FRANÇOIS HOLLANDE ET ISRAËL
Par
Jacques BENILLOUCHE
Les journaux israéliens ont consacré peu de place et de commentaires à l'élection française. Les israéliens, qui songent plus à leur politique intérieure, n’ont pas été
passionnés par les présidentielles françaises. A l’exception bien sûr des franco-israéliens
qui ont donné un résultat digne d’une république bananière puisque Nicolas
Sarkozy a obtenu plus de 90% des suffrages en Israël, les observateurs
israéliens ont considéré ces élections comme une affaire franco-française. Échaudés
par les relations tendues avec Nicolas Sarkozy, ils n’osent pas se réjouir d’un
changement de gouvernance en France parce qu’ils veulent dorénavant juger sur
pièce.
Partage
de Jérusalem
En effet, après la politique jugée
pro-arabe de Jacques Chirac, ils avaient placé leurs espoirs sur le nouvel élu
de 2007 qui avait donné des gages à Israël durant sa campagne électorale. Mais
tout avait commencé sur un malentendu durant la visite en Israël de Nicolas Sarkozy,
le 23 juin 2008. Il avait prononcé un discours jugé sévère à l'Assemblée : «Il
ne peut avoir y avoir de paix sans l'arrêt de la colonisation. Une proposition
existe, elle est soutenue par de nombreux membres de votre Knesset, pour
l'adoption d'une loi qui inciterait au départ des colons de Cisjordanie,
moyennent compensation et relogement en Israël.». Il avait ensuite prôné le
partage de Jérusalem. C’était la première fois qu'un chef d'État étranger osait
dire à la Knesset que Jérusalem devait être divisé et devenir également la
capitale d'un second État arabe palestinien. Il n’avait alors été applaudi que
par les six députés arabes israéliens.
Dans un éditorial, le quotidien israélien
Haaretz avait alors souligné que «rarement un dirigeant européen a été reçu en
Israël avec la chaleur et la fanfare qui attendent le président français». Mais
par la suite il a été critiqué parce que ses actes n’étaient pas en accord avec
ses déclarations et parce qu’il n’avait pas de politique cohérente au
Proche-Orient. Référence était faite à la visite du libyen Mouammar Kadhafi à
Paris fin 2007 et au double jeu des conseillers diplomatiques de l’Élysée,
Jean-David Levitte et Claude Guéant, qui négociaient à Damas et qui ont invité
Bassar Al-Assad à assister au défilé du 14 juillet 2008 sur les Champs-Élysées.
Pragmatisme de Hollande
François Hollande est un personnage
discret, élevé dans la politique par le protestant Lionel Jospin qui lui a
insufflé la mesure et le pragmatisme dans la politique au Proche-Orient. Il est
le seul des candidats à avoir envoyé en Israël une délégation pendant la
campagne électorale, après avoir rappelé à ses interlocuteurs que «c’est sans
doute au PS que l’on trouve le plus grand nombre d’amis d’Israël et du peuple
juif».
Manuel Valls |
Dirigée par Laurent Fabius, elle comprenait
aussi Manuel Valls et Pierre Moscovici.
La composition de la délégation n’était pas un fortuite. Durant la
campagne des primaires, Manuel Valls avait affirmé : «Je suis lié de manière
éternelle à Israël». Quant à Pierre Moscovici, il avait tenu des propos dénués de neutralité
religieuse lors d’un débat organisé en 2003 par le cercle Léon Blum : «Si
j’ai adhéré au Parti socialiste, en tant que juif, français et socialiste,
c’est aussi en pensant à Léon Blum. Il faut réfléchir et essayer de savoir
pourquoi il se serait battu aujourd’hui. Or, cet homme s’est battu pour la
République, pour la gauche et le socialisme, ainsi que, sur la fin de sa vie,
pour le sionisme, porteur à son sens d’une paix pour le Proche-Orient ».
Sarkozy et Hollande au diner du CRIF |
François Hollande avait donné des gages de
bonne volonté après avoir souligné «que
si Israël est l’objet de tant de critiques, c’est qu’il constitue une grande
démocratie». Au diner annuel du CRIF (Conseil représentatif des
institutions juives de France) il avait martelé des mots qui, parvenus aux
oreilles israéliennes, ont fait plaisir : «Je ne laisserai rien
passer à propos des actes
antisémites et antisionistes»
Rétablir la confiance
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François Hollande aura beaucoup à faire
pour rétablir la confiance avec Israël surtout après le rapport établi par le
socialiste Jean Glavany qui avait utilisé le mot considéré comme insultant et
mensonger d’«apartheid» pour qualifier le régime israélien dans sa
politique de l’eau au Proche-Orient et
qui n’a pas été désavoué par le parti. Mais les amis d’Israël, qui ne veulent
juger que les actes plutôt que les paroles se souviennent aussi que le 22 juin
2003 à l’occasion des «12 heures pour
l’amitié France-Israël», il était aux côtés de Michel Sapin, Nicolas
Sarkozy, Pierre Lellouche et Benjamin Netanyahou. Il était sur la scène pour
soutenir le gouvernement d’Ariel Sharon qui subissait les critiques des
instances internationales. Le chef du gouvernement israélien était, pour le
moins, qualifié de «criminel de guerre». Au départ hué au début du
rassemblement, le premier secrétaire du PS d’alors avait «indiqué
l'attachement des socialistes à l'État d'Israël depuis 1948, et reconnu la
tardive prise de conscience de la vague d'antisémitisme par le gouvernement de
Lionel Jospin».
Le politologue israélien Denis Charbit
avait donné son sentiment sur François Hollande : «Pas de vote juif aux
prochaines présidentielles autour du rapport à Israël, car Hollande et Sarkozy
représentent l'aile pro-israélienne dans leur camp respectif. Il en eut été
autrement si Aubry avait affronté Sarkozy ou encore si Hollande avait eu en
face de lui Juppé».
Les israéliens sont devenus philosophes.
Ils ont intégré l’idée que les enjeux économiques priment sur les sentiments et
les préférences politiques. Les sept millions d’israéliens pèsent moins que les
centaines de millions d’arabes dont les pétrodollars sont utiles pour
équilibrer la balance commerciale française. Ils souhaitent cependant que le
nouveau gouvernement français, qui surfe sur un à-priori favorable auprès des
pays arabes, adopte une politique équilibrée qui ne s’inspire plus de la
politique en zigzag qui a prévalu sous le régime de Nicolas Sarkozy. Mais ils
s’inquiètent moins de François Hollande que de son entourage politique constitué de
Verts profondément pro-palestiniens et d'une extrême-gauche viscéralement anti
israélienne. Ils ont enfin compris qu’ils ne pourraient pas bénéficier
de l'exclusivité des faveurs de la France.
Mais,
par principe, ils ne se font pas beaucoup d’illusions sur un changement notable
de la politique française au Proche-Orient tant que le locataire du Quai
d’Orsay n’aura pas insufflé une volonté de renouveau vis-à-vis d’Israël. Ils
sont cependant convaincus que cela ne pourra pas être pire que ce qu’ils ont vécu
avec le régime UMP de Nicolas Sarkozy.
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