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vendredi 17 août 2012

SHIMON PÉRÈS : LE TRUBLION POLITIQUE


SHIMON PÉRÈS : LE TRUBLION POLITIQUE

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps


La charge a sonné contre le président de l’État juif. Les politiques voulaient un président qui «inaugure les chrysanthèmes», selon l’expression du général de Gaulle, or il s’avère qu’ils ont un président actif. Il fallait s’attendre à ce qu’un homme politique de cette envergure, qui a participé à la création de l’État et de son armée, ne reste pas muet et inerte. Ceux qui ont cru à sa possible discrétion se sont trompés sur tous les aspects du personnage.



Vice-ministre

Pourtant, il avait déjà donné plusieurs signes tangibles de son ingérence dans les affaires politiques du pays. Parce qu’Avigdor Lieberman était persona non grata dans les chancelleries européennes, il le remplaçait au pied levé chaque fois que le pays avait besoin d’un expert diplomatique pour jouer le rôle de vice-ministre des affaires étrangères. Il dispose en effet, en tant qu'homme politique israélien, d’une aura plus appréciée à l’étranger que dans son pays. 
Ben Gourion, Dayan et Pérès
Il joue le rôle de Sage, formé à l’école de Ben Gourion, qui a traversé les décennies de l’Histoire d’Israël en n’ayant jamais dévié de ses convictions et en étant respectueux des dogmes de son parti. Socialiste il est, socialiste il le reste, même à Kadima où Ariel Sharon l’avait invité à insuffler une note de gauche parmi des monstres politiques de droite.  Il n’est pas de ceux qui ont un assortiment de vestes réversibles, qu’ils portent selon l’inspiration du moment où l’opportunité politique de l’instant. 
Ariel Sharon et Shimon Pérès

Radical-socialiste

Il a toujours été de tendance travailliste, proche de l’idéologie française du radical-socialisme qui explique d’ailleurs pourquoi il s’entendait très bien avec les politiques français de la quatrième république. Sa proximité avec eux lui a permis d’obtenir les armes dont Tsahal avait besoin et la centrale nucléaire de Dimona qui joue le rôle dissuasif dans les heures noires du pays. On doit lui reconnaitre l’amour indéfectible pour son pays et une constance qui ne lui a jamais fait défaut.
Le président a fait sensation en s’opposant à Benjamin Netanyahou et au gouvernement avec lesquels il ne partage pas certaines conceptions politiques. L’expérience lui a prouvé qu’Israël ne peut jamais faire cavalier seul quant il s’agit de sa sécurité et que l’amitié américaine ne peut être jamais bradée au profit de contingences politiques du moment. 
Il a effectivement fait sensation dans une interview télévisée de la chaine 2 : «Il est clair que nous ne pouvons pas attaquer l’Iran seuls. Nous pouvons retarder le programme nucléaire iranien mais nous réalisons que nous devons agir avec les américains. Il y a des questions de coopération et de calendrier mais, aussi grave que soit le danger, alors cette fois nous ne serons pas seuls».
Shimon Pérès et le général Dempsey
Le président avait tenu compte de la déclaration du chef d’État-Major américain, le général Martin Dempsey, qui avait ouvertement annoncé que Tsahal était incapable de détruire le programme nucléaire iranien et que le président Barack Obama s’était engagé à empêcher un Iran nucléaire. Shimon Pérès a donc ajouté : «Je suis convaincu qu'Obama connaît l'intérêt des américains. Israël doit dépendre de lui-même mais cela ne signifie pas qu’il doive renoncer à ses amis».

Artillerie lourde

Cette déclaration n’était pas du goût de Benjamin Netanyahou qui a fait dire que le président devait rester neutre comme si un homme politique arrivé à ce sommet pouvait perdre subitement ses facultés d’analyse et son droit à la parole lorsque la situation dramatique de l’État l’exige. Alors le premier ministre a demandé à ses conseillers de lancer leur artillerie lourde contre le président israélien, sans se soucier des boules puantes, qui viendraient à exploser en faisant des dégâts collatéraux, et du désordre psychologique que cela pouvait causer dans le pays. 
Tandis que l’un des conseillers faisait référence à son devoir de réserve en tant que président de l’État, un autre l’attaquait sur son passé pourtant irréprochable : «il a eu tort de penser que les accords d’Oslo apporteraient un nouveau Moyen-Orient, qu'il y aurait la paix dans la bande de Gaza après le désengagement et qu’il ne fallait pas procéder au bombardement du réacteur irakien».
Shimon Pérès est un sage qui a connu toutes les guerres du pays depuis son indépendance. Il a suffisamment d'expérience pour savoir où est l'intérêt de sa patrie. Il sait que toutes les autres guerres ont été engagées, soit avec l’aide de la France en 1956, soit avec le soutien américain pour les autres. 
 Croire qu’Israël n’a pas besoin aujourd'hui du veto américain à l'ONU, du matériel sophistiqué des États-Unis, du soutien de son armada, de l’usage des bases logistiques disséminées au Moyen-Orient, des avions ravitailleurs qui manquent au pays, du soutien financier nécessaire en cas de guerre coûteuse, est une simple vue de l’esprit. Les politiques qui le critiquent pêchent par une trop grande assurance et une absence de modestie dont l'armée elle-même, pourtant sûre de ses potentialités, n'en abuse pas.
Shimon Pérès fête ses 89 ans avec Tsahal
Le 5e président d'Israël, Itzhak Navon, a fait part de son soutien à Shimon Pérès en ce qui concerne ses propos sur l'Iran : «Shimon Pérès sait clairement, tout comme je le savais, que le rôle du président n'est pas de s'ingérer dans les décisions du gouvernement, mais il y a des situations où il faut dire ce dont on est persuadé. Je sens que si j'étais à sa place j'aurais fait de même. Un homme tel que lui ne peut se taire s'il sent que l'heure est cruciale. J'espère que ses propos courageux et modérés auront un écho».
On peut contester les idées de Shimon Pérès et ses prises de position mais on n’a pas le droit d’user de l’arme du discrédit pour le contrer ou pour le qualifier de gauchiste adversaire de son propre pays. Il est réaliste et inquiet pour l’avenir d'israël. Tenter de le faire passer pour un lâche ou une sorte de déserteur est une simple ignominie dans laquelle il serait bon que ses ennemis politiques évitent de tomber.  

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