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dimanche 4 décembre 2016

Tsahal réévalue sa stratégie face au Hezbollah



TSAHAL RÉÉVALUE SA STRATÉGIE FACE AU HEZBOLLAH

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps


Parade du Hezbollah en Syrie
      
          Le Hezbollah est actuellement en perte de vitesse, dans la tourmente. Son implication dans le conflit syrien ne lui a pas apporté les dividendes qu’il escomptait. Au contraire, son image au Liban s’est ternie auprès de ses soutiens et de la population. Il subit des pertes de plus en plus importantes qu’il ne peut plus camoufler puisque les enterrements de combattants morts au combat en Syrie ont lieu en plein jour à Beyrouth, avec les débordements inévitables.
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Obsèques de miliciens tués en Syrie

Le leader Hassan Nasrallah, toujours protégé dans son bunker, cherche à redorer le blason de son mouvement. Il veut rehausser le moral des combattants choqués par les nombreuses pertes sur le front. Il a donc été amené à intensifier sa campagne de communication en organisant dans la ville syrienne de Qousseir un spectacle inédit qui a surpris par son ampleur et par sa finalité. Le Hezbollah y a fait étalage de sa puissance de feu dans un défilé militaire, sa première parade sur un sol étranger.
Blindé M113

La presse a diffusé les photos d’importantes armes lourdes, dont plusieurs américaines, de tanks soviétiques T-72, de canons anti-aériens KS-12A, de missiles russes Cornet et de mitrailleuses lourdes. Avec la volonté de marquer les esprits et de semer le doute, le Hezbollah a dévoilé des transporteurs américains blindés M113 (TTB), que l’armée libanaise avait reçus des États-Unis. L’origine de ces M113 reste mystérieuse car il est difficile de croire à une complicité des militaires libanais. Le Hezbollah pourrait les avoir saisis auprès de l’ancienne armée du Liban-Sud après son exil en Israël. D’autres sources d’information laissent à penser que le Hezbollah les aurait pris au groupe Jabhat Al-Nosra lors de violents combats.

Le choix de Qousseir pour le défilé n’était pas neutre. Cette ville a été la première enlevée à l’Armée Syrienne Libre après une bataille sanglante en 2013. Elle représente donc le symbole de la victoire sur les rebelles. La milice libanaise a d’ailleurs établi une base d'opérations au nord de la ville. Le Hezbollah veut, par ces démonstrations de force, justifier les pertes subies en Syrie. Les combats d’Alep ont augmenté les pertes de combattants dont les corps ont été rapatriés au Liban. Nasrallah, en difficulté, n’a pas trouvé d’autres moyens pour redynamiser ses troupes ; il voulait leur faire comprendre qu’ils devaient renouveler les victoires du type de celle de Qousseir en 2013 qui a permis de bloquer les attaques contre les villages chiites, de part et d’autre de la frontière. Son objectif était par ailleurs de prouver que la milice se présentait en seule protectrice du pays face aux éléments étrangers sans toutefois préciser qu’il n’était qu’un simple exécutant discipliné de l’Iran.

Les miliciens chiites libanais ont enregistré de fortes pertes à Alep où des combats violents s’y déroulent pour le contrôle de la ville. Le Hezbollah reporte la faute de ses échecs sur la Russie, accusée de refuser une couverture aérienne à ses troupes. Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a admis les pertes élevées subies dans les combats au sud-ouest d'Alep. 
Dans un discours diffusé sur sa chaîne Al-Manar le 24 juin, il avait déjà révélé pour la première fois que 26 de ses combattants avaient été tués depuis le début du mois. Cet aveu inhabituel du nombre de morts s’explique par une tentative de minimiser les pertes bien plus importantes subies dans les combats près d’Alep. Nasrallah justifie le nombre de victimes par l’arrivée de milliers de combattants de l’opposition qui ont traversé la frontière turque.
L’annonce unilatérale par la Russie d'un cessez-le-feu de deux jours à Alep avait contribué à ces lourdes pertes du Hezbollah. L’attitude de la Russie avait été ambiguë. Elle avait décidé de l’arrêt des combats sans consulter Damas ou Téhéran et avait intentionnellement privé les forces pro-Assad à Alep de couverture aérienne par mauvaise humeur contre les dissensions entre alliés. Les experts militaires sont convaincus que l'absence de frappes aériennes russes justifiait les pertes du Hezbollah. Nasrallah en vient à se demander s'il n'y a pas de conivences secrètes entre la Russie et Israël pour l'affaiblir.
Harakat al-Nujaba 

