l’opération qui avait vu les troupes israéliennes
s’installer sur les bords du canal de Suez. Malgré son humiliante défaite
militaire mais comptant sur la crédulité de son peuple, il avait affirmé avoir
obtenu en fait la victoire. En falsifiant la vérité, il avait trouvé le moyen
de consolider sa position politique et morale jusqu’à devenir d’ailleurs la référence du monde arabe.
Nasser s’est ensuite trouvé contraint de remettre sa
démission après l’écrasement de son armée à la Guerre de Six-jours en 1967 mais
il exploita l’ignorance d’un peuple miséreux pour laisser à ses proches le soin
d’organiser la manipulation des masses et susciter des manifestations «spontanées»
de rues pour le maintenir à la tête de l’Égypte.
Le roi Hussein de Jordanie à la bataille de Karameh
Sur les ordres du ministre de la défense Moshé Dayan,
les israéliens attaquèrent par surprise le 20 mars 1968 le camp palestinien de
Karameh situé en Jordanie. Les combats durèrent 15 heures pour un lourd bilan dans les deux camps. Du
côté israélien les pertes furent évaluées à 33 tués et 161 blessés avec la perte
de 4 chars de combat, 3 half-tracks, 2 voitures blindés ainsi qu'un avion. Le côté
palestinien a dénombré 200 tués et 150 capturés. Mais cette bataille au
résultat non contesté, qui avait vu pour la première fois des combats acharnés
entre israéliens et palestiniens, est devenue légendaire, suffisamment pour
être transformée en victoire par le Fatah.
Les arabes ne voulurent retenir de la guerre de
Kippour de 1973 que la réussite militaire initiale égyptienne et la destruction
de la ligne Bar-Lev. Ils décidèrent d’occulter l’encerclement de la troisième
armée égyptienne qui ne dut son salut qu’aux russes qui firent cesser les
combats. Mais pour les égyptiens la guerre fut un triomphe. Leur honneur était suffisamment sauf pour les amener à signer la paix avec Israël à Camp David.
Yasser Arafat expliqua que, malgré sa retraite
désespérée de Beyrouth en 1982, les palestiniens étaient victorieux car Tsahal
avait eu besoin de 88 jours pour réduire la résistance des palestiniens alors
qu’en 1967 et 1973 il avait fallu une semaine pour neutraliser les armées
arabes. Ainsi tout était relatif.
Plus près de nous, le
secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah avait cherché à convaincre de
sa «victoire divine» en 2006 alors que ses troupes avaient été défaites
dans des combats, rudes certes, qui ont fait environ 1.200 morts et 3.700
blessés au Liban, avec des destructions
évaluées à 6 milliards de dollars. Et pourtant Nasrallah avait
revendiqué une «victoire stratégique et historique pour tout le Liban et la
résistance».
Masquer
la défaite
L’honneur est un
sentiment primordial chez les arabes qui recherchent moins la victoire que
l’image d’avoir fait bonne figure. Comme le fatalisme est un dogme de
l’islam, il leur devient facile d’expliquer les échecs par la prédestiné parce que
seul Allah régit tous les instants de la vie des hommes. La défaite est une
décision au sommet et, si les peuples doutent, les dictateurs peuvent alors invoquer
l’idée suprême qu’ils ont été l’objet d’un complot et qu’il faut se rassembler autour d’eux.
La notion du leader est fondamentale chez les musulmans qui le vénèrent comme une icone puissante et indestructible. C’est pourquoi Israël cherchent souvent à éliminer les chefs car il ne leur suffit pas de battre l’ennemi sur le champ de bataille. Les précédents leaders du Hamas ont été ciblés tandis qu’à cette dernière guerre 19 hauts dirigeants militaires islamiques ont été éliminés, entrainant une très importante désorganisation dans les rangs des combattants. D'ailleurs, Nasrallah se terre car il connait l’avenir qui lui sera réservé s’il se mettait à découvert.
