ISRAËL FACE A LA PRESIDENTIELLE FRANÇAISE
Par
Jacques BENILLOUCHE
Il
est une constante chez les juifs qui consiste à mesurer, à chaque élection ayant lieu dans
un pays étranger, le degré d’incidence du scrutin sur les relations avec
Israël. Cette année, deux élections présidentielles, américaines et françaises,
risquent de modifier la donne politique et à nouveau, les paris sont lancés sur
l’influence des résultats sur la politique israélienne.
Nombrilisme
juif
Le nombrilisme juif tend à ne pas admettre que
les électeurs votent en fonction de l’intérêt de leur pays et non pas de
l’intérêt d’un pays étranger, fut-il juif. Certes les juifs français peuvent marquer leur
mauvaise humeur contre un candidat ou un président sortant si des décisions concernant Israël leur paraissent relever de l'arbitraire politique.
Valéry Giscard d’Estaing en avait fait
l’expérience parce qu’il avait autorisé la première rencontre entre le ministre
des affaires étrangères Jean Sauvagnargues et Yasser Arafat, l’ouverture d’un
bureau de l’OLP à Paris et parce qu’il avait voté, en 1976 à l’ONU, la
résolution du Conseil de Sécurité demandant la création d’un État palestinien. Cependant, aux
élections de 1981, l’écart qui le séparait de François Mitterrand, plus d’un
million de voix, n’était pas justifié par le vote juif qui ne dépasse pas
quelques centaines de milliers de voix. Et pourtant le candidat lui-même avait la conviction que sa défaite devait être imputée aux électeurs juifs.
Des leaders juifs, d'horizons divers, avaient officiellement pris position dans cette élection. Jacques Attali, Henri Hadjenberg et Robert Batinder avaient signé un manifeste appelant à voter pour le candidat socialiste. Les juifs avaient appelé la défaite de Giscard d'Estaing parce que François Mitterrand avait été ministre
de la IVème République à l’époque de l’idylle franco-israélienne. Ils se sont
alors mis à rêver à des relations étroites avec Israël puisqu'il avait
effectivement déclaré en 1972 : «Si nous venons au gouvernement, vous
pouvez être sûrs que nous serons des amis fidèles d'Israël.» Sa promesse ne
consistera en fait qu’à être le premier président français à effectuer une
visite officielle en Israël mais le désenchantement viendra immédiatement
après.
Quai d’Orsay pro-palestinien
En effet, François Mitterrand, président de la cinquième puissance mondiale, recherchait avant tout les intérêts de son pays avant celui du petit Etat du Proche-Orient. Il permettra en 1983 aux combattants de
l’OLP, encerclés par Israël, de quitter sains et saufs le Liban. Il décidera
d’élever, en 1989, le bureau parisien de l’OLP au rang d'ambassade déguisée, la délégation
générale de la Palestine, et pour concrétiser cet acte, il recevra Yasser
Arafat pour la première fois à l'Élysée. Les intérêts de la France se
trouvaient liés à ceux des pays arabes. Claude Cheysson, ministre français des
affaires étrangères, ne cacha pas son hostilité vis-à-vis d’Israël et son
amitié profonde pour les délégués OLP auxquels il déclara : «Ma condamnation
du sionisme est catégorique ; l’État d’Israël s’est créé contre la volonté du
reste du monde». Son successeur Roland Dumas s’inscrivit dans la même
lignée en 1984 en justifiant ouvertement le terrorisme : «la piraterie
aérienne était le seul moyen qu’avait la résistance palestinienne de briser
l’indifférence internationale».
Arafat, Chirac et Leila Chahid |
Jacques Chirac, élu en 1995, avait tissé
d’excellentes relations avec les rabbins et les juifs de France mais il était
totalement réservé à l’égard d’Israël. Seuls les problèmes intérieurs
l’intéressaient et il fit preuve d’une certaine ignorance de la politique du
Proche-Orient. Il fit siennes les idées de ses prédécesseurs gaullistes qui
estimaient que, sur le conflit israélo-arabe, il n’y avait aucun sentiment à
éprouver. L’opportunisme était de rigueur. C’est pourquoi, à la conférence
américaine tenue à Paris en 2000, il accueillit Yasser Arafat en grandes pompes
et réserva un accueil froid, sinon hostile, à Ehoud Barak.
