LA KNESSET ET L’ANTISEMITISME EN FRANCE
Par
Jacques BENILLOUCHE
La Knesset à Jérusalem |
La
commission de l’immigration et de l’intégration de la Knesset, le parlement
israélien, a discuté de l’antisémitisme en France. Selon les
données transmises à la commission, la
France a connu sur les cinq premiers mois de 2012 une augmentation de 53% des
actes antisémites par rapport à la même période l'année dernière.
Problème
franco-français
La Knesset s’est
saisie d’un problème purement français avec l’impression que ses membres avaient
des idées toutes faites sur le sujet. Soulever le problème semble déjà accuser la France dans une démarche mal comprise. La main subliminale de l’Agence Juive, organisme
chargé de préparer l’immigration des juifs vers Israël, agite régulièrement le chiffon rouge de la peur pour
inciter les hésitants à rejoindre la terre juive. Or l'alyah doit être murie et librement choisie si elle veut être un succès.
Un flou est volontairement entretenu
consistant à confondre l’antisémitisme d’État qui règne dans certains pays avec
l’antisémitisme de certaines couches de la population française. Il ne fait
aucun doute que la France n’est pas antisémite et qu’elle agit de manière active
pour contrecarrer les menées subversives de ceux qui veulent mêler le conflit
israélo-arabe à la politique intérieure française. Elle ne réussit pas
forcément, certains diront pas du tout, mais l’intention est marquée.
Selon les
sondages, le nombre de personnes se déclarant en France de religion juive
atteint à peine 0,7% de la population soit environ 400.000 citoyens. Sauf à
utiliser les poncifs des antisémites qui croient à la puissance illimitée du
monde juif, la réalité fait du monde juif un monde totalement intégré à la
nation française. Toutes les études démontrent que les juifs français se répartissent
naturellement sur l’ensemble de l’échiquier politique, de la droite à la
gauche. C'est pourquoi l'antisémitisme n'a aucune exlication tangible sauf à juger que les prises de position des juifs dépendent souvent de
l’attitude des politiques français vis-à-vis d’Israël.
Référence
juive
L'ambassadeur Christophe Bigot avec le député Dany Danon |
La
référence purement juive dans le débat français avait disparu mais elle est réapparue avec la répétition d’actes
antisémites qui ont entrainé un sentiment d’insécurité auprès de la communauté
juive. L’ambassadeur de France en Israël, Christophe Bigot, avait commenté à
l’occasion d’un point de presse les statistiques 2011 publiées par le SPJC
(Service de Protection de la Communauté juive). Les actes antisémites ont
diminué de 16% en passant de 466 en 2010 à 389 en 2011, malgré une augmentation
du nombre des actions violentes. Le chiffre, le plus bas depuis 10 ans est dû,
selon l’ambassadeur, à la collaboration de la communauté juive avec les
autorités sécuritaires françaises. Mais Christophe Bigot «ne voit aucun lien
entre Israël et l’antisémitisme» tandis que les actes antisémites restent
élevés, selon lui, parce que «l’antisémitisme est une pathologie» et
qu’il n’y a pas de remède efficace pour l’instant.
Il y a
un amalgame volontaire, exploité au gré des intérêts, pour qualifier la France de
pays antisémite. L'islamisme est la forme moderne de l'antisémitisme mais il ne doit pas cacher l'autre forme insidieuse et plus historique. Beaucoup d’antisémites ont émergé avec le
réveil de l’islamisme en France mais certains ont vite fait de l’attribuer au laxisme des gouvernements
français. Le grand-rabbin Gilles Berhneim avait mis le doigt sur «la volonté politique d'arrêter les hors-la-loi et de les livrer à la justice. Tout le reste n'est que l'ittérature et théâtre». À droite comme à gauche, personne n’a minimisé le
problème mais aucun politique n'a, à ce jour, trouvé l'angle d'attaque pour l'éradiquer. Le problème n'est pas national mais mondial.