La notion du leader est fondamentale chez les musulmans qui le vénèrent comme une icone puissante et indestructible. C’est pourquoi Israël cherchent souvent à éliminer les chefs car il ne leur suffit pas de battre l’ennemi sur le champ de bataille. Les précédents leaders du Hamas ont été ciblés tandis qu’à cette dernière guerre 19 hauts dirigeants militaires islamiques ont été éliminés, entrainant une très importante désorganisation dans les rangs des combattants. D'ailleurs, Nasrallah se terre car il connait l’avenir qui lui sera réservé s’il se mettait à découvert.
Malgré les coups reçus, les arabes font croire
qu’ils ont gagné quand en fait ils ont perdu. Le Hamas à son tour veut crier
victoire malgré les nombreux morts, les énormes destructions à Gaza et,
proportionnellement, le peu de victimes dans le camp des israéliens. Mais les islamistes ne cherchent pas à honorer
leurs morts qui représentent des quantités négligeables dans leur idéologie
parce qu’Allah a droit de vie et de mort sur les hommes. Ils préfèrent masquer
leur défaite en affichant leur liesse parce que quelques missiles ont atteint
Tel-Aviv et Jérusalem, parce que les civils israéliens ont été humiliés selon eux en se
réfugiant dans les abris alors que Haniyeh et Nasrallah y vivent en permanence
car ils craignent la main d’Israël. Le champ de ruines dessiné par l'aviation israélienne ne compte pas pour argument devant l’espérance d’une levée du blocus qui
est prévue dans les discussions tripartites.
Victoires réelles
Netanyahou et Haniyeh négocient sans se regarder : Caricature de Yarmi-Pincus dans Yédioth
Mais il est vrai que le Hamas peut se targuer d’avoir
signé deux victoires, celle d’avoir négocié face à face avec Israël au titre
d’interlocuteur officiel et reconnu mais surtout, d’avoir escamoté l’Autorité
palestinienne et son président Mahmoud Abbas qui n’a toujours pas convaincu sur
sa stratégie finale.
Le Hamas peut aussi se targuer d’avoir pris un
ascendant sur son concurrent, le Djihad islamique dès lors où les États-Unis
lui ont fait une place de choix dans les discussions. Israël ne voit aucune
opposition à les laisser fêter ces «victoires» qui n'entachent pas sa crédibilité si elles peuvent sauver
l’honneur des combattants et les pousser à plus de pragmatisme pour leur faire
comprendre, une fois pour toutes, que dans l’état actuel des moyens techniques
d’Israël, ils n’ont aucun espoir de le détruire.
En revanche, Mohamed Morsi peut fêter sa véritable
victoire puisque l’Égypte islamique a pris une place reconnue dans le concert
des nations. Il a été le maitre d’œuvre du cessez-le-feu et le dirigeant qui a
épargné une défaite totale à son poulain, le Hamas. Il pourrait, s’il ne ternit
pas son régime par un coup de force déplacé, devenir le dirigeant égyptien qui ferait la paix entre Israël et les palestiniens,
qui aurait poussé le Hamas à la rupture avec la Syrie et qui aurait réussi à écarter l’Iran du théâtre
des opérations au Proche-Orient.
Kamel Amr, Hillary Clinton et Mohamed Morsi
Mais l’évolution critique de la situation en Égypte tend à
prouver qu’il y a une malédiction des pharaons dans ce pays. En voulant
accaparer le pouvoir législatif et exécutif, Mohamed Morsi se discrédite pour
reprendre le leadership du monde arabe, abandonné par Hosni Moubarak. Le turc
Tayyip Erdogan lorgne depuis longtemps sur cette place, lui dont l’honneur a
été bafoué par l’épisode des flottilles de Gaza. En fait chez les arabes, tout
est question d’honneur et pas de victoire ou de défaite. Ils aiment jouer à qui
perd gagne.
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