Cependant
il comprit progressivement que le déséquilibre de sa politique affaiblissait
son influence et lui enlevait toute possibilité d’intervenir dans le dialogue israélo-arabe.
Il décida alors, dès 2002, d’améliorer les relations bilatérales tendues en
mandatant en Israël son ministre Dominique de Villepin afin de proposer la
création d’un haut comité qui eut des conséquences positives sur les plans
scientifique, économique, commercial et culturel. L’assassinat de Rafik Hariri,
grand ami et financier de Chirac, et le plan de désengagement d’Ariel Sharon à
Gaza contribuèrent au réchauffement des relations bilatérales. Mais la France
resta fidèle à ses amitiés arabes à la grande déception des juifs de France.
Chirac
Sarkozy : même combat
La déception, face à la politique de
François Mitterrand et de Jacques Chirac, fut telle que Nicolas Sarkozy
obtiendra en 2007 un score étonnant de 84% parmi les français d’Israël, dans
une sorte de retour de balancier. Il avait été aidé en cela par un certain
nombre d’associations juives, l'UPJF en particulier, qui affichèrent ouvertement durant la campagne un soutien sans
faille à un candidat qui leur avait fait des promesses.
Moubarak et Assad au défilé du 14 juillet 2008 |
Mais les juifs continuèrent à croire au
poids de leur influence, en fait négligeable puisque la France décida
de choisir ses alliés en fonction de ses intérêts économiques. Nicolas Sarkozy
reçu royalement à l’Élysée le colonel libyen Kadhafi tandis qu’il
invitait à ses côtés, au défilé du 14 juillet 2008, le président syrien Bassar
Al-Assad parce qu'il avait pour objectif de mettre en œuvre l’Union pour la Méditerranée
qui n’eut qu’une existence éphémère. Israël, qui n’entrait pas dans la
stratégie de la France au Proche-Orient, se trouva marginalisé. D'ailleurs, la France ne suivra pas les États-Unis en 2011 puisqu'elle vota l’entrée de la
Palestine à l’Unesco. Ce fut la goutte qui éloigna les juifs de France du
candidat Sarkozy.
Bonnet blanc, blanc bonnet
Les accointances du parti socialiste avec
certains milieux pro-palestiniens, l’absence de référence au conflit
israélo-palestinien et l’inexistence d’une position claire dans le projet de François Hollande poussent
les défenseurs d’Israël à ne rien attendre de lui, non plus. D’ailleurs les
affaires étrangères sont très étrangères dans cette campagne électorale où l'on ne parle que de problèmes franco-français.
La
communauté juive française s’est faite à l’idée qu’elle ne pèse pas lourd dans
l’échiquier politique à l'inverse de la communauté américaine avec ses six millions de
juifs qui font et défont les présidents américains. Les israéliens n’attendent
rien d’une éventuelle alternance car ils estiment que la France n’a pas la
puissance économique qui peut lui permettre d’avoir une politique étrangère
indépendante. Tant qu’elle aura les yeux fixés sur l’horizon de la balance
commerciale, elle sera dépendante des intérêts financiers arabes qui l’aideront
à surmonter la crise.
Israël préfère alors rêver à une bonne surprise plutôt qu’anticiper, comme lors des élections précédentes, une nouvelle idylle franco-israélienne. Il est persuadé que rien ne changera dans la politique française et les quelques tentatives pour remettre le sujet sur la table relèvent de la joute habituelle des campagnes électorales. Mais les choix politiques français ne pourraient pas être pires puisqu'en matière diplomatique l'aspect anti-israélien a atteint des sommets. Les présidents français n'ont jamais eu de politique cohérente au Proche-Orient mais plutôt une stratégie à court terme, liée à des intérêts de clan.
Israël préfère alors rêver à une bonne surprise plutôt qu’anticiper, comme lors des élections précédentes, une nouvelle idylle franco-israélienne. Il est persuadé que rien ne changera dans la politique française et les quelques tentatives pour remettre le sujet sur la table relèvent de la joute habituelle des campagnes électorales. Mais les choix politiques français ne pourraient pas être pires puisqu'en matière diplomatique l'aspect anti-israélien a atteint des sommets. Les présidents français n'ont jamais eu de politique cohérente au Proche-Orient mais plutôt une stratégie à court terme, liée à des intérêts de clan.
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