Les pertes élevées s’expliquent aussi par l’épuisement physique des troupes du Hezbollah contraintes d’agir sur plusieurs fronts en Syrie. C’est pourquoi Nasrallah a demandé l’aide urgente de la milice chiite irakienne Harakat al-Nujaba pour l'aider à sortir du bourbier. L’Iran, la Russie et la Syrie avaient convenu d'un plan d'action pour une grande bataille dans la province de Deir Ez-Zor, pour laquelle il avait été demandé au Hezbollah de jouer un rôle central. Mais le Hezbollah n'avait pas réussi à convaincre la Russie de le soutenir pleinement. Nasrallah a été contraint de fustiger dans son dernier discours «l'échec de l'Iran pour convaincre Moscou de se joindre pleinement à la lutte pour reprendre Alep».  
L’Iran avait manœuvré pour impliquer la Russie dans la bataille d’Alep en la mettant devant le fait accompli. Il avait poussé le Hezbollah à commencer le combat seul, espérant que les développements sur le terrain pousseraient la Russie à soutenir les miliciens libanais. Les Russes ont ignoré la manipulation et se sont rétractés, entraînant des pertes sévères pour le Hezbollah. Malgré cela, la stratégie de Nasrallah exclue tout retrait des combats, quitte à subir encore plus de dégâts parmi ses troupes : «Nous devions être à Alep, et nous allons rester à Alep, la retraite n’est pas permise». En fait il n’a pas anticipé l’amélioration des relations entre la Russie et la Turquie qui a justifié la réduction de la participation de la Russie dans le conflit à Alep.

La démonstration de force du Hezbollah face aux photographes procède donc de la propagande et n’inquiète pas outre mesure Israël. La transformation de la milice en une force mécanisée a retenu l’attention de l’État-Major israélien qui a dû réévaluer sa stratégie. La guerre du Liban 2006 avait été une guerre asymétrique, guérilla contre armée classique. Tsahal avait eu du mal à venir à bout du Hezbollah qui n’utilisait pas des méthodes classiques de guerre avec usage de chars et de fortifications régulières. Il n’était pas adapté aux combats de rue, souvent à l’intérieur de fortifications enfouies sous terre. 
La parade du Hezbollah avec son matériel militaire lourd rassure en fait Israël qui sait comment utiliser sa puissance de feu pour neutraliser ce genre de danger, tout en limitant les pertes humaines. L’Histoire est là pour en témoigner. Au cours de l’invasion du Liban en 1982, le commandement palestinien avait opté pour une guerre symétrique ce qui avait permis à Tsahal de détruire l’infrastructure militaire de l’OLP.

En fait, la parade militaire de Qousseir est un révélateur pour Israël qui considère le Hezbollah en plein bourbier en Syrie donc incapable de se lancer dans une opération aventureuse au Liban-Sud. Les militants du Hezbollah ont adapté leur entraînement aux exigences du combat en Syrie. Ils ont perdu, ou oublié, les techniques de la guérilla pour se transformer en soldats d’une armée régulière.

Les experts de l’armée israélienne ont donc réorienté leur doctrine de combat pour cadrer avec la nouvelle stratégie du Hezbollah, la seule menace actuelle de la région. La formation de l’infanterie a subi de sérieuses modifications. La lutte anti-émeutes de Cisjordanie a été abandonnée pour une bataille dans les villages du Sud-Liban. La durée de formation des conscrits a été augmentée de façon significative en parallèle avec la multiplication de terrains d’entraînement où des constructions ont été élevées pour simuler la réalité libanaise. L’armée organise de vrais simulacres de batailles d’infanterie pour tenir compte des leçons apprises par les miliciens du Hezbollah dans les combats de rues en Syrie. Jusqu’alors la formation israélienne était adaptée au combat dans des zones ouvertes ; à présent l’accent est mis sur des entraînements dans les centre-villes en coopération avec le corps blindé, et de nuit pour cadrer avec la réalité sur le terrain.


Tsahal a tiré les leçons de 2006 où il a connu des embuscades meurtrières sous une pluie de missiles antichars. Il mise de plus en plus sur les technologies nouvelles pour améliorer le renseignement. Il a tiré les enseignements des trois guerres de Gaza et s’est donné pour objectif de former 10.000 soldats d’infanterie en un an. Finies les marches longues de plusieurs kilomètres mais en revanche exercices de mouvements avec plus de poids sur le dos pour cadrer avec les méthodes éprouvées du combat souterrain. 

          D’ailleurs, l’État-Major a mis au point de nouvelles armes et de nouvelles techniques car les services de renseignement ont dévoilé que le Hezbollah s’était spécialisé dans la construction de bunkers profonds et de tunnels permettant aux miliciens armés de se mouvoir en toute liberté.  Une force de commando d’infanterie d’élite a été créée en Israël pour avoir plus de mobilité. Israël est paré à toutes les éventualités même si le Hezbollah est en perte de vitesse. Rien n’est jamais acquis.

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