Christophe Bigot s’est présenté
en accusé devant cette commission avec l’ultime devoir de se justifier. Il a
déclaré que «la tuerie de Toulouse n'avait
pas réussi à miner le sentiment général de sécurité des 600.000 juifs de
France. Néanmoins, le gouvernement français a augmenté ses dépenses pour la
sécurisation des institutions juives à la suite de ce tragique attentat. Nous
avons investi 500.000 euros pour renforcer la sécurité des institutions juives
dans le pays».
Communautarisme
Funérailles en Israël des victimes de Toulouse |
Les actes antisémites ont déclenché un communautarisme souvent brandi comme
une menace de radicalisation. L’antisémitisme affiché est aujourd'hui islamiste tandis que
l’autre antisémitisme est occulté parce que, plus sournois, il permet à
l’extrême-droite d’en abuser. Le Front National a d’ailleurs exploité la
situation en modérant son sentiment à l’égard de la communauté juive qui a vu plusieurs
de ses membres voter pour Marine Le Pen. Elle avait réussi à faire croire qu’elle était la
seule à prôner l’éradication du risque intégriste.
L’ambiguïté s’est
imposée puisqu’elle s’est adressée aux juifs, d’ordinaire voués aux gémonies
par les groupuscules antisémites fédérés au sein du F.N. Mais elle n’a pu
cependant effacer totalement le fantasme antisémite qui attribue à la minorité
juive l’illusion d’une puissance occulte. Elle a exacerbé les tensions et exploité
les dérives islamiques des «printemps arabes» pour accroitre
l’incertitude et les craintes de la minorité juive qui a accepté de s’offrir à l’extrême-droite, même en Israël.
La nouvelle présidente du Front national n'a de cesse de faire oublier l'antisémitisme chevillé au corps de son père. Marine Le Pen sait pertinemment que, pour progresser dans l’opinion française, elle doit débarrasser son parti de l’étiquette gênante de parti antisémite qui lui colle à la peau. Seuls les juifs peuvent l’aider à cette fin.
Elle a donc revêtu
des habits neufs pour saborder ce qui faisait le fond de commerce de l’extrême
droite : le racisme, la xénophobie, la préférence nationale. Elle ne tient
pas de propos antisémites mais elle
rejette, du bout des lèvres, les propos scandaleux de son père, qui
citait il y a peu de temps Robert Brasillach, écrivain maudit de la
collaboration, fusillé à la Libération. Cependant le Front National veut attirer à
lui les juifs, non pas pour les quelques milliers de voix négligeables, mais
pour lui permettre de se débarrasser des scories antisémites afin d’obtenir un certificat
d’honorabilité politique. Il essaie d’obtenir un billet d’entrée au sein de la
communauté juive pour gagner un brevet de démocratie. Il cherche à effacer aux
yeux des juifs de France, mais aussi des non juifs, les accusations
d’antisémitisme.
Antisionisme
L’antisémitisme
se pare d’antisionisme quand il ne veut pas choquer mais ce sont deux concepts
distincts dont l’un a pour but de vouloir la destruction de l’État d’Israël.
Certains antisémites, issus des milieux islamistes ou gauchistes, veulent nier
la qualité de peuple à la nation juive. Mais si la Knesset a le droit de
disserter sur l’antisionisme ou l’anti-israélisme, elle n’est pas habilitée
à se pencher officiellement sur l’antisémitisme en France. Cette intrusion ne parait pas justifiée.
Il appartient aux organisations juives, crédibles et représentatives, de négocier avec le gouvernement français des mesures adéquates pour
lutter contre le fléau. Et cela d'autant plus qu'Israël a à faire avec ses propres antisémites qui ont perpétré des actes de vandalisme à Yad Vashem, le mémorial de la Shoah.
Mais la réunion de cette commission donne à penser qu'Israël ne croit pas beaucoup à la capacité des dirigeants juifs
français à prendre le problème à bras le corps. Il prend donc le droit de se substituer à eux pour compenser cette défaillance. Lorsque la
Knesset décide de se saisir du problème de l’antisémitisme français, dans le
cadre d’une ingérence abusive, elle ne fait que confirmer la nécessité de
pallier la faiblesse des institutions juives en France.
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