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jeudi 9 février 2012

ISRAEL FACE A UNE GUERRE AU SUD-SOUDAN


ISRAEL FACE A UNE GUERRE AU SUD-SOUDAN

Par Jacques BENILLOUCHE
Bith Thiyang

          La tension règne entre le Soudan et le Soudan du Sud qui vient d’obtenir son indépendance au point qu’une guerre pourrait éclater entre ces deux pays. Le président Omar Hassan Al-Bachir a été clair à la télévision : «Le Soudan veut la paix mais nous irons à la guerre si nous y sommes contraints.» Israël risque d’être impliqué, de manière indirecte, dans ce conflit.

Un consul ancien réfugié

          Bith Thiyang avait traversé la frontière en clandestin il y a six ans, venant du sud-Soudan, et s’était réfugié près d’Eilat au kibboutz Eilot. Avec sa double casquette, il était chargé le matin du nettoyage des chambres de l’hôtel du kibboutz et ensuite, dans une petite chambre au mobilier  modeste, il revêtait les habits de consul de son pays en guerre pour aider ses compatriotes  à organiser leur vie. Il a depuis troqué sa tenue de nettoyage contre un costume dans son bureau de Tel-Aviv, sous le portait du leader du Sud-Soudan, John Garang, mort dans un accident d’hélicoptère en 2005. Dans sa fonction de consul, il est chargé à présent de veiller sur les milliers de réfugiés, installés au sud de Tel-Aviv dans le ghetto d’immigrés près de l’ancienne gare centrale. 

          Son bureau austère est devenu la représentation officielle du Sud-Soudan et il a été l’artisan de la reconnaissance de son pays par Israël. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a décidé de reconnaître officiellement le Sud-Soudan et lui a souhaité bonne chance. Le ministre des affaires étrangères Avigdor Lieberman, boudé par l’Europe, avait décidé de revigorer les relations avec le continent noir où sa présence ne pose pas de problème. Il voulait créer une sorte de ceinture de sécurité amie autour des pays arabes, «l’alliance de la périphérie» prônée par David Ben Gourion.  A l’occasion de ses visites au Kenya, au Ghana, au Nigeria puis en Ouganda, il avait profité de signer de nouveaux contrats. Mais son objectif principal consistait à mettre en garde ses interlocuteurs africains sur le danger d’une nucléarisation de l’Iran qui risquait d’avoir des répercussions dans leur propre région.

Un front chrétien
Odinga et Netanyahou

          Dans cet esprit, le premier ministre kenyan, Raila Odinga et le président ougandais Yoweri Museveni , qui viennent d’achever une visite en Israël, ont exprimé leurs préoccupations au sujet de la montée en puissance des islamistes radicaux sur le continent, en particulier dans l'Est. Yoweri Museveni a souligné que l'Ouganda était un pays chrétien pollué par l'islam radical tandis que Raila Odinga s’est montré inquiet de l'infiltration constante de radicaux islamiques de Somalie. Avec les encouragements du président Shimon Pérès et du premier ministre Benjamin Netanyahou, le premier ministre kenyan a accepté d’être le maître d’œuvre d’une alliance entre l’Éthiopie, le Kenya, la Tanzanie et le Sud-Soudan pour freiner la propagation de l’islam fondamentaliste dans les nations africaines, peuplées de 138 millions d’habitants, où existe une majorité de chrétiens.
Museveni et Shimon Pérès

          Israël souhaitait des relations officielles avec le Sud-Soudan disposant de la manne pétrolière avec ses 375.000 barils produits chaque jour. Le pays est entièrement à reconstruire et les entreprises israéliennes sont sur les rangs pour équiper de haute technologie une démocratie qui s’ouvre au monde moderne et dont la majeure partie de la population vit encore dans des huttes. Mais à peine créé, il risque d’être confronté à la guerre car les ambitions et les prétentions de ses voisins sont élevées. Le nord musulman dominé par les arabes se distingue du sud peuplé en majorité de chrétiens, longtemps martyrisés et en communauté de destin avec les juifs. Israël a donc décidé d’aider militairement le nouvel État soumis à la convoitise de ceux qui ont accepté l’indépendance du Sud-Soudan du bout des lèvres. Mais en l’aidant, il s’implique directement.
Salva Kiir

          Immédiatement après avoir noué des relations diplomatiques à l’occasion de l’indépendance du Soudan du Sud, le 8 juillet 2011, son président Salva Kiir a effectué, le 20 décembre 2011, une visite officielle de 24 heures en Israël. Cette première visite du chef du nouvel État a été qualifiée d'«historique» par le président israélien Shimon Pérès. En accueillant en grandes pompes le représentant du Sud, les israéliens ont cherché à lancer un avertissement clair aux nordistes qui ont affiché ouvertement leur soutien au  Hamas.

Des relations historiques

          Les relations entre Israël et le Soudan du Sud ne datent pas d’hier. Les chrétiens du Soudan avaient déjà aidé Israël durant la Guerre des Six Jours de 1967 en s’opposant à l’armée régulière qui voulait prendre part à la guerre. Les israéliens avaient ensuite  renvoyé l’ascenseur en soutenant les rebelles contre Khartoum, en les finançant et en les armant avec du matériel militaire récupéré à l’armée égyptienne vaincue. 

          Les soudanais du Sud n’ont jamais oublié ce soutien et leur président l’a rappelé à Jérusalem : «Sans vous, nous n’existerions pas». A l’ONU, le ministre des Affaires Étrangères du Soudan du Sud, Deng Alor Koul a manifesté son «soutien à Israël dans son approche de la déclaration palestinienne de septembre à l’ONU». Il a ensuite promis de «voter contre la résolution de l’Assemblée Générale de la reconnaissance d’un État indépendant appelé Palestine». Puis il a ajouté: «Notre pays a l’intention d’établir une ambassade dans la capitale d’Israël, à Jérusalem et non à Tel-Aviv comme le font la plupart des pays»
Omar Al-Bachir

          Les relations conflictuelles entre Israël et Omar al-Bachir résultent de l’appui donné par son régime au Hamas et à l’installation de bases islamistes au Soudan. Si la guerre éclate entre le nord et le sud, Israël sera contraint d’intervenir car il ne peut abandonner son nouvel allié désarmé à la vindicte du nord. L’État juif avait accepté de fournir au Kenya et à l’Ouganda, des drones, des vedettes navales rapides, des véhicules pour les patrouilles aux frontières et des équipements pour la surveillance maritime  afin de les aider à «les débarrasser des éléments islamistes terroristes» et à contrer l'expansion iranienne. Israël ne pourra moins faire pour le Soudan du Sud qui a besoin d’une aide technique à l’égale de celle octroyée aux kurdes : formation des officiers, présence de conseillers de Tsahal sur place et fourniture de renseignements satellitaires. En s’impliquant directement, il poursuit l’objectif de retrouver la période idyllique des années 1960 avec l’Afrique.

Zone stratégique

    Le Sud-Soudan est une zone stratégique pour les israéliens qui souhaitent disposer d’un point d’ancrage face à l’allié de l’Iran, Omar Al-Bachir. Ben Gourion avait déjà défini les bases politiques visant à aider les dirigeants des minorités des différentes communautés d’Irak, du Soudan, d’Éthiopie, de l’Ouganda, du Kenya et du Congo. En transformant des rebelles en armée régulière, entrainée et équipée par Israël, l’influence israélienne restera présente face à Khartoum. 

          Par ailleurs, Israël songe à sa propre défense. Les armes qui parviennent au Hamas transitent toutes par le Soudan avant de traverser le Sinaï. Jusqu’alors la force aérienne israélienne frappait les convois d’armes sur le territoire soudanais, comme en novembre et décembre 2011, dans la région de Wadi Al-Allaqi. Israël avait alors complètement détruit les missiles et autres armes de fabrication iranienne, russe et chinoise destinés au Hamas de Gaza. Une alliance avec le Sud-Soudain permettrait aux israéliens de disposer  localement d’un point d’appui et d’escales techniques pour leurs chasseurs-bombardiers mais au risque d’être entrainés dans une guerre loin de leurs frontières.

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