ÉGYPTE : ISLAMISME RADICAL ET ÉCONOMIE
Par
Jacques BENILLOUCHE
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© Temps et Contretemps
L’islamisme
radical gagne du terrain en Égypte mais le régime agit avec discrétion et
doigté. Il ne s’agit pas de brusquer la population qui garde encore une
certaine méfiance à l’égard des Frères musulmans. Sous son aspect bon enfant,
Mohamed Morsi poursuit sournoisement l’islamisation de son régime mais il ne perd pas
de vue la nécessaire réorganisation des finances publiques. Il a d’ailleurs
persuadé le Hamas d’en faire autant en lui conseillant de nommer sept ministres dans le domaine
économique et financier.
Purges
Après avoir décapité l’armée et muselé la
presse, il pousse à présent ses pions dans l’organisation administrative du
pays afin de quadriller les régions pour purger et éliminer les cadres de
l’ancien régime. Ainsi, il a attribué plusieurs postes de gouverneur provincial
à des Frères musulmans. Dix nouveaux gouverneurs ont été désignés, fort
probablement en raison de leur appartenance politique plutôt que de leurs
compétences.
Les provinces de Minya, de Kafr El-Cheikh
et de Manoufia auront à leur tête des militants islamistes connus qui avaient
défié le régime de Moubarak. Ces personnalités auront pour rôle de relayer les
décisions prises au sommet de la confrérie. Trois autres gouverneurs ne sont
pas des membres affichés des Frères mais des sympathisants du mouvement
islamique. Le nouveau gouverneur du Caire, Osama Kamal, universitaire et
vice-président du syndicat des ingénieurs, fait partie des Frères
musulmans.
Pour
calmer les appréhensions de l’armée et dans un objectif d’efficacité
sécuritaire, trois généraux prendront les fonctions de gouverneurs à Suez, dans
le nord-Sinaï et sur la Mer Rouge, dans des zones sensibles où l’organisation
militaire est à revoir et à réorganiser.
Ainsi Saad al-Husseiny, a été nommé gouverneur de Kafr el-Cheikh, dans le delta, un bastion traditionnel des Frères. Il était secrétaire du budget de l'Assemblée populaire et porte-parole parlementaire du Parti de la Justice, de la Confrérie.
Monufiya, la ville natale des deux derniers présidents et bastion de l'ancien régime, a été donnée à Mohamed Bashir, membre du Bureau d'orientation des Frères.
Le général d’armée Abdel Fattah Harhour dirigera le Sinaï. Le gouvernorat de la mer Rouge, à la frontière de l’Arabie saoudite et de la Jordanie, est maintenant dirigé par le général Mohamed Kamel, tandis que Suez, le foyer critique du canal, est confié au Général Samir Ajlan.
Il semble que Mohamed Morsi ait voulu donner des gages à Israël et aux États-Unis pour calmer leurs inquiétudes et pour prouver qu’il était prêt à en découdre avec les terroristes du Sinaï.
Ainsi Saad al-Husseiny, a été nommé gouverneur de Kafr el-Cheikh, dans le delta, un bastion traditionnel des Frères. Il était secrétaire du budget de l'Assemblée populaire et porte-parole parlementaire du Parti de la Justice, de la Confrérie.
Monufiya, la ville natale des deux derniers présidents et bastion de l'ancien régime, a été donnée à Mohamed Bashir, membre du Bureau d'orientation des Frères.
Le général d’armée Abdel Fattah Harhour dirigera le Sinaï. Le gouvernorat de la mer Rouge, à la frontière de l’Arabie saoudite et de la Jordanie, est maintenant dirigé par le général Mohamed Kamel, tandis que Suez, le foyer critique du canal, est confié au Général Samir Ajlan.
Il semble que Mohamed Morsi ait voulu donner des gages à Israël et aux États-Unis pour calmer leurs inquiétudes et pour prouver qu’il était prêt à en découdre avec les terroristes du Sinaï.
Changement
économique
Mais cette réorganisation implique de
satisfaire les besoins d’une population qui, après le changement politique, attend
les dividendes économiques car sa
situation est dramatique. C’est pourquoi le président égyptien veut quitter
son dogmatisme politique pour consolider son régime grâce à une relance
économique qui lui donnera une crédibilité auprès de toutes les classes de la
population.
Morsi et Ahmadinejad |
Il a d’abord fait preuve de modération à la
Conférence du Mouvement des non-alignés à Téhéran où il est apparu comme un
adversaire acharné de Bassar Al-Assad et comme un sage en opposition avec les
intentions guerrières de l’Iran. Ensuite, il a compris qu’il devait frapper à
toutes les portes, sans distinction politique et sans exclusive, s’il voulait
se maintenir au pouvoir.
Il a donc fait appel au FMI pour recevoir
une aide concrète pour relancer une économie en berne depuis la révolution.
Mais il devra au préalable accepter des réformes de structure et une transition
vers la démocratie. Ce dernier point semble pour l’instant douteux car Morsi
est sous surveillance de ses amis de la Confrérie. En effet, à leur arrivée au
pouvoir, les Frères musulmans avaient rejeté toute aide extérieure parce
qu’elle ne pouvait être conditionnée que par des concessions politiques.
Pragmatisme
Mais
le pragmatisme de Mohamed Morsi semble avoir convaincu ses amis qu’il n’avait
pas d’autre choix pour combler l’énorme déficit de son budget, pour stopper la
baisse des réserves de change, pour financer l’éducation nationale et pour
lutter contre le chômage. L’aide internationale est donc incontournable. Un
prêt de 4,8 milliards de dollars lui a été consenti par le FMI à échéance de la
fin d’année.
Morsi et Hu Jintao |
Son premier voyage à l’étranger était
d’ailleurs purement économique. Il attend de la Chine une aide à la hauteur du
grand pays arabe qu’est l’Égypte. Il a immédiatement reçu un prêt de 200
millions de dollars et signé des accords différents concernant l'agriculture,
l'environnement et les télécommunications. Le militant islamiste pur et dur est
devenu ainsi un envoyé économique conciliant.
Il attend de Barack Obama un plan d’aide
conséquent car il ne pourra pas couvrir la dette de 3 milliards de dollars
vis-à-vis des États-Unis. Le président américain semble lui avoir offert immédiatement un milliard de dollars en
allégement de cette dette qui sera versé par un transfert en espèces au Trésor
égyptien. Il lui a également offert 375 millions de dollars en garanties de
prêt et de financement pour les entreprises américaines et les banques qui
investissent en Égypte. Enfin il a mis un fond de 60 millions à la disposition
des égyptiens qui voudront investir dans de nouveaux projets.
Barack Obama attend en échange que l’Égypte
s’engage dans une voie démocratique et qu’elle respecte le traité de paix signé
avec Israël en 1979. Ces conditions lui ont été imposées par le Congrès qui
pourrait, le cas échéant, s’opposer à ces aides et surtout à l’aide militaire
triennale de 1,3 milliards de dollars à l’armée.
Nouvel ambassadeur égyptien en Israël |
Mohamed
Morsi a donc compris l’importance des finances sur l’idéologie et il semble
étonner les chancelleries occidentales qui s’attendaient à des relations
conflictuelles ou guerrières avec celui qui a été désigné par la Confrérie
comme candidat de substitution et qui s’avère avoir beaucoup de talent et de
charisme. Israël suit la situation avec philosophie et l’envoi d’un
nouvel ambassadeur égyptien à Tel-Aviv est perçu comme une évolution favorable
des relations bilatérales